Grand Est Paru le 04 novembre 2022
CONSOMMATION

LE PREMIER JEAN 100 % FRANÇAIS EST ALSACIEN

Dernière-née du groupe alsacien Velcorex, la marque Sème entend se faire une place sur le marché très concurrentiel du vêtement du quotidien. Avec un argument de taille : les produits sont 100 % français. À commencer par le jean tissé en Alsace, à partir de fil de lin récolté en Normandie et filé en Alsace, et confectionné dans l’ouest.

Agathe Schmitt

On connaissait le mouvement « du champ à l’assiette », manière de travaux très pratiques de la théorie des circuits courts en agriculture et en agro-industrie ; le groupe textile alsacien Velcorex invente « du champ au vestiaire ». Imaginée et créée par Agathe Schmitt, fille de Pierre Schmitt, repreneur du groupe susnommé en 2010, depuis rebaptisé Velcorex since 1828, et d’Emmanuel Lang, quelques années plus tard, la marque Sème entend valoriser les savoir-faire acquis pendant des générations dans les usines textiles des vallées alsaciennes et contribuer à leur donner un avenir durable.

Jean en lin

« J’ai eu accès aux matières textiles de qualité élaborées dans les usines Velcorex depuis que je suis toute jeune, raconte la trentenaire dans ses bureaux colmariens. Cela m’a donné envie de proposer un vestiaire complet pour l’homme et la femme conçu et fabriqué à partir de tissus 100 % français. » En 2021, elle crée la marque Sème et démarre dès 2022 avec une première gamme : veste en velours, chemise blanche, pantalon de velours. Sème travaille avec deux usines textiles alsaciennes, Velcorex pour les velours et Emmanuel Lang pour les cotons des chemises et les jeans, et deux usines de confection dans l’ouest, Kiplay, en Normandie, et Couleur Stone, dans les Pays de la Loire.

La nouvelle marque alsacienne se lance aussi dans la production d’un jean en lin. Ce dernier pousse même le made in France à son maximum : le lin est produit par des agriculteurs normands, avant d’être filé et tissé dans les ateliers Emmanuel Lang, à Hirsingue. Autre caractéristique du jean Sème : son lin est filé « au sec ». « Cette filature ne nécessite pas d’eau dans le processus, explique Agathe Schmitt. Cela évite donc l’obligation de recourir à une station d’épuration, cela consomme moins d’énergie et les salariés ne travaillent pas dans un environnement humide. Nous pouvons donc dire que nos produits respectent nos engagements pour une mode plus vertueuse et plus durable, autant pour la planète, que pour les personnes qui les fabriquent et que pour les clients qui les portent. Nous sommes bien au-delà du simple story telling. C’est le résultat de deux ans de travail chez Emmanuel Lang. »

Souscription sur Ulule

Pour assurer ses arrières, Agathe Schmitt, qui a fait ses premières armes dans la mode au sein d’un bureau d’achat et d’un grand magasin parisien de la rive gauche, lance une souscription sur

Ulule, non pas pour récolter de l’argent, mais pour engranger les précommandes de ses jeans, avant de lancer la production. Et ça marche ! Plutôt très bien même : l’objectif d’en vendre 150 en précommande est très vite dépassé. Il s’en est finalement vendu 510, qui seront disponibles en avril prochain. « Il nous fallait des quantités minimales afin d’assurer la commande, explique la jeune entrepreneuse. Par la suite, l’objectif est d’en vendre entre 500 et 750 par saison. Pareil pour les vestes et les chemises. » Dans un premier temps, les produits Sème sont disponibles sur le site web de la marque ouvert depuis le 12 octobre dernier. Le but ultérieur

étant de pouvoir aussi les commercialiser dans des points de vente physiques.

Et la jeune créatrice pense déjà à l’avenir : pantalons et vestes en velours de lin dès l’année prochaine, châles en maille de lin tricotée à partir d’un fil de lin de chez Emmanuel Lang, sans oublier la laine. Mais ça, c’est pour un peu plus tard. Agathe Schmitt résume : « Notre objectif, c’est de produire un maximum de produits 100 % français. »

Agathe Schmitt : « Marier l’être et le paraître »

Pourquoi est-ce si dur de produire des vêtements en France ?

Nous, ce que nous produisons en France subit les taxes et est soumis à plein de normes et de contrôles, auxquels les produits importés échappent presque totalement. C’est affolant. Cela a tué l’industrie textile française. Par ailleurs, beaucoup se revendiquent du made in France : mais en réalité cela ne commence bien souvent qu’à l’étape de la couture, car les tissus sont importés. Or dans une chemise ou un pantalon, ce qui est en contact avec la peau, c’est le tissu. C’est le tissu qui signe l’origine du produit, même si la confection est bien sûr très importante. Les produits Sème veulent marier l’être et le paraître : on achète un produit Sème pour son esthétique mais aussi pour ce qu’il représente : le respect de l’environnement, le respect des savoir-faire, le respect des hommes et des femmes qui l’ont fabriqué.

Dans les circonstances économiques présentes, est-il facile de lancer une nouvelle marque de vêtements ?

Nous nous sommes déjà pris des augmentations de prix aussi bien du côté des tisseurs que des confectionneurs. Nous avons donc déjà dû adapter nos prix de vente. Mais nous sommes aussi confrontés à la multiplication exponentielle du nombre de marques du fait des nouvelles opportunités offertes par les ventes en ligne. C’est d’ailleurs ce que nous faisons nous-mêmes. Le revers de la médaille, c’est que les coûts d’acquisition pour se faire connaître sont beaucoup plus élevés. Du coup, il est difficile pour le consommateur de pouvoir arriver jusqu’à la marque qui fait tout localement. En revanche, compte tenu du contexte actuel de la guerre et des grandes incertitudes, peut-être que les consommateurs seront tentés d’acheter de manière plus intelligente en recherchant des vêtements plus fiables, plus durables, qui ont plus de sens. C’est plutôt positif pour nous.

Un prix qui n’a rien à cacher

Un jean à 245 €, Agathe Schmitt ne s’en cache pas : c’est déjà un certain prix. « C’est un prix juste, explique la dirigeante. C’est un bon moyenne gamme. Ce prix rémunère tous les acteurs de la chaîne du produit. Nos produits sont traçables. Nous racontons où ils ont été produits. Ce n’est pas du vent. » Et le site web de Sème annonce clairement et visiblement la couleur : « Un prix qui n’a rien à cacher » et détaille la répartition des coûts : 20,50 € pour le développement, 38,50 € pour la matière, 42,90 € pour la confection, 7,90 € pour le transport, 40,80 € de TVA et 95 € pour la marge, qui « sert à financer le site, le loyer, les salaires, les frais de communication… »

Jean De MISCAULT

Jean de MISCAULT