C’est un serpent de mer, une vieille chimère que de voir s’accorder le monde de l’Éducation nationale et celui des besoins des entreprises. Les plus pragmatiques de nos économistes ont de façon récurrente stigmatisé le profond décalage entre les filières de nos formations de l’Éducation nationale et les besoins réels des entreprises, sur le terrain. Et le résultat est la poussée du chômage faute d’harmonisation entre formation et marché de l’emploi.
Mais voici que la Région académique Grand Est et la Région Grand Est se rapprochent pour mettre à jour la carte des formations dans la perspective de la prochaine rentrée. On peut se féliciter d’un tel évènement, qui ne fait pas forcément la une, mais dont la vocation est d’aligner les planètes formation et emploi.
Un diagnostic
Ce faisant, les deux acteurs qui abattent cette carte, ont choisi la bonne démarche. Commencer par un diagnostic, à la fois territorial en exposant le réseau des lycées et les besoins des entreprises, et économique (formations d’insertion, métiers sous tension et d’avenir, transition numérique, énergétique, agroécologique). Un diagnostic qui passe par une forte valorisation des métiers, laquelle fait souvent défaut en insistant sur le rôle des campus des métiers et des qualifications.
Et qu’observe-t-on d’emblée ? Une diminution des besoins dans les métiers de l’administration d’entreprise, de la comptabilité et de la vente, et en parallèle des besoins en hausse dans la maintenance industrielle, le transport et la logistique, la filière sanitaire et sociale.
Des formations dans les priorités de France 2030
Résultat de ce diagnostic, la carte des formations va s’enrichir de formations nouvelles et complémentaires. « Ce sera une carte des formations dynamique » insistent les deux institutions. « Elle s’inscrit dans des secteurs stratégiques et des besoins prioritaires de la nation. »
Cette stratégie concerne toutes les modalités de formation : sous statut scolaire, en apprentissage, les formations complémentaires ou mentions complémentaires, et le travail en réseau des campus des métiers et des qualifications. Elle s’inscrit aussi dans les priorités de France 2030 et en lien avec les priorités régionales comme le Business Act de la région, pour proposer des perspectives de modernisation et de valorisation des lycées professionnels et de leurs équipes.
Les principales évolutions par académie
Entrons dans le détail. Chaque académie va décliner cette nouvelle stratégie.
L’académie de Reims propose notamment une évolution de sa carte des CAP par une transformation vers une filière porteuse (maintenance technique des bâtiments) et l’ouverture d’un BTS des métiers de l’environnement. Une mention complémentaire est ouverte en « sûreté des espaces ouverts au public. »
L’académie de Strasbourg offre de nouvelles formations de conducteurs routiers de marchandises, de transport de voyageurs. Une mention complémentaire et BTS ouvrent dans le domaine de la maintenance des ascenseurs.
L’académie de Nancy-Metz adapte sa carte des BTS par rapport à la baisse du nombre d’inscrits dans certains secteurs en raison d’une moindre insertion professionnelle, et à la forte demande en apprentissage. À titre d’exemple, sur l’académie, 319 places étaient offertes en BTS Comptabilité et gestion et 113 étaient vacantes à la rentrée 2022, soit 35% des places. Les fermetures de BTS sous statut scolaire sont, dans leur grande majorité, compensées par des ouvertures de formations en apprentissage.
• Fermetures de spécialités :
- Mention complémentaire « Coiffure coupe couleur » lycée professionnel Mendes-France à Contrexéville.
- BTS Comptabilité et gestion lycée Ernest Bichat à Lunéville (développement de la formation en apprentissage)
- BTS Comptabilité et gestion lycée Jean Auguste Marguerite de Verdun (maintien de la formation en apprentissage)
- BTS Management commercial opérationnel lycée Blaise Pascal de Forbach (maintien de la formation en apprentissage)
- BTS Comptabilité et gestion lycée Julie Victoire Daubié de Rombas (maintien de la formation en apprentissage)
- BTS Support à l’action managériale lycée Louis Lapicque d’Épinal (développement de la formation en apprentissage)
- BTS Management commercial opérationnel au lycée Pierre et Marie Curie de Neufchâteau (maintien de la formation en apprentissage).
• Ouvertures de nouvelles formations :
- Mention complémentaire Encadrement sportif spécialité activités physiques pour tous lycée professionnel Émile Zola de Bar-le-Duc.
- Baccalauréat professionnel Technicien de maintenance des systèmes énergétiques et climatiques lycée Jean Auguste Marguerite de Verdun.
- Baccalauréat professionnel Technique d’intervention sur installation nucléaire lycée polyvalent La Briquerie Thionville.
- CAP conducteur livreur de marchandises lycée professionnel Gilles de Gennes de Gérardmer.
- Formation complémentaire d’initiative locale Cuisine et bien-être lycée professionnel Mendes France de Contrexéville.
- Mention complémentaire Maintenance des installations oléohydrauliques et pneumatiques, lycée Beaumont de Saint-Dié.
• Colorations de diplômes pour répondre aux besoins des entreprises
- Coloration du bac professionnel Métiers de l’électricité et de ses environnements connectés en vidéo surveillance et alarmes au lycée professionnel Jean Morette à Landres (54).
- Coloration du CAP Équipier polyvalent du commerce en Ventes produits alimentaires au lycée professionnel Paul Lapie de Lunéville (54).
- Coloration du bac professionnel Métiers du commerce et de la vente Option A – animation et gestion de l’espace commercial en Gestion de rayons de supermarché au lycée professionnel Alain Fournier de Verdun.
- Coloration du CAP Opérateur/opératrice logistique en Click and Collect au lycée professionnel Alain Fournier de Verdun.
- Coloration du bac professionnel Métiers de l’électricité et de ses environnements connectés en Installation cellules photovoltaïques au lycée professionnel Jean Auguste-Marguerite Verdun.
- Coloration du bac professionnel Pilote de ligne de production en Machines textiles au lycée Pierre Mendes France Épinal.
On le constate à la lecture de ces changements et évolutions, la suppression d’un CAP ou d’un BTS est souvent compensée par la même filière mais en apprentissage. Clairement on mesure la montée en puissance de l’apprentissage, la formation en alternance ayant fait ses preuves avec l’alternance d’une formation théorique à l’école, une autre pratique en entreprise. Encore faut-il que l’apprenti trouve un maître d’apprentissage pour aller au bout de sa formation et parvenir au diplôme. À l’arrivée, on le sait la formation par apprentissage mène plus aisément à un emploi et le plus souvent au sein de l’entreprise qui vous a formé !
Une carte qui va encore évoluer
On remarque également qu’il y a peu de transformations ou d’évolution dans une filière sous tension, comme l’est l’hôtellerie-restauration. Sans doute les trois académies sont-elles bien pourvues en établissements de formation dans ce domaine.
En attendant, la carte des formations est évolutive et sera amenée à changer au regard des besoins selon les territoires et les enjeux économiques, pour correspondre aux filières en tension et porteuses des métiers de demain.
En répondant aux besoins des acteurs économiques du territoire et aux attentes des jeunes, cette nouvelle carte des formations favorise l’insertion professionnelle et l’ambition des nouvelles générations. Encore faut-il que parents et jeunes en âge scolaire prennent bien connaissance de cette carte pour ne pas rater l’opportunité d’une formation adaptée.