Une implantation internationale
En 2022, la Jeune Chambre Économique Française rassemble au niveau national près de 2 000 bénévoles engagés, au sein des 135 Jeunes Chambres économiques locales. Affiliée à la « Junior Chamber International » (qui compte 200 000 leaders citoyens dans plus de 100 pays), elle agit en lien avec les « Global Goals de l’ONU ». Marie-Noëlle Reboul, Présidente de la Jeune Chambre Économique de Strasbourg, nous en dit plus sur le fonctionnement de cette structure.
Quels sont l’origine et l’objet de la Jeune Chambre Économique Française ?
Marie-Noëlle Reboul : l’association a été créée au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, en 1952, par des jeunes chefs d’entreprise et responsables politiques. Ceux-ci souhaitaient remettre les citoyens au coeur de la reconstruction de la France. Et pour cela, les fondateurs se sont inspirés du mouvement « Junior Chamber International », qui existait déjà aux États-Unis. Depuis, l’objet de l’association n’a pas changé ! En résumé, c’est une organisation civique qui vise à construire un monde meilleur, au travers d’actions locales pertinentes et surtout en formant ses membres à la prise de responsabilité. Notre slogan ? « On ne naît pas leader, on le devient ! ». La priorité est d’amener à révéler les capacités des jeunes citoyens, âgés de 18 à 40 ans. D’ailleurs, tout le monde peut devenir leader citoyen, et nous ne sommes pas élitistes. L’idée est d’amener chaque jeune à révéler et développer son potentiel selon son intérêt. De leur permettre de vivre une expérience de vie extraordinaire et de leur offrir la possibilité de développer leurs compétences, comme par exemple une aisance dans la prise de parole en public. Hors la cotisation, la plupart de nos activités courantes sont gratuites : les réunions, les formations... Nous fonctionnons essentiellement sur la base du bénévolat, et nous nous arrangeons pour obtenir la mise à disposition gratuite de salles pour nos rencontres. Bien sûr, la convivialité est très importante : nos événements intègrent régulièrement un partage de repas, et les séminaires nationaux proposent toujours une soirée de gala.
Les contours des actions nous paraissent flous, pouvez-vous nous donner des précisions ?
Marie-Noëlle Reboul : Ce sentiment est certainement lié au fait que nous avons des actions très diversifiées, nous intervenons sur différents sujets. Nous agissons sur le territoire de l’Eurométropole, dans le cadre de différentes actions, qui sont obligatoirement en lien avec les objectifs de développement durable de l’ONU. Concrètement, lorsqu’un projet est lancé, il est travaillé pendant 3 mois à un an. Un appel à actions annuel est lancé à nos membres sur Strasbourg, afin de faire remonter toutes leurs idées. La question de départ est simple : « qu’est-ce qui ne vous convient pas sur le territoire de Strasbourg actuellement et que vous voudriez voir changer ? pourquoi ? comment ? ». On s’interroge collectivement sur les rêves de chacun pour construire un territoire meilleur pour tous. Lorsque les éléments sont rassemblés, nous allons chercher quelle est la problématique sous-jacente, et vérifions que le projet répond bien à un réel besoin non satisfait du territoire. Les projets qui sont initiés suivent une méthodologie éprouvée en 6 étapes : enquête, analyse, planification, action, évaluation et transmission. En définitive, chaque projet travaillé par nos membres a vocation à être transmis à d’autres organismes, qui se chargeront de le faire perdurer. Certes parfois en le trahissant un peu mais ce n’est pas grave, l’objectif étant de montrer que le projet est viable. Nous sommes en quelques sorte des semeurs d’idées et la transmission est au coeur de notre démarche. Comme dans un jardin, nous plantons les idées, faisons germer les initiatives sur le sol strasbourgeois et nous proposons aux acteurs locaux d’en faire culture. La JCE est un véritable incubateur d’initiatives… et de leaders citoyens !
On agit pour se former et on se forme pour agir !
Marie-Noëlle Reboul : C’est intéressant, car il y a forcément des retombées. Ainsi, dans les années 80, les initiatives suivantes sont nées : l’installation des conteneurs à verre pour le recyclage, la mise en place du numéro unique 18 pour contacter rapidement les pompiers, l’instauration des rues piétonnes. Et plus récemment, la conception du CV citoyen au niveau national, qui complète le CV professionnel et permet de valoriser l’expérience et la compétence des bénévoles, lors d’une recherche d’emploi. Mais aussi l’action « Parlem’entreprise », pour développer un dialogue constructif entre les salariés d’une entreprise et un parlementaire en organisant une journée dans l’environnement professionnel de chacun... Actuellement, nous travaillons à Strasbourg sur « Rêve de gosses », une action qui favorise les échanges entre enfants ordinaires (sans difficultés particulières) et enfants extraordinaires (en situation de handicap). Le concept ? Favoriser l’inclusion de tous, en organisant des rencontres tout au long de l’année, par le biais d’ateliers, d’activités et de visites, comme par exemple celle de la caserne de pompiers qui remporte toujours un vif succès. Et avec au printemps 2024, un baptême de l’air pour chaque enfant avec les « Chevaliers du Ciel » sur l’aérodrome du Polygone. La dynamique des projets permet à chaque membre de se former à la prise de responsabilités en bénéficiant de nombreuses formations tout au long de l’année. Ici, on agit pour se former et on se forme pour agir !
Quels sont vos rythmes de rencontres ? Y a-t-il des commissions de travail ?
Marie-Noëlle Reboul : J’anime mensuellement une réunion ou une assemblée générale, avec une thématique définie. C’est aussi l’occasion de présenter les derniers événements, les dernières actions menées, les prochaines formations programmées, et de lancer une réflexion participative sur un sujet. Chaque mois, une formation est proposée, en fonction des besoins et des attentes des membres. Nos formations sont également ouvertes au grand public (non membre de notre association), l’information est publiée sur nos réseaux sociaux. Des réunions de bureau et CODIR sont organisés semestriellement. Sur le plan fonctionnel, chaque commission s’organise librement, en fonction des nécessités du thème traité. Les personnes intéressées peuvent participer gratuitement aux réunions et formations, avant de décider de devenir membre de l’association.
Avec quels moyens fonctionne la structure ?
Marie-Noëlle Reboul : Sur Strasbourg, nous sommes une trentaine de membres, uniquement bénévoles, comme dans toutes les Jeunes Chambres Économiques Locales. Cette année je suis accompagnée d’une secrétaire, un trésorier, une vice-présidente en charge de la formation, un vice-président en charge du développement et de deux chargés de mission : l’un au niveau de la communication sur les réseaux sociaux et la seconde pour les relations avec les associations. Au siège de la JCEF, basé à Paris, il y a deux salariés. L’organisation compte également une association de sénateurs, offrant la possibilité aux anciens membres méritants âgés de plus de 40 ans, de continuer à suivre nos actions et de faire vivre le mouvement. De nombreux partenaires nationaux nous soutiennent, que ce soit par le biais financier (certaines entreprises sont connues : Groupe Roy Énergie, Veolia, Eurest..., et d’autres moins), ou encore dans le cadre d’appel à projets proposé par différents organismes. Toutes ces opportunités nous sont utiles. Notre association est sous l’égide du Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, et reconnue d’utilité publique.
En fait, la Jeune Chambre Économique favorise un formidable réseau ?
Marie-Noëlle Reboul : Oui, effectivement. Nous contactons souvent les collectivités et les entreprises, pour les associer à nos actions. On nous confond à tort avec la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Alsace et pourtant aucun lien n’existe entre nos structures ! Nous sommes toutefois en contact pour certains projets. Son président, Jean-Luc Heimburger, nous a récemment contactés pour travailler sur une problématique : « comment fidéliser les jeunes de la génération Z dans les entreprises ? ». Lorsqu’il y a des besoins de territoire, qu’une collectivité ou un organisme nous contacte, notre ambition est de pouvoir y répondre, en créant une commission de travail sur le sujet soulevé, toujours selon notre méthodologie.
Récemment, vous avez été partenaire d’un colloque international. Quel était le sens de votre participation, et qu’en est-il ressorti ?
Marie-Noëlle Reboul : Le colloque international des 17 et 18 février 2023, qui s’est déroulé au Conseil de l’Europe à Strasbourg, a rassemblé un public de personnalités issues des domaines institutionnels, économiques, politiques et universitaires des quatre coins de notre continent. Des questions portant sur les valeurs de l’Europe, de l’autonomie technologique et industrielle, de l’Europe de la défense et de la souveraineté énergétique ont été abordées. Ce colloque a été organisé par l’association Paneurope France, dont le président Éric Campion, est un sénateur de la Jeune Chambre Économique Française. Il nous a sollicité pour assurer un soutien local. Nous avons accompagné les participants du colloque sur l’aspect découverte de la culture et des produits locaux, en organisant une dégustation de vin et en proposant des circuits découverte de la ville. Nous avons également mis à disposition des publications sur les institutions européennes et sur l’Eurométropole. Les participants du colloque ont ainsi pu découvrir tant le côté européen que convivial de la région. À l’issue de cette participation, nous avons eu envie de sensibiliser nos membres à la gestion de la Cité – au sens noble du terme –, et aux missions des institutions européennes. D’amener un schéma expliquant les missions des institutions européennes qui soit compréhensible par tout le monde, et de le présenter sous la forme d’une fresque. Mais aussi de créer un débat sur le moyen de conserver l’énergie citoyenne, afin que les jeunes ne baissent pas les bras devant l’engagement citoyen et les enjeux de la Cité.
Pouvez-vous nous exposer vos futurs projets ?
Marie-Noëlle Reboul : Nous avons pour ambition de renforcer nos liens avec les associations, ceci afin de faciliter la réalisation de nos projets. Nous souhaitons aussi développer un triptyque « entreprises -citoyens-associations », pour amener les entreprises à participer différemment. Par exemple en incitant leurs salariés à s’impliquer sur un projet, notamment dans le domaine du développement durable.
De nombreuses actions sont en cours d’étude au niveau de nos commissions :
– « Pépites urbaines » : sur le principe d’un circuit dans les rues de la ville de Strasbourg, mêler parcours pédestre et parcours entrepreneurial à la découverte des artisans locaux. Avec également une présentation de l’historique de l’artisan ou du commerçant. L’intérêt ? Porter un regard humain sur les commerçants et pourquoi pas, découvrir des pépites au coin de la rue...
– « Stargazing » : pour inciter les utilisateurs à éteindre les lumières, afin d’économiser l’énergie et permettre l’observation des étoiles en ville
– « Cap’Jeunes » : comment recruter et conserver les talents de la nouvelle génération en entreprise ?
– « Blablaspot » : pour inviter les gens à se parler dans les lieux d’attente définis dans la ville (abribus, gare, file d’attente, fast food...). Un marquage au sol permettra d’identifier ces espaces, et d’offrir un peu d’humanité dans la ville
– « Rêves de gosses » : pour accepter les différences dès le plus jeune âge en organisant des sorties scolaires et un baptême de l’air pour 150 enfants, dont la majorité sont handicapés
– « Europe» : développer une fresque des institutions européennes, dans un objectif pédagogique en amont des élections européennes de 2024
– « Gratiferia » : pour favoriser le réemploi des objets en organisant un vide grenier où tous les objets seront gratuits. Les Strasbourgeois pourront déposer les objets dont ils n’ont plus besoin et qu’ils n’arrivent pas à vendre. Avec en prime des animations autour de l’économie circulaire animées en partenariat avec d’autres associations
– « CV citoyen » : formation des bénévoles à la réalisation de leur CV Citoyen pour valoriser leurs expériences associatives, en partenariat avec la Maison des Associations
– « Coeur et Canopée » : participer à la création d’une forêt Miyawaki en zone urbaine
– « Art oratoire » : animer un atelier dynamique de prise de parole et joute verbale, en partenariat avec l’université de Strasbourg
– « World Clean Up Day » : une journée mondiale de ramassage des déchets pour sensibiliser les passants et le public à la question des déchets
– « Capt’n ODD » : un jeu de société pour ouvrir le dialogue autour du développement durable et de la RSE en animant des ateliers dans les entreprises
En construisant tous ces projets de façon collective et structurée, et en recherchant des solutions aux problématiques rencontrées par les différents acteurs sur les territoires, les membres se forment à la prise de responsabilités afin de révéler leur leadership. À la Jeune Chambre Économique, les membres apprennent que « Ensemble, tout est possible ! ». Ils se forment pour que naissent leurs projets, pour que cette envie d’améliorer le monde, d’animer le territoire et de devenir acteur du changement prenne forme. C’est un engagement fort, protéiforme et un réseau pour toute une vie.
Pour en savoir plus :
– sur la Jeune Chambre Économique de France : www.jcef.asso.fr
– sur la Jeune Chambre Économique de Strasbourg : Cotisation annuelle 219 €.
Adresse : 1 place des orphelins 67000 Strasbourg – courriel : strasbourg@ jcef.asso.fr – site internet : www.jce-strasbourg.eu – Et pour suivre leurs actions : www.facebook.com/JCEStrasbourg
Le parcours académique et professionnel de Marie-Noëlle Reboul, présidente de JCE Strasbourg
Marie-Noëlle Reboul a grandi dans les quartiers d’éducation prioritaire. Après avoir fait une classe « prépa » en sciences humaines (hypokhâgne et khâgne B/L), elle effectue à l’étranger une licence de Lettres Modernes, et un Master II d’école de commerce. Puis Marie-Noëlle Reboul travaille pour des grands groupes comme St Gobain, Schneider, le Conseil de l’Europe, et exerce aussi en start-up et en PME. Elle occupe des postes dans le domaine de la supply chain, du marketing et de la communication. Aujourd’hui, à 37 ans, elle est acheteuse pour l’industrie. En parallèle de son cursus professionnel Marie-Noëlle Reboul, après avoir été Vice-Présidente, puis Secrétaire Générale de la JCE Strasbourg, accède à la présidence de la structure. Actuellement, elle crée et développe plusieurs partenariats avec les acteurs économiques et institutionnels locaux.