« La question est la suivante, lance Jean-Luc Heimburger, président de la CCI Alsace Eurométropole : jusqu’à quand les entreprises continueront-elles de produire à perte ? » Ce lundi matin, sous le chapiteau de la Fédération des Boulangers installé place du Marché aux Poissons, au coeur des réjouissances du Marché de Noël de Strasbourg, les présidents de la Chambre de Commerce et d’Industrie Alsace Eurométropole, de la Chambre de Métiers d’Alsace et de la Chambre d’Agriculture d’Alsace tirent la sonnette d’alarme sur la situation des entreprises alsaciennes face à la crise énergétique. À leur côté, pour écouter mais aussi pour proposer, Josiane Chevalier, préfète du Grand Est et du Bas-Rhin. Et Jean-Luc Heimburger ouvre le bal : « Avec les fêtes, les consommateurs semblent encore prêts à acheter. Mais jusqu’à quand ? »
Et Jean-Luc Hoffmann, président de la Chambre des Métiers confirme : « De plus en plus d’entreprises nous disent qu’elles n’y arrivent plus. » Les métiers qui rencontrent les plus grandes difficultés sont les boulangers, les bouchers-charcutiers, les traiteurs, les potiers, les imprimeurs… Chez ces derniers, certains commencent même à reporter certains travaux. Quoique le bâtiment semble – un peu – moins touché par la hausse des prix de l’énergie, les chantiers rentrent moins en raison des problèmes de pouvoir d’achat que rencontrent les particuliers.
Du côté des agriculteurs, Denis Ramspacher, président de la Chambre d’Agriculture, invite chacun à faire un calcul tout simple : « Prenez une exploitation qui consomme 40 000 litres de gasoil par an. Et multipliez par 50 ou 60 centimes d’augmentation par litre. Et vous obtenez très concrètement l’impact de la hausse du coût de l’énergie pour une ferme. » Il aurait pu suggérer le même calcul pour les engrais dont le prix moyen à la tonne est passé de 250 € à 800, voire 1 000 € en quelques mois. « Certains diront que c’est l’occasion de réduire l’utilisation des engrais, ajoute Denis Ramspacher. Certes, mais on ne parviendra pas à nourrir toute l’humanité sans les engrais. »
La sobriété
Alors que faire ? Une solution reprise en coeur par les trois chambres consulaires : la sobriété. Et chacun de mettre en avant les mesures prises. Guides pratiques à l’attention des commerces et des PME-PMI, ateliers techniques, webinaires, diagnostics et élaboration de stratégie énergétique avec les experts du côté de la CCI. « C’est aussi pour les entreprises qui ne l’ont pas encore fait l’occasion d’investir dans le photovoltaïque ou de nouvelles chaudières, invite Jean-Luc Heimburger. Mais attention, cela diminuera d’autant d’autres investissements prévus pour la production. »
« Il existe des dispositifs d’aide, reconnaît de son côté Jean-Luc Hoffmann, mais tout le monde ne les connaît pas. Et puis il y a des trous dans la raquette. Nous demandons par exemple des mesures de chômage technique et de travail partiel. Il faudrait simplifier. » Du côté de la chambre d’agriculture, on met aussi des solutions en avant, comme le photovoltaïque ou les méthaniseurs capables de produire l’énergie dont les exploitations ont besoin et de revendre les surplus produits sur le réseau. À deux réserves près : « Il est quelquefois difficile d’installer ces panneaux photovoltaïques en raison du trop grand éloignement des bâtiments susceptibles de les accueillir par rapport au réseau électrique. Quant aux méthaniseurs, il n’est pas toujours facile de convaincre les habitants des villages à proximité desquels l’implantation est envisagée. »
Face à ces inquiétudes et à ces appels à l’aide, Josiane Chevalier rappelle ce que l’État a mis en place pour tenter sinon de juguler la crise au moins de l’amortir : bouclier tarifaire pour les particuliers, filet de sécurité et amortisseur pour les entreprises, interventions auprès des fournisseurs d’énergie afin qu’ils lissent autant que possible les hausses, aides – de l’ADEME notamment – pour les investissements des entreprises en faveur de la sobriété énergétique… « Nous ne pouvons pas tout changer du jour au lendemain, insiste la Préfète. Mais l’État prend déjà à sa charge 80 % de la hausse du coût de l’énergie. Et le message de la sobriété est compris et mis en oeuvre, puisqu’en novembre la consommation d’énergie globale a diminué de 10 %. C’est le résultat des efforts des particuliers, des entreprises, des collectivités et des administrations. »
Y aura-t-il de la galette en janvier ?
« Compte tenu de la hausse des prix de l’énergie, beaucoup de boulangeries ne produisent plus de pain l’après-midi, explique José Arroyo, président de la Fédération des boulangers du Bas-Rhin. Et certains s’interrogent pour savoir s’ils produiront la galette de rois en janvier. Ce n’est pas un éventuel délestage d’électricité qui nous fait peur : 2 heures de coupure électrique, on saura les absorber. Ce qui nous inquiète le plus ce sont les hausses de tarifs de l’énergie souvent multipliés par quatre. »
Bouclier et amortisseur
Parmi les aides proposées par l’État, le bouclier tarifaire et l’amortisseur.
Pour les TPE de moins de 10 salariés, le bouclier tarifaire permet de limiter la hausse des prix à 15 % pour le gaz à partir du 1er janvier 2023 et à 15 % pour l’électricité à partir de février 2023.
L’amortisseur électricité est destiné, lui, aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 50 M € et employant moins de 250 salariés, ainsi qu’aux TPE ayant une puissance contractualisée supérieure à 36 kVa. Cela peut représenter une réduction de prix de 25 % de la consommation pendant un an à partir du 1er janvier 2023.
Par ailleurs une aide spécifique pour les entreprises grandes consommatrices d’énergie est mise en place, dès lors que leurs achats de gaz et d’électricité représentent au moins 3 % de leur chiffre d’affaires.