Grand Est Paru le 16 juin 2023
POINT RENCONTRE À PONT-À-MOUSSON

Travaux publics : activité en baisse mais des perspectives

Les entreprises de travaux publics de Lorraine sont allées à la rencontre des donneurs d’ordres, lors d’une matinée organisée début mai à Pont-à-Mousson. L’occasion de faire le point sur l’activité et découvrir les projets des collectivités. Il a beaucoup été question de mobilité douce…

Christophe Berghaus, président de Routes de Lorraine
Christophe Berghaus, président de Routes de Lorraine
Thierry Ledrich, président de la fédération régionale des travaux publics
Thierry Ledrich, président de la fédération régionale des travaux publics

« Seul on va vite, ensemble on va plus loin ! » Christophe Berghaus, le président de Routes de Lorraine, l’ancien syndicat des entreprises de l’industrie routière, a conclu la longue matinée d’échanges organisée à Pont-à-Mousson à l’Abbaye des Prémontrés, avec les principaux donneurs d’ordres régionaux, par ce slogan fort. Il appelait à sa façon le monde des travaux publics à rester soudé et dans le même temps les collectivités à jouer le jeu, pour faire avancer la cause des entreprises routières, en investissant si possible davantage au fil des années dans l’industrie routière. En tête des donneurs d’ordre figurent naturellement les quatre départements lorrains dont les projets constituent le temps fort de l’activité.

Une profession impactée

Au préalable le président Berghaus a dressé un bilan de l’année 2022. « Nous étions ici le 19 novembre 2021. La guerre en Ukraine a éclaté en février 2022. Si une tension était déjà palpable sur les prix des fournitures et des matériels à la fin de la crise sanitaire, nous avons depuis lors connu une inflation sans précédent sur l’année 2022. Notre profession a été particulièrement impactée par le choc énergétique : gaz, fuel, électricité. Les circulaires Castex puis Borne ont permis aux maîtres d’ouvrage de prendre en charge une partie des surcoûts, soit par la théorie de l’imprévisibilité, soit par une évolution des clauses de révision. » Il saisit l’occasion pour remercier les collectivités « qui ont joué le jeu en changeant la périodicité de leurs révisions, en neutralisant la part fixe ou encore en indemnisant l’entreprise au titre de l’imprévision. » Ce faisant il a reconnu que ce n’était pas évident non plus pour les clients que sont les collectivités « car elles ont eu à subir des hausses de coûts. » Il cite notamment l’éclairage public ou encore le chauffage des piscines.

Globalement cependant, si le chiffre d’affaires de la profession a augmenté de 5% l’an passé « nous pouvons considérer que compte-tenu d’une inflation propre à nos métiers de 10%, notre activité a baissé en 2022 de 5% sur le territoire lorrain. »

« Ne pas entretenir obère l’avenir »

Routes de Lorraine a oeuvré au long de l’année écoulée pour améliorer la sécurité des personnels des entreprises de travaux publics. De nombreux ateliers ont été organisés sur ce thème et une campagne commune a été menée avec l’OPPBTP (organisme professionnel de prévention, du bâtiment et des travaux publics). Christophe Berghaus a également insisté sur ce qui souvent sauve l’activité des TP, l’entretien des routes. « Ne pas entretenir obère l’avenir. Un entretien à 1 € non effectué entraînera de facto une dépense de 10 € quelques années plus tard. » En la matière en tout cas, le message passe. De fait, nombre de collectivités territoriales n’hésitent plus à investir pour rafraîchir l’état de leur voirie. Et le président de Routes de Lorraine voit un signe positif dans la signature, sous l’égide de la Fédération régionale des Travaux publics de Lorraine que préside Thierry Ledrich et la Métropole de Nancy d’un « Pacte d’engagement des acteurs des infrastructures. »

Environnement : place au recyclage et au réemploi des matériaux

Il y a des thèmes désormais récurrents lors de ces rencontres annuelles. À commencer par l’environnement. La thématique de la décarbonation des infrastructures et la mobilité durable sont incontournables. « Nous sommes pleinement engagés pour le recyclage et le réemploi des matériaux, pour des fabrications à température abaissée ou à froid, pour développer des innovations routières afin de capter l’énergie thermique ou produire de l’énergie électrique. » Enfin la ressource en eau arrive au premier plan. Et les entreprises sont sensibles à « tout type de solution de végétalisation des espaces urbains. » On sait que l’Agence de l’eau Rhin Meuse, par la voix de son directeur Marc Hoeltzel, dans ces colonnes des Affiches d’Alsace et de Lorraine, a plaidé pour que les donneurs d’ordres, maîtres d’ouvrages et les architectes urbains réduisent l’empreinte du bitume et du béton, afin de créer des espaces urbains qui laissent infiltrer l’eau.

Mieux faire connaître nos métiers

Côté ressources humaines, les entreprises de travaux publics n’échappent pas aux difficultés de recrutement, comme bon nombre d’entreprises d’autres secteurs d’activité. « C’est un sujet compliqué pour nous tous, que l’on soit maîtres d’oeuvre ou maîtres d’ouvrage. Nous devons être encore plus imaginatifs pour rendre nos métiers attrayants » affirme Christophe Berghaus. Ainsi avec la Fédération des Travaux publics de Lorraine « nous nous engageons pour faire connaître nos métiers aux collégiens. Il existe bien le stage des élèves de 3e, mais il faut travailler en amont pour casser le dicton : si tu n’es pas bon tu iras sur les chantiers ! Nous comptons donc nous adresser aux encadrants : proviseurs, professeurs, conseillers d’orientation et les inviter sur nos chantiers, vos chantiers. Ils constateront la modernité de nos métiers. »

L’A31 bis verra-t-elle le jour ?

L’A31 était dans toutes les têtes. Les récentes enquêtes publiques, pour le choix du contournement Ouest de Thionville, constituent une éclaircie pour les entreprises, mais aussi pour les intervenants de la Région Grand Est. On le sait, les Régions se sont positionnées, notamment celle du Grand Est pour obtenir la compétence partielle du réseau des routes nationales. Et elle n’exclut pas de reprendre les tronçons de l’autoroute A31 qui la concerne. « Ce qui devrait accélérer enfin le projet d’A31 bis » estime Thierry Ledrich, président de la fédération régionale des travaux publics. Réaliser l’A31 bis sera toujours mieux que de construire une nouvelle autoroute, selon lui. « Il sera plus aisé de faire les tronçons de 2 fois 3 voies entre Fey à la sortie de Metz et Nancy. Il y a la place au milieu pour faire cette troisième voie. » L’avancée du contournement de Thionville le rassure d’une certaine façon. « On pourrait enfin voir l’A31 bis sortir de terre à l’horizon… 2030 ou 2032 » dit-il en souriant. Un tel chantier aurait l’avantage de donner du travail aux entreprises de travaux publics pour quelques années.

La mode des pistes cyclables

Les travaux d’entretien de routes, c’est bien, mais des travaux neufs, c’est mieux. C’est le sentiment qui prédomine chez les entrepreneurs. Et justement en la matière apparaît le phénomène de la mobilité douce, avec le développement de l’usage du vélo et donc des pistes cyclables. Au moment de ce rendez-vous annuel, le gouvernement annonçait un Plan Vélo boosté par une enveloppe de 2 milliards d’euros et surtout l’ambition de doubler le nombre de pistes cyclables, pour les faire passer de 50 000 km actuellement à 100 000 dans un horizon proche. De quoi offrir de belles prestations et chantiers aux entreprises de travaux publics dans le pays. Lors de cette matinée, les entreprises ont plutôt bien accueilli ce Plan Vélo, et la mobilité douce dont la pratique s’impose plus que jamais dans les zones urbaines. Néanmoins Thierry Ledrich voit d’autres perspectives pour offrir du travail aux entreprises : la réhabilitation des réseaux de canalisations qui devient récurrente. Mais là, on n’est plus dans l’activité des routes. En attendant, pour le regard averti de Patrice Haltebourg, l’ancien président de la fédération régionale des travaux publics, « il ne faudrait pas tout miser sur la mobilité douce et les pistes cyclables pour nos entreprises. Il y a une nuance entre construire une piste cyclable et une route… » dit-il.

Bernard KRATZ