Grand Est Paru le 23 juin 2023
HAMBACH

Holosolis choisit Hambach pour une gygafactory photovoltaïque

La plus grande usine européenne de production de panneaux photovoltaïques verra le jour prochainement près de Sarreguemines, sur l’Europole 2 de Hambach. Ce projet devrait permettre la création de plus de 1 700 emplois à l’horizon 2027. Cette implantation profite du plan européen REPowerEU, visant à investir massivement dans les 2nergies renouvelables.

Vue aérienne du site de Hambach

Exit REC Solar, bienvenue à Holosolis ! La déception de l’échec de l’implantation à l’Europole 2 de Hambach, du mégaprojet d’une usine de panneaux photovoltaïques en 2022, du norvégien REC Solar, lequel a finalement préféré les États-Unis, cette déception est digérée… voire oubliée. Roland Roth, président de la Communauté d’agglomération de Sarreguemines-Confluences, la Casc, s’en félicite. Il l’a déclaré dès le lundi 15 mai, au moment où l’Élysée devait annoncer ce projet à l’issue du 6e sommet Choose France, au château de Versailles. « Après le retrait de REC Solar, des entreprises nous ont contactés. Trois d’entre elles pour fabriquer des panneaux photovoltaïques. Nous n’avions jamais vu ça » disait-il dans les colonnes du Républicain Lorrain. Il justifiait sans problème cet intérêt soudain pour le site de Moselle-Est : la Casc avait déjà largement travaillé sur le même type de projet avec REC Solar. « Et les terrains étaient immédiatement disponibles » en termes de terrassement, de viabilisation pour les divers réseaux. La Casc n’avait-elle pas investi plus de 20 M€ dans ces travaux d’aménagement sur les quelque 50 hectares du site, en bordure de l’autoroute A 4, juste en face de l’ancienne usine Smart transformée par Ineos, pour produire des Grenadiers 4x4. En clair, ces terrains étaient prêts à l’emploi. Un atout majeur qui a permis de convaincre plus aisément les dirigeants de Holosolis, lesquels étaient également sollicités par d’autres régions et pays comme l’Allemagne ou la Pologne.

Qui est Holosolis ?

Faisons un peu connaissance avec Holosolis, ce nouveau venu sur le marché de la transition énergétique. Holosolis est une SAS (société par actions simplifiée) créée en 2022. Elle est constituée par l’alliance de trois acteurs de référence sur leurs marchés respectifs, pour réaliser cette gigafactory en Moselle. À commencer par EIT (European Institute of Technology) InnoEnergy, créé en 2010 et soutenu par l’Union Européenne, est l’un des plus grands investisseurs dans les cleantechs et les énergies durables (180 start-up en portefeuille), initiateur de vastes alliances stratégiques pour construire une industrie européenne des batteries électriques, de l’hydrogène vert, de l’acier décarboné et du photovoltaïque. Les quelque 180 entreprises du portefeuille sont en passe de générer 72,8 milliards d’euros de revenus et d’économiser potentiellement 1 milliard de tonnes de CO2 par an d’ici 2030.

EIT, qui est présent dans huit pays européens, a embarqué avec lui à bord d’Holosolis, le Groupe IDEC, acteur majeur de l’immobilier français, présent dans 15 pays, pionnier de la production d’énergie renouvelable intégrée aux bâtiments.

L’alliance est complétée par TSE, un des principaux développeurs et producteurs d’énergie solaire en France, leader en agrivoltaïsme. Son parc en exploitation est composé de 17 centrales solaires, soit l’équivalent de la consommation électrique de 130 000 habitants. 15

TSE a du reste inauguré en septembre 2021 une grande centrale photovoltaïque de 150 ha à Marville dans la Meuse, la deuxième plus importante du pays. La société a aussi inauguré en septembre 2022 sa première canopée agricole, innovation mondiale, à Amance en Haute-Saône sur une parcelle de grandes cultures.

10 millions de panneaux par an

La capacité de production de l’usine sarregueminoise s’élèvera à 5 gigawatts (GW) par an en rythme de croisière. À titre de comparaison, le plus grand site européen de production de panneaux solaires, à Catane en Sicile, devrait atteindre 3 GW. L’usine de Hambach produira chaque année 10 millions de panneaux photovoltaïques, soit l’équivalent des besoins énergétiques d’un million de foyers et de 8% des importations européennes de modules photovoltaïques chinois en 2022. Elle démarrera en 2025 et sera à plein régime à partir de 2027, période pendant laquelle, elle devrait employer quelque 1700 salariés. Du personnel recruté en majorité dans le Grand Est et dans le bassin sarregueminois, et en Moselle-Est. Un partenariat avec Pôle Emploi sera mis en place pour faciliter l’embauche et la formation de personnes en situation de précarité.

« Une usine évolutive »

« Nous fabriquerons les modules les plus efficaces sur le plan énergétique, intégrant les dernières technologies photovoltaïques, avec la plus faible empreinte carbone et les normes sociales les plus élevées. Les effets d’échelle et l’automatisation des lignes permettront un coût compétitif, apte à rivaliser avec ceux des géants mondiaux du secteur. Nos modules seront destinés à trois marchés principaux : les toitures résidentielles, les toitures industrielles et commerciales, l’agri-voltaïque » explique Jan Jacob Boom-Wichers, le président d’Holosolis.

Le projet d’Holosolis ne manque pas d’ambition et compte s’adapter au fil du temps aux innovations de ce marché. Disposant de 50 hectares, il offre assez d’espace pour agrandir l’usine, à mesure que seront intégrées de nouvelles technologies et de nouvelles capacités de fabrication. Le PDG de la société détaille le contenu de ces technologies. « Nous démarrerons la production avec la technologie TOPCon, l’une des plus avancées et des plus performantes aujourd’hui. Parallèlement nous regardons de près une solution très prometteuse, dite tandem, qui couple silicium et pérovskite au sein d’une cellule solaire avec pour effet une amélioration spectaculaire du rendement énergétique. Quand cette innovation parviendra à maturité, nous aurons besoin de modifier et d’allonger nos lignes de production. Nous allons construire une usine évolutive, extensible, capable de s’adapter très vite aux ruptures et aux progrès technologiques du marché photovoltaïque. »

« Dynamique européenne »

Ce mégaprojet industriel boosté par l’Union européenne, au lendemain de la pandémie, vise en effet à rétablir une certaine autonomie industrielle du continent en la matière, afin de réduire la dépendance à la production chinoise. Un rappel : la Chine produit aujourd’hui 70% des panneaux photovoltaïques installés dans le monde, contre 3% pour l’Union européenne.

Karine Vernier, CEO France de EIT InnoEnergy l’explique : « Holosolis s’inscrit dans la dynamique européenne de réindustrialisation de la filière photovoltaïque. La consultation internationale conduite par l’équipe d’Holosolis, qui attribue le premier site de la gigafactory à Sarreguemines en France, est une première illustration de cette dimension. EIT InnoEnergy est fier de soutenir un nouvel acteur comme Holosolis, qui sera à n’en pas douter la première référence industrielle emblématique de l’alliance industrielle du Photovoltaïque (European Solar Industrial Alliance ou ESIA) que nous animons. Avec ses 5 GW de production, Holosolis contribuera à + de 15% de l’objectif de l’ESIA : capacité annuelle de 30 GW d’ici 2025, correspondant à 60 milliards d’euros de nouveau PIB annuel en Europe et à la création de plus de 400 000 nouveaux emplois directs et indirects. » L’usine de Sarreguemines participe en effet du plan REPowerEU, lancé par l’Union européenne en 2022 pour s’affranchir des énergies fossiles russes, en investissant massivement dans les énergies renouvelables. Le programme prévoit notamment la mise en service d’ici 2030, de 600 GW d’énergie solaire, contre 150 GW en 2022.

Les raisons du choix du site mosellan

Avant de fixer son choix sur la Moselle, Holosolis a étudié les propositions de 40 sites dans six pays. Les savoir-faire et la disponibilité de la main-d’oeuvre, la réputation des ingénieurs français, la qualité des infrastructures, le caractère bas-carbone de l’énergie made in France, à prédominance nucléaire et hydraulique, ont fait pencher la balance en faveur de l’hexagone. « Par ailleurs les ministères compétents, les services de l’État, les élus du Grand Est et de la communauté d’agglomération de Sarreguemines se sont montrés les plus rapides et les plus efficaces dans l’obtention des permis et des autorisations administratives, sans compter la mobilisation des aides et des subventions disponibles, en complément des fonds européens, la construction de solutions de recrutement et de formation » ajoute Jan Jacob Boom-Wichers.

« Recréer une véritable filière »

En amont, Holosolis entend privilégier les filières européennes, dans le cadre d’une traçabilité complète, pour l’approvisionnement en verre, cadres, encapsulant et autres éléments qui entrent dans la composition d’un panneau photovoltaïque. L’entreprise a même identifié des fournisseurs européens pour ses achats de silicium, dont la production est archi dominée par la Chine.

Mathieu Debonnet et Pierre-Yves Lambert, codirigeants de TSE se disent naturellement « fiers de participer à ce projet de création d’une gigafactory de production de panneaux solaires faiblement carbonés. D’abord, bien évidemment, la localisation en France, avec ce que cela comporte en termes d’emplois mais également en termes de montée en compétences et de souveraineté énergétique. Cette implantation s’inscrit bien dans notre modèle de production d’électricité au coeur des territoires. Ensuite, la production même qui doit permettre à notre pays et à l’Europe de recréer une véritable filière et de rapatrier des compétences technologiques. TSE dont l’ambition est de développer 10 GW de projets solaires d’ici à 10 ans, apportera à ce projet, sa vision, la qualité de son savoir-faire, son expérience du marché et sa capacité d’innovation dans un secteur aussi indispensable qu’en constante évolution. TSE en ajoutant cette nouvelle brique, maîtrisera toute la chaîne de valeur de la production d’énergie solaire. »

IDEC présent dans la conception et la construction

Le troisième acteur de l’alliance est IDEC, le groupe immobilier français qui justifie sa présence dans ce projet par la voix de Patrice Lafargue, président du Groupe : « L’engagement d’Holosolis et de ses équipes pour développer les énergies vertes et la décarbonation, tout en s’intégrant dans une logique de souveraineté et d’indépendance énergétique européennes, nous a séduits. Innovante et productrice de valeur, l’entreprise créera de nombreux emplois. Aux côtés d’EIT InnoEnergy et de TSE, nous l’accompagnerons dans son projet d’industrialisation de panneaux solaires nouvelle génération, tant dans le développement de son business model que dans la conception et la construction de ses futures unités de production. » IDEC a été créée en 2000 et annonce 521 M€ de chiffre d’affaires en 2022. Le groupe emploie 550 collaborateurs en France, 700 dans le monde. Il construit 700 000 m² solaires chaque année

Les acteurs de ce projet géant estiment qu’à Sarreguemines « l’heure de la reconquête solaire a sonné… »

Voir aussi sur https://www.holosolis.com ou encore www.innoenergy.com

Quelques réactions dans la région

Roland Roth, président de la Communauté d’agglomération Sarreguemines-Confluences : « Je tiens à remercier les dirigeants d’Holosolis pour leur confiance ainsi que les référents de l’entreprise pour leur engagement sans faille en faveur de ce projet industriel. Je souligne aussi l’excellent travail partenarial mené avec Franck Leroy, président de la Région Grand Est et ses équipes. Je salue enfin l’engagement de l’État, au niveau local et national pour permettre l’aboutissement de ce projet. Les apports de l’Élysée et du gouvernement ont été essentiels dans le choix d’Holosolis. Enfin, le soutien des élus communautaires aura été un élément clé de ce succès, notamment des élus locaux dont les maires de Hambach et de Willerwald. »

Franck Leroy, président de la Région Grand Est : « Je suis honoré et ravi que Holosolis ait choisi le Grand Est en particulier le site de l’Europole de Hambach. Cette décision, dans un contexte de concurrence élevé, récompense plusieurs mois de travail collaboratif mené par la Communauté d’agglomération, la Région, son agence Invest Eastern France et l’État en lien avec le ministère de l’Industrie Roland Lescure. Elle renforce ma conviction que notre travail en étroite collaboration renforce notre attractivité régionale. Cette annonce démontre également que nous sommes une région leader dans la filière des énergies renouvelables (…) »

Patrick Weiten président du Conseil départemental de la Moselle : « Je me félicite de la capacité de tous les acteurs publics, région Grand Est, Département de la Moselle, communauté d’agglomération, État, en lien avec Moselle Attractivité à travailler efficacement ensemble et à décrocher de grands projets porteurs d’emplois et de valeur ajoutée. Je me réjouis de cette annonce qui confirme l’attractivité de la Moselle dans le domaine de la transition énergétique et la réalité d’une dynamique d’investissement inédite. » La Moselle compte déjà en 2023, quelque 1,2 milliard € de projets d’investissements, soit autant que le record atteint en 2019, et ce alors que d’autres dossiers sont en voie d’aboutissement, comme celui du groupe Knauf (Lire par ailleurs)

Marc Zingraff, 1er vice-président de la CASC, maire de Sarreguemines et conseiller régional délégué : « La Communauté d’agglomération a su apporter des réponses rapides et de qualité pour convaincre les investisseurs de ce choix pertinent. Cette implantation intensifie une diversification des activités industrielles sur notre territoire. L’économie dite verte se trouve aussi renforcée (…) »

Choose France : les investissements dans le Grand Est

Outre le projet Holosolis de la région de Sarreguemines, le 6e sommet Choose France au château de Versailles, a vu l’aboutissement d’autres projets d’investissements dans la région Grand Est. En Moselle, le groupe Knauf déjà présent sur la zone d’Illange près de Thionville, va construire une seconde usine sur ce site de la Moselle-Nord, afin d’y produire des dalles de plafond en laine de roche. L’investissement s’élève à 100 M€ et devrait générer une cinquantaine d’emplois, ce qui portera au total son effectif à 200 pour Illange.

Le groupe danois Velux va investir 40 M€ sur son site de production de Marnay en Franche-Comté avec 70 emplois à la clé.

Le Coréen SIAS, spécialiste des plats préparés, devrait développer son site de Wiches-Hersbach dans le Bas-Rhin avec 70 nouveaux emplois.

Rappelons que Choose France a annoncé quelque 13 milliards d’euros de nouveaux investissements en France avec à la clé 8000 emplois.

Bernard KRATZ