Grand Est Paru le 14 octobre 2022
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Le BTP 57 appelle à des mesures fortes

La fédération du BTP de la Moselle a tenu ses assises fin septembre à Metz. L’occasion pour le président Pierre Schaeffer de brosser le tableau de l’activité. Celle-ci s’assombrit faute de visibilité. Les entrepreneurs appellent à des mesures fortes pour faire face à la crise énergétique.

Assises du BTP

Où s’arrêtera le BTP de la Moselle ? La fédération vient d’organiser une assemblée générale de haute tenue dans les prestigieux locaux de l’Arsenal. Une façon pour ses dirigeants d’honorer ces entrepreneurs qui s’engagent au quotidien pour faire vivre le bâtiment. Plus de 300 personnes ont répondu à l’appel de la fédération en ce jeudi 29 septembre à l’Arsenal. Et nos entrepreneurs ne sont pas venus pour rien. Pierre Schaeffer, le président a détaillé pour eux la brillante manière avec laquelle ils ont fait face à la crise sanitaire d’abord, et la façon dont ils s’engagent plus que jamais pour tenir la barre de leur entreprise en pleine crise énergétique. Et le président est très vite entré dans le vif du sujet.

« Comme l’ensemble de l’économie, le secteur du BTP est largement impacté par les pénuries de matières premières et la crise de l’énergie » dit-il à la tribune. « Tous nos métiers sont concernés et les cycles longs de production qui caractérisent notre secteur nous sont très défavorables. » Et il étaye son propos : le logement neuf se fragilise, alors que le niveau de permis de construire reste important, car il est gonflé artificiellement par les dépôts massifs de dossiers en décembre 2021 afin d’anticiper la réglementation RE 2020.

Amélioration-entretien bien orientée

En attendant, les ventes de logements neufs sont en train de s’effondrer tant chez les promoteurs que chez les constructeurs de maisons individuelles. Et la commercialisation régresse depuis de 26% dans l’individuel et de près de 15% dans la promotion immobilière, sur le premier semestre 2022.

Petite éclaircie toutefois dans le secteur de l’amélioration-entretien qui reste bien orientée jusqu’à aujourd’hui, avec une progression de +1,4% sur un an, mais tempère Pierre Schaeffer « les perspectives semblent se dégrader sous l’effet de la forte inflation qui touche tous les ménages. »

Il aura un mot sur les Travaux publics : les appels d’offres progressent au premier semestre 2022 après la lourde chute de 2020 liée au cycle électoral et à l’épisode de Covid 19. « Toutefois, précise le président du BTP 57, le nombre de consultations reste en retrait par rapport aux années d’avant crise sanitaire de l’ordre de 17%. »

L’emploi salarié progresse

Le BTP reste un secteur d’activité attractif. De fait, l’emploi salarié continue de progresser malgré toutes les difficultés de recrutement rencontrées au quotidien. « Sur un an, quelque 500 postes ont été créés dans le BTP Moselle. Comme souvent, notre secteur contribue pleinement au dynamisme de notre économie nationale » glisse le président départemental du bâtiment.

Néanmoins de nombreux entrepreneurs et artisans du BTP sont inquiets « pour la santé financière de leur entreprise. Les données montrent une détérioration au deuxième trimestre 2022. Les trésoreries se dégradent nettement. »

Inflation, prix de l’énergie…

Pierre Schaeffer embraye sur l’actualité la plus brûlante : l’explosion des prix de l’énergie depuis août. Elle réalimente la crise des matériaux et conduit même à l’arrêt de certaines lignes de production pour des produits du BTP. Dans le même temps, pour recruter, de nombreuses entreprises ont consenti des progressions salariales. « Des augmentations rendues nécessaires face à l’inflation galopante et à la pénurie de main d’oeuvre, pèsent lourdement dans la rentabilité de nos sociétés. » En clair, la conjoncture actuelle n’est pas trop favorable aux entreprises du BTP.

Appel à dialogue entre entreprises et donneurs d’ordre

Depuis 2021, la Fédération se mobilise pour amortir les conséquences de cette crise inédite. Le message de la Fédération est clair : « les entreprises du BTP ne peuvent pas assumer seules les conséquences d’une situation dont elles ne sont pas à l’origine. » Les pouvoirs publics l’ont entendu. Différentes circulaires ministérielles ont permis de rappeler, pour les marchés publics, l’obligation d’appliquer les mécanismes de variation de prix, l’aménagement possible des délais d’exécution et la renonciation aux pénalités de retard.

À l’évidence, les acheteurs publics jouent globalement le jeu pour les nouveaux contrats. Toutefois, il est relevé deux difficultés persistantes : les contrats signés sans clause de variation de prix et certains marchés de bailleurs.

Et Pierre Schaeffer de lancer un appel « pour un réel dialogue entre les entreprises et les donneurs d’ordre publics afin de revoir les prix de ces marchés. Renvoyer les entreprises vers des procédures longues et incertaines, comme la théorie de l’imprévision, est inacceptable ! » Quant aux bailleurs sociaux, il leur rappelle que le Ministère de l’Économie a clairement spécifié « que leurs marchés étaient soumis au code de la commande publique. » Enfin pour ce qui est des marchés privés, « aucune disposition n’a malheureusement été mise en place, mais notre fédération recommande l’utilisation des mécanismes de révision de prix. »

Comment compenser les surcoûts ?

Jusqu’à présent, les entreprises de BTP ont supporté une large part des surcoûts sur chantier avec de réelles difficultés à les répercuter à leurs clients. « Elles ne pourront pas continuer encore longtemps ! Globalement, les coûts des entreprises du bâtiment ont progressé de 12%, entre fin 2020 et juin 2022. Pour les travaux publics, la hausse atteint 19% en un an et demi. Certains métiers ont connu des hausses de près de 30%. »

Et cela pousse la fédération à demander des dispositions vis-à-vis des fournisseurs qui ont adopté « des pratiques commerciales déplorables. » Même si le président du BTP veut bien reconnaître « que la situation est aussi difficile à leur niveau. » En clair « les entreprises du BTP ne veulent plus avoir à subir des hausses de prix massives, et pour certaines inexpliquées, qui se succèdent à rythme effréné. » Pour les gens du BTP il est indispensable « d’avoir une visibilité sur les capacités de livraison, pour faire cesser les spéculations qui aggravent les difficultés. » Dès lors il est impossible pour une entreprise de chiffrer son marché si elle ne connaît pas le prix des fournitures, et que leur livraison est de surcroît hypothétique.

Dans ce contexte « les entreprises de BTP commencent à manquer de visibilité sur l’activité future. » Et dans la foulée tout le monde s’interroge : les collectivités locales, les investisseurs, les particuliers, l’ensemble des professionnels, se demandent quand lancer leur projet ?

« Nous en appelons à des mesures fortes pour notre secteur » insiste le président de la fédération.

13 premières mesures annoncées

Lors des récentes assises du BTP, le gouvernement a fait le premier pas. (Lire les Affiches N°80 du 7 octobre 2022). Il a annoncé 13 premières mesures : la possibilité d’obtenir une révision des prix dans les marchés publics en cours, pour tenir compte des surcoûts actuels. « C’est une réelle avancée » estime la fédération. Il en va de même de la pérennisation du plafond de 100 000 euros pour signer des marchés de gré à gré qui « va dans le bon sens, tout comme la majoration à 30% des avances forfaitaires sur les marchés d’État. » Mais la fédération en veut davantage. Elle cite comme mesures d’urgence « l’extension de la révision des prix aux marchés privés ou, la prise en charge intégrale de l’activité partielle en cas de pénurie avérée de matériaux. »

« Encourager plutôt que brider… »

La philosophie d’action du BTP est sans surprise de facture libérale : « il s’agit d’encourager et de faciliter la construction plutôt que la brider. » De fait pour Pierre Schaeffer « le logement et le développement des infrastructures doivent être de grandes causes nationales : il en va de la performance et de l’attractivité de nos territoires. Notre secteur a un véritable rôle social et de développement économique à jouer. » Dans le même registre, la fédération souhaite un « accompagnement financier pour les entreprises afin de faire face aux conséquences de la hausse des coûts. Avec aussi pourquoi pas « un allongement de la durée de remboursement des PGE et une poursuite de la baisse des charges. »

Et pour accompagner le tout « une pause réglementaire est indispensable ! » Il cite la réglementation environnementale 2020 applicable depuis début 2022 aux constructions neuves, qui génère un coût supplémentaire de l’ordre de 15%. Il est bien difficile à supporter pour nos clients dans un contexte de hausse de coûts de production. « Un dispositif de compensation des surcoûts doit être mis en place sans quoi de nombreux ménages seront désolvabilisés. »

Sans compter aussi la responsabilité élargie des producteurs avec la gestion des déchets à compter du 1er janvier 2023. Pas sûr que ces revendications sur la réglementation environnementale, en ces temps de crise énergétique et d’appels à la citoyenneté, soient entendues et recevables.

Faire simple

Autre leitmotiv des entrepreneurs : la simplification administrative. En clair, faire simple en matière de procédures d’urbanisme, pour favoriser l’investissement locatif, pour faciliter aux ménages le financement de l’achat de leur logement. Pierre Schaeffer apprécie l’initiative du ministre de la Transition écologique de demander aux préfets « de ne pas aller trop vite dans la mise en oeuvre du principe de zéro artificialisation nette. Ces mesures trop radicales risquent en effet de bloquer toute construction. Il convient de concilier la lutte contre l’artificialisation avec les besoins en logement et les spécificités de chaque territoire. »

En revanche, il est tout à fait favorable à la rénovation thermique des logements existants, en ces temps de crise énergétique. « De fait, 44% de la consommation énergétique sont constitués par l’usage des bâtiments. Le gisement d’économie est gigantesque. » Encore faut-il maintenir les aides voire les renforcer afin d’amplifier la rénovation énergétique tant des logements que des locaux professionnels.

Le frein du recrutement

Pour Pierre Schaeffer, il existe un véritable frein à l’activité du BTP : les difficultés de recrutement. « Elles touchent désormais quatre entreprises sur cinq ! »

En Moselle en tout cas, bon an mal an les entreprises recrutent jusqu’à 1000 personnes par an. Et le secteur n’est pas avare de campagnes de communication nationales ou locales pour vanter l’attractivité des métiers du BTP. Avec des slogans bien ficelés : « Le bâtiment, des métiers qui vous construisent » Il cite aussi l’initiative de la CCI Moselle « Ton métier, ton avenir » qui a réservé une large place aux métiers du BTP.

La formation, toujours la formation

Pierre Schaeffer, comme à chaque fois, insiste fortement sur l’importance de la formation. Et le rapprochement avec les collèges, tant les enseignants que les élèves, permet de présenter la réalité des métiers du BTP. Il va même jusqu’à citer le propos du nouveau recteur d’Académie : « Nous devons ouvrir davantage nos établissements au monde de l’entreprise… Les résultats en attestent : la voie professionnelle est une voie d’excellence. » Et d’ajouter « j’espère que ces propos sont bien parvenus au monde de l’Éducation Nationale. »

Autre rapprochement positif selon le président mosellan, celui opéré par le BTP avec les institutions de l’emploi comme les Missions Locales et Pôle Emploi, car « la principale difficulté reste de mobiliser les publics éloignés de l’emploi alors que de véritables parcours d’insertion sont disponibles avec des emplois à la sortie. »

Il salue au passage les efforts réalisés en matière d’apprentissage. « Les effectifs du CFA devraient dépasser les 1100 apprentis, niveau record plus atteint depuis 10 ans ! » C’est aussi le fait que le CFA du BTP de Montigny-lès-Metz a fait l’objet d’un profond programme de modernisation qui en fait un centre moderne. Sans oublier la création d’une antenne du CFA à Sarreguemines où seront délivrées des formations dans les métiers de la maçonnerie et du génie climatique. Et les entreprises n’hésitent pas à passer par les apprentis « pour investir sur l’avenir et s’ouvrir à de nouvelles compétences. » Preuve que l’apprentissage reste une solution privilégiée, la demande a progressé de plus de 50% cette année par rapport à l’année 2021.

Pierre Schaeffer peut conclure : « Les inconnues sont encore nombreuses en cette rentrée, face à une crise qui remet profondément en cause les équilibres de notre secteur. Les entrepreneurs, les artisans doivent être soutenus. Le BTP a besoin de mesures en faveur de la construction, d’une véritable protection contre la crise des matériaux et d’une poursuite de l’investissement public. »

Les coulisses du BTP : deux chantiers en Moselle

La 20è édition des Coulisses du BTP se déroule les 13 et 14 octobre. Cette action phare est l’occasion pour le BTP de la Moselle de faire découvrir à des collégiens la diversité des métiers du BTP.

Les entreprises du BTP Moselle ouvrent les portes de leurs chantiers et dévoilent tous les secrets de construction ou de rénovation d’un bâtiment.

En Moselle deux chantiers sont ouverts aux collégiens :

- Le chantier de construction neuve et de réhabilitation de logements à Montigny-lès-Metz au quartier Lizé en partenariat avec Eiffage Construction.

- Le chantier de construction neuve, du bâtiment Rotherspitz à Sarreguemines, en partenariat avec Comiage Immobilière de Sarreguemines.

Grâce au financement du conseil régional Grand Est, plus de 1000 collégiens accompagnés de leurs enseignants se déplaceront pour découvrir ces deux chantiers. Cette année, en partenariat avec les missions locales et les agences de Pôle Emploi, des publics jeunes et adultes demandeurs d’emploi sont également accueillis.

La fédération du BTP 57 se félicite du partenariat avec Eiffage Construction pour la découverte du chantier du Quartier Lizé à Montigny-lès-Metz. Un chantier qui met en valeur une belle collaboration entre le maître d’ouvrage, le maître d’oeuvre et les entreprises locales. C’est sur ce chantier qu’est proposé du reste le point presse de présentation des Coulisses du BTP. Et c’est Sandrine Lange, présidente du groupe femmes de la fédération BTP 57 qui représente la fédération.

En prime, les Coulisses du BTP ont occupé le terrain du digital avec un dispositif en direct d’un chantier parisien sur Youtube et Linkedin ce jeudi 13 à 10h. Cela a permis aux établissements scolaires de visiter un chantier digital en direct.

Depuis 2003

Les Coulisses du BTP existent depuis 2003. Elles ont accueilli plus 1 640 000 personnes qui ont visité plus de 4 700 chantiers et ateliers ouverts dans toute la France. « En Moselle, depuis 2003, quelque 20 200 jeunes ont ainsi découvert 56 chantiers et ateliers » indique Pierre Schaeffer. Il rappelle que, compte tenu des difficultés de recrutement dans le secteur, « la promotion des métiers du BTP demeure un enjeu majeur pour la profession. Il est plus que nécessaire de communiquer sur nos métiers, sur les besoins de recrutement de nos entreprises. Les Coulisses du BTP répondent parfaitement à ce besoin. »

Rémy Claudel, directeur de Metz Eiffage Construction se dit ravi de participer à cette opération : « C’est un honneur et un réel plaisir d’avoir été sélectionné pour accueillir l’ensemble des participants aux Coulisses du BTP. Nous espérons qu’en parcourant l’une de nos opérations phares qu’est le Quartier Lizé de Montigny-lès-Metz, des vocations naîtront. L’avenir de la profession passe par la promotion de chacun de nos métiers, parfaitement mis en lumière par cette manifestation. Chacun de nos collaborateurs a à coeur de transmettre sa passion du BTP afin de mettre en avant la richesse des opportunités que les métiers du bâtiment peuvent apporter. »

Voir aussi www.lebatiment.fr

Bernard KRATZ