Grand Est Paru le 04 octobre 2022
ENVIRONNEMENT

Harmonie Mutuelle adopte sa stratégie climat

Un an après être devenue Entreprise mutualiste à mission, Harmonie mutuelle poursuit sa transformation en se dotant d’une stratégie climat ambitieuse. Nathalie Vignier, directrice d’Harmonie Mutuelle Grand Est, dans une interview aux Affiches d’Alsace et de Lorraine, nous explique ce nouveau plan stratégique.

Nathalie Vignier, directrice d’Harmonie Mutuelle Grand Est depuis avril

Les Affiches d’Alsace et de Lorraine : En deux mots pouvez-vous vous présenter ?

Nathalie Vignier : « Je viens de fêter début septembre mes 25 ans au sein d’Harmonie Mutuelle où j’ai débuté le 1er septembre 1997. Je suis arrivée en Lorraine en 1997 et suis entrée dans une mutuelle qui s’appelait Previade à l’époque et qui est devenue Harmonie Mutuelle. J’ai évolué pendant une quinzaine d’années dans des métiers autour de la communication et du marketing, prévention santé pour faire un virage sur la partie développement et direction régionale, il y a quatre ans. J’ai appris sur le terrain le métier de la mutuelle et de la protection sociale. Je possède une formation classique d’école de commerce. Je suis originaire de Bourges, dans le Centre Val de Loire. »

Comment est organisée Harmonie Mutuelle ?

N.V. : « Le siège d’Harmonie Mutuelle est à Paris. Mais nous sommes organisés en région. Le siège régional d’Harmonie Mutuelle est à Laxou en Meurthe-et-Moselle. Il s’agit de la Passerelle que vous avez du reste déjà évoquée dans vos colonnes au moment de sa modernisation. »

La construction de ce siège intervenue il y a plus de deux ans répondait-elle déjà à cette nouvelle stratégie sur l’environnement ?

N.V. : « Ce siège a été construit entre 2018 et 2019. Nous l’avons intégré un peu en retard en 2020 à cause de la crise sanitaire.

Il avait dès le départ pour vocation d’apporter un cadre de vie le plus confortable et le plus propice possible aux collaborateurs. Il répondait à des critères de transparence, de luminosité et de confort. Nous sommes locataires de ce bâtiment. Au regard de notre stratégie climat, nous allons faire évoluer un certain nombre de pratiques. Nous avons ainsi déjà travaillé sur les notions de mobilité en privilégiant le covoiturage, l’accès des collaborateurs à des trottinettes ou des vélos électriques, à limiter au maximum les déplacements en voiture. Nous avons mis en place un accord de télétravail très ambitieux qui permet à nos employés d’aller jusqu’à trois jours de télétravail, soit seulement deux jours de déplacement entre le domicile et le lieu de travail. À terme on réfléchit à une organisation plus flexible pour diminuer le nombre de mètres carrés par collaborateur, passer de 20 m2 à 15 m2, afin de diminuer notre impact environnemental. »

« Une stratégie que nous préparons depuis 10 ans »

Cette nouvelle stratégie a été lancée au moment de la crise sanitaire ou avant ?

N.V. : « Honnêtement, on travaille autour de la responsabilité sociétale et environnementale depuis plus de 10 ans. C’est déjà dans l’ADN d’Harmonie Mutuelle. En revanche, il y a eu un tournant, en juillet 2021, quand nous avons décidé avec nos élus de devenir entreprise mutualiste à mission et donc de maximiser nos impacts positifs sur la société. Cela se traduit notamment par une stratégie climat. Ce n’est pas lié au départ à la crise sanitaire. Toutefois, toute stratégie doit aujourd’hui prendre en compte cet impact. La santé est très liée à l’environnement. La santé psychologique en particulier a été un des éléments dont on a parlé au moment de cette crise sanitaire. Et le fait de pouvoir disposer de locaux agréables, qui favorisent la convivialité, le partage, participe positivement à la santé psychologique des collaborateurs. Notre stratégie climat n’est pas liée à la crise sanitaire, elle était préexistante. Mais au regard de cette crise, on la prend cependant en compte, dans notre stratégie climat. »

Qu’est-ce précisément une mutualité à mission ?

N.V. : « C’est une entreprise qui définit une raison d’être. Celle-ci déclenche des objectifs très concrets. C’est très réglementé. Un organisme externe va venir valider chaque année le fait que ces objectifs sont réellement pris en compte. Ce n’est pas juste se donner une ambition comme un outil de communication, c’est prendre des engagements envers la société, on l’inscrit dans nos statuts. Être une entreprise mutualiste à mission c’est se donner une boussole à 15-20 ans, dans laquelle on décide d’avoir un impact positif sur la société. Et la stratégie climat est une des incarnations de cet impact positif que nous voulons avoir sur la société. »

Vous avez des partenaires importants dans ce projet comme l’Ademe ?

N.V. : « Tout à fait. Nous avons passé un partenariat avec l’Ademe (ndlr : agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) il y a quelques mois. Il s’agit d’une référence en matière de protection de l’environnement. Notre objectif est de travailler avec nos partenaires afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. On veut embarquer avec nous, nos entreprises clientes dans ce combat. Le pacte avec l’Ademe consiste à mettre en place des actions spécifiques pour l’amélioration de ces impacts, et on va accompagner financièrement ces entreprises clientes dans cette démarche. On a doté cette opération de 500 000 euros. Cela signifie que l’entreprise cliente qui est à nos côtés dans le combat pour la préservation du climat, aura un avantage financier sur la partie protection sociale chez Harmonie Mutuelle. »

Cela peut-il contribuer à obtenir de nouveaux clients ?

N.V. : « Oui et non. Une stratégie climat dans une entreprise, ça ne se décide pas pour gagner de nouveaux clients. C’est ancré dans la stratégie globale de l’entreprise. En revanche c’est une façon de dire que l’on mène un combat qui va dans le même sens, on vous donne un coup de pouce sur la partie protection sociale parce qu’on partage ces valeurs-là. »

Est-ce que les entreprises suivent ?

N.V. : « Absolument. Il y a aujourd’hui une véritable prise de conscience globale. Les entreprises partenaires de l’Ademe, prennent contact avec elle pour partager notre vision des choses pour voir si on peut travailler ensemble dans cette transition écologique. »

Un travail qui se construit sur le temps long

Pouvez-vous nous citer deux ou trois actions concrètes qui incarnent cette stratégie ?

N.V. : « Dans cette stratégie climat, il y a une urgence et dans le même temps c’est un travail qui se construit sur le temps long. On l’active dès à présent avec un comité stratégique climat d’une quinzaine de personnes, des élus de la mutuelle et des collaborateurs. Il va ouvrir un certain nombre de projets autour du changement climatique, de l’énergie, de la gestion des déchets. Une action très concrète concerne nos collaborateurs : notre nouvel accord d’intéressement 2022-2024 intègre une composante basée sur un critère écologique. Si nous parvenons à réduire nos émissions de gaz à effet de serre lors de nos déplacements professionnels, si nous parvenons à faire évoluer nos usages dans ce domaine, alors ça rentre dans nos critères d’intéressement. Généralement ces critères reposent sur la performance commerciale, le service client. Là nous avons intégré un critère qui n’a rien à voir avec la performance commerciale, elle est en lien avec la stratégie climat. Cela veut dire que nous sommes tous partie prenante. En résumé, cela signifie que le personnel change ses habitudes de déplacement, choisit de faire du télétravail, décide de faire du covoiturage. Et ça va venir bonifier le critère écologique de l’intéressement. C’est une manière concrète de sensibiliser et mobiliser notre personnel. »

Apporter sa pierre à l’édifice

Et ça marche ?

N.V. : « En fait, on se rend compte que nos collaborateurs sont extrêmement sensibles au fait que leur entreprise s’engage sur ces sujets-là. C’est devenu une question centrale dans les entreprises. Avoir une stratégie dont les collaborateurs sont fiers, où ils se disent, finalement je peux apporter ma pierre à l’édifice, c’est très important en termes d’engagement. »

Une façon aussi de sensibiliser vos clients ?

N.V. : « Assurément. L’impact que nos clients vont avoir sur l’environnement est bien plus fort, il est démultiplié. Notre bilan carbone, nous le faisons sur le mode étendu : l’obligation légale de mesurer l’impact direct que l’entreprise a sur l’environnement. Ensuite, il y a le bilan carbone classique, avec les effets indirects de notre activité. Nous avons décidé de faire un bilan carbone étendu, en prenant en compte les impacts que pouvaient avoir nos entreprises clientes, nos adhérents. Cela permet d’avoir un calcul plus large et un périmètre d’action plus important. »

Vous pouvez nous donner un exemple ?

N.V. : « On peut ainsi demain se poser la question : quand on rembourse des lunettes, est-ce qu’on doit rembourser de la même manière des lunettes fabriquées en Chine ou des lunettes éco-conçues avec des matériaux spécifiques fabriquées à côté de chez nous, c’est aussi se préoccuper de l’impact sur l’environnement. L’autre volet important concerne notre portefeuille d’investissements piloté par notre direction financière. L’objectif est d’assainir ce portefeuille d’investissements de manière à favoriser systématiquement les investissements qui sont dans des fonds à impact positif, et de sortir de ceux qui ont un impact négatif sur l’environnement. Et ça aura un impact fort sur notre bilan carbone. Un travail de fond est mené sur cette question. »

Un marché très concentré

Qu’en est-il de la croissance externe d’Harmonie Mutuelle ?

N.V. : « En la matière, il y a eu un très gros mouvement de fusion il y a une quinzaine d’années. Aujourd’hui, il est plus modeste, le marché est très concentré. On est plutôt sur une optimisation des fonds de manière à s’assurer que l’argent de nos adhérents soit préservé. »

Vous faites partie du Groupe VYV ?

N.V. : « Avec la MGEN notamment. La création du groupe VYV est de septembre 2017. Harmonie Mutuelle emploie près de 5 000 salariés. Son chiffre d’affaires est de 2,8 milliards d’euros. Et nous n’avons plus d’activité internationale, nous en avions une petite en Italie que l’on va arrêter. En fait, le principe de la complémentaire santé est extrêmement dépendant du système de protection sociale français. C’est lié à la Sécurité sociale, aux prestations sociales en termes de prévoyance : c’est d’une certaine façon une activité franco-française. »

Cette stratégie climat a été validée. Fera-t-elle l’objet d’un suivi ?

N.V. : « Déjà on fait un bilan carbone tous les ans. On s’est fixé l’objectif de réduire d’ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre de 48,2%. On va suivre cet indicateur tous les ans. Un comité d’expertise qui va nous accompagner, dans le cadre de l’entreprise mutualiste à mission. »

Qu’en est-il de votre facture énergétique ? Qu’est-ce qui est prévu chez Harmonie Mutuelle cet automne ?

N.V. : « L’équipe patrimoine et environnement du travail est en train de préparer un plan d’actions concret, impactant l’ensemble des sites de la mutuelle dans le Grand Est, il y en a 25, dont le siège régional La Passerelle à Laxou. Les axes de travail portent sur la climatisation, le chauffage, les luminaires, la consommation d’eau. À Laxou, tous les éclairages se déclenchent à la détection de présence. À Laxou, travaillent 450 personnes, et nous avons des agences. »

Les défis opérationnels d’Harmonie Mutuelle

L’engagement écologique d’Harmonie mutuelle s’est traduit par la création en 2021 d’une direction dédiée aux enjeux écologiques : la Direction Santé & Écologie.

Harmonie Mutuelle est le premier acteur du secteur à présenter en 2021 sur la base des chiffres de son activité en 2019, les résultats d’un bilan carbone étendu à l’ensemble de ses activités, liées au fonctionnement de l’entreprise ainsi qu’à ses rôles d’investisseur et d’assureur. Le bilan ainsi réalisé montre une empreinte carbone de 160 kg par an et par personne protégée, qui provient à 8% du fonctionnement d’Harmonie Mutuelle, à 38% de son portefeuille d’investissements et à 54% des soins remboursés.

La feuille de route va se décliner en 7 défis opérationnels qui s’articulent autour de trois mots clés :

- Une mutuelle responsable qui par exemple, répond aux enjeux d’attractivité et de santé au travail que connaissent les employeurs, par des services dédiés comme Harmonie Potentiel Humain et Harmonie Service Social, ou permet à ses adhérents d’avoir recours à des soins de qualité à des tarifs maîtrisés par le biais de réseaux de professionnels de santé, tels que le réseau de soins conventionné du Groupe VYV, Kalixia.

- Une mutuelle performante qui accélère son développement en se fondant sur une approche couplée santé prévoyance, permettant un parcours simple et unifié pour les adhérents et entreprises clientes, en développant de nouveaux partenariats, ainsi qu’en poursuivant l’amélioration de l’expérience client, appuyée sur les nouvelles technologies et les services innovants. Harmonie Mutuelle se fixe comme objectif d’atteindre 92% de taux de satisfaction client d’ici 2026 contre 86,5% en 2021.

- Une mutuelle humaine qui favorise le sens, l’attention et l’autonomie pour ses salariés, en consolidant son ancrage territorial, en généralisant le télétravail et en renforçant le partage de la valeur avec les salariés, par le biais d’un nouvel accord d’intéressement.

Nathalie Vignier cite également quelques actions que promeut la mutuelle. Ainsi l’organisation d’une éco-marche à Schiltigheim (67) avec des entreprises et des écoles locales pour récupérer des déchets et préserver l’environnement. En étant aussi aux côtés de la Banque alimentaire de Moselle (57) pour collecter des produits d’hygiène et lutter contre la précarité menstruelle.

Harmonie Mutuelle s’engage également à redistribuer au moins 80% de ses cotisations à ses adhérents.

Pour mémoire, Harmonie Mutuelle dans le Grand Est, ce sont plus de 540 355 personnes protégées, 12 620 entreprises adhérentes, 245 élus bénévoles et 699 collaborateurs.

Bernard KRATZ