Grand Est Paru le 26 septembre 2023
DÉPARTEMENT DE LA MOSELLE

La rentrée presque sereine de Patrick Weiten

La rentrée de Patrick Weiten a permis au président du conseil départemental de la Moselle de balayer l’actualité mosellane très souvent liée aux décisions gouvernementales. Il a été question de la rentrée scolaire, de la politique sociale du Département, et aussi de sport, avec la perspective des JO de Paris l’an prochain.

Patrick Weiten pour sa rentrée début septembre au Club de la Presse © Pascal Brocard

Très légèrement hâlé, la silhouette élancée par un été de pratique sportive notamment à vélo sur les pistes cyclables, Patrick Weiten est apparu souriant, presque serein, à sa conférence de presse de rentrée au Club de la Presse à Metz. Et c’est très tranquillement qu’il a égrené ses priorités, tout en égratignant sans ménagement l’État, qui rogne plus que jamais sur sa participation au budget départemental. Mais cela n’empêche en rien la Moselle de mener sa barque et d’assumer ses missions, a laissé entendre un Patrick Weiten, visiblement en forme olympique. Tour d’horizon de la rentrée politique du patron du Département.


Rentrée particulière : « Très heureux de faire un point, de mettre en perspective. On a le rythme de l’année scolaire, sportive, mais on aussi le rythme de l’organisation budgétaire. C’est quelquefois plus contraignant. L’expression de nos concitoyens aujourd’hui c’est la proximité. De grands défis nous attendent, quand on parle d’exigence budgétaire et financière de la nation, et qu’on évoque le fait que les collectivités territoriales doivent contribuer à la résorption de la dette de la nation, ça nous fait toujours peur. Je vous rappelle que nous ne fonctionnons qu’avec des dotations de l’État, que nous ne levons plus d’impôt, juste avec une dernière petite taxe que nous avons, les DMTO, les droits de mutations, liés aux frais de notaires qui sont en baisse en 2023 de l’ordre de moins 17 M€ de recettes non compensées. Il est vrai qu’en la matière 2022 avait été exceptionnel ! Cependant on a des charges de fonctionnement, en particulier dans le domaine de l’action sociale, qui croissent, augmentent, souvent parce que le gouvernement prend des décisions et nous payons. Nous sommes les caissiers des décisions gouvernementales… »

Les grands défis : « Nous sommes devant la difficulté de recruter des personnels dans l’action sociale. Il y a une crise des vocations. Nous avons décidé de développer  ’apprentissage dans ces métiers d’assistants sociaux. Une classe est dédiée aux services  départementaux. Nous sommes aussi face à la hausse des coûts de l’énergie…  des matières premières. Tout ça c’est notre lot quotidien. Mais nous assumons et faisons face à ces aléas. »
• Le RSA : « Aujourd’hui nous enregistrons 24000 bénéficiaires du RSA et cela représente 153 M€ de dépenses. On constate une stagnation du nombre de bénéficiaires mais une augmentation des charges. »


Protection de l’enfance : « C’est un domaine pour lequel nous nourrissons une certaine inquiétude : la protection sociale ou l’aide sociale à l’enfance. Nous avons franchi un palier l’an dernier avec 2000 enfants placés, et avons approché en juin les 2100, mais depuis cela s’est un peu tassé. Nous avons une situation assez dégradée car 50% des enfants placés relèvent également d’un handicap.  Les enfants sont les premières victimes de la déstructuration de la cellule familiale. Nous avons décidé de consacrer 11,2  M€ de plus de budget sur le Centre départemental de l’enfance. Nous avons une augmentation de mineurs non accompagnés, 66 sur le seul mois d’août, alors que la  oyenne depuis janvier est à 33. Et ils sont de plus en plus jeunes. Tout ça rend l’exercice difficile. » 

Les personnes âgées : « Nous attendons avec impatience la loi Grand Âge. Je l’ai rappelé à la ministre qui est venue dans le département. Pour la prise en charge des  personnes âgées, les 9200 places disponibles ne suffisent pas, il en manque de 300 à 400. Nous avons 110 EHPAD. Il n’y a pas un lit supplémentaire. Il nous faut une aide gouvernementale, nous ne pouvons pas continuer comme ça. On nous dit qu’il y a le maintien à domicile. Il n’y a pas une semaine qui passe sans une demande de soutien, pour accueillir une personne âgée. »


Personnes handicapées : « La Maison départementale des personnes handicapées, la MDPH croule sous les demandes avec plus de 50% d’entre elles de reconnaissance de leur handicap qui ne sont pas justifiées. Mais chaque cas doit faire l’objet d’une étude. J’ai demandé une mesure spécifique, que les personnes atteintes de la maladie de Charcot soient traitées en priorité. Il faut savoir que deux ou trois mois d’attente, pour ces malades, peut être catastrophique. Le budget de l’autonomie et des personnes handicapées s’établit à 218 M€ sur 2023, soit 110 M€ pour les personnes âgées, 108 M€ pour les personnes en situation de handicap. Ce budget a augmenté de 9,4 M€, là aussi non compensé. Au total, ce budget de l’action sociale de près de 550 M€, non compressif, représente la moitié du budget du Département. Nous attendons la loi Grand Âge, que la Nation assume sa responsabilité. Mais le grand débat reste qui doit payer ? Il y a un vrai travail de fond. Il y a des départements qui sont au bord du gouffre, ce n’est pas le cas de la Moselle. Nous assumons toutes nos responsabilités. »


Les dossiers de mobilité : « C’est un autre grand défi, celui de la mobilité. On a devant nous quelques grands dossiers. Il faut que le gouvernement décide de lancer l’A31 bis. Il faut arrêter de tourner en rond, sortir du giratoire et arriver sur la ligne droite de la réalisation de l’A31 bis, elle est indispensable, tant ça déborde de partout. Nous avons  aujourd’hui des routes départementales qui sont complètement saturées. Les axes Nord-Sud, mais aussi transversaux. Le gouvernement a choisi la concession, je n’y étais
pas favorable. Mais il faudra un certain temps. Nous gérons dans le même temps le transfert des routes nationales, mais l’État n’a toujours pas communiqué le montant des compensations ni du nombre d’agents transférés. Il faut aussi finir la réalisation de la VR52 dont l’État doit achever le dernier tronçon à Rombas. »

La complémentarité des modes de transport : « Nous travaillons sur la complémentarité des modes de transport, c’est comme ça qu’on réussira la mobilité en Moselle. Je prends l’exemple du ferroviaire. Je crois au développement des petites lignes ferroviaires comme Sarreguemines-Strasbourg, Fontoy-Luxembourg, Forbach-Thionville, sur laquelle nous avons fait des études avec le concours de la SNCF. Elle prévoit au moins 5000 usagers dans les trains au quotidien, des travailleurs frontaliers. Nous avons des rails en très bon état, de petites gares qui maillent le territoire. C’est une démarche écologique : on passerait de 80 à 12 tonnes d’émissions de gaz à effet de serre. On va plus vite, c’est moins coûteux. C’est une politique d’aménagement du territoire. Le transport ferroviaire de proximité dynamisera le territoire. Et le Département de la Moselle est prêt à financer des infrastructures ferroviaires. Et je peux compter sur le soutien des maires. Nous soutenons aussi la liaison Paris-Berlin via Sarrebruck. Strasbourg semble l’alpha et l’oméga du nouveau monde, il faut que Sarrebruck soit l’alpha et l’oméga de la Région Grand Est. On continue à revendiquer le maintien de l’aéroport Metz-Nancy-Lorraine, il passe forcément par une mise en relation avec l’aéroport de Luxembourg. Le Département est prêt à s’engager dans son conseil d’administration. Enfin nous sommes aux côtés de la future liaison Hettange-Grande/Frisange au Luxembourg en bus à haut niveau de service. On espère présenter ce projet de liaison franco-luxembourgeoise d’ici la fin de l’année. Avec un financement de la communauté de communes de Cattenom. Il faut savoir que la traversée d’Hettange-Grande représente aujourd’hui jusqu’à 25000 véhicules par jour. Cette démarche intéresse nos voisins luxembourgeois. » 

Mobilité douce : « Le Département s’engage dans la mobilité douce avec 1250 km de voies de mobilité douce que l’on veut mettre en place en relation avec les  intercommunalités. Aujourd’hui deux ou trois se sont engagées dont l’arc mosellan. Nous avons réservé 12 M€ d’aides dans un maillage départemental. Il nous faut avancer sur cette mobilité douce, en s’appuyant sur la trame bleue, la voie Charles le Téméraire qui longe la Moselle qui nous amène au nord de l’Europe. »


L’attractivité : « L’Insee nous a annoncé de mauvaises prévisions démographiques. Nous devons réagir. La statistique n’est pas une fatalité. C’est une photographie du moment. À nous de la faire mentir en mettant en place une véritable politique dynamique. Nous avons lancé l’action Viens, restes, reviens. Il s’agit d’attirer de nouvelles populations et de fixer celles qui sont là. Nous soutenons les grandes écoles. On accueille dans quelques jours, tous les étudiants de première année des grandes écoles.
Ce sont des étudiants de toutes nationalités. On utilisera les locaux du stade Saint-Symphorien. Il nous faut une politique de l’habitat notamment pour les étudiants. Nous voulons une vraie politique de l’habitat en Moselle. Rappelons par ailleurs que le tourisme compte en Moselle : c’est 500 M€ de chiffre d’affaires et 16 600 emplois. Quel est le territoire qui se désintéresse de 16 600 emplois ? On a vu la Moselle dans nos campagnes d’affichage dans les gares parisiennes et des spots TV diffusés sur les chaînes  nationales aux heures de grande écoute. On ressent les retombées de cette campagne. Cette politique du tourisme est essentielle. Elle nous vaut quelque 4,2 millions de nuitées en Moselle. Cela permet aussi d’aider à investir. Nous le faisons dans ce Relais au pied du Château de Malbrouck, un hôtel qui était fermé depuis 9 ans. Un jeune couple l’a rouvert. Il en est à 60% de remplissage. »


Les J.O. de Paris : « Enfin je terminerai en parlant de Terres de Jeux. Nous sommes à moins d’un an de cet exceptionnel rendez-vous de 2024 que nous attendons depuis un siècle. Nous avons constaté les performances de nos mosellans cet été. En athlétisme Yann Schrub et Auriana Lazraq-Khlass ont marqué les esprits des championnats du monde d’athlétisme. Nous aurons une trentaine de sportifs mosellans. On n’oublie pas les filles du handball messin qui porteront les couleurs françaises aux JO. Nous aurons
des athlètes de l’étranger qui viennent s’entraîner en Moselle : un vice-champion du monde de saut à la perche philippin va venir s’entraîner chez nous. L’équipe de volley-ball du Brésil aussi qui sera présente durant 10 à 18 semaines. Le succès des délégations étrangères que nous allons accueillir sont aussi les nôtres. Nous avons choisi Amnéville comme site de célébration des JO avec une fan zone, pendant toute la durée des Jeux. Il est important aussi que la Moselle soit présente au club France à Paris. J’y travaille
avec le COJO, le comité d’organisation. N’oublions pas le passage de la flamme olympique dans le département le 27 juin 2024. La désignation des porteurs est désormais engagée. Il y en a 120 en Moselle. Aujourd’hui en matière sportive, la Moselle est identifiée, et c’est une source d’attractivité. Enfin j’aurais le plaisir d’accueillir Tony Estanguet, le président du Comité d’organisation en Moselle au début de l’année prochaine. Nous organisons également une exposition sur les objets de l’olympisme à Malbrouck. »


• Politique : « Pour ce qui est des élections sénatoriales, je resterai en retrait. Plusieurs membres de la majorité départementale sont candidats, mais j’ai un devoir de réserve en tant que président. J’irai voter, mais je resterai en dehors des débats. Au passage je vous rappelle que le vote aux élections sénatoriales est obligatoire. Mon souci est de préserver l’unité départementale. Naturellement je travaillerai avec tous les parlementaires et sénateurs qui partagent ma façon de voir la République. Quant à mes relations avec Franck Leroy, le président de la Région Grand Est, elles sont amicales et personnellement exceptionnellement bonnes. Nous avons des dossiers sur lesquels des  négociations sont en cours. » 

La rentrée dans les collèges

Patrick Weiten n’a pas manqué sa rentrée scolaire dans les collèges qui sont à la charge du Département. Une rentrée qui a concerné 48 300 collégiens dans 101 collèges (41 082 dans les 90 collèges publics, 7197 dans les 11 collèges privés). Il a choisi de la faire au collège Philippe de Vigneulles à Metz, un établissement placé sous les feux de l’actualité l’an passé pour des problèmes nécessitant des analyses car des collégiens et du personnel ont été sujets à des maux de ventre, de gorge etc. Fermé entre fin  novembre 2022 et la fin de l’année scolaire, il a pu rouvrir à la rentrée. « Ce collège a rouvert avec un effectif stable » assure le président Weiten qui a également fait un saut au collège de l’Arsenal lequel est dédié au sport et vient d’être labellisé « Génération 2024 ». Il a évoqué la reconstruction à partir de 2024 des collèges de Stiring-Wendel et de Saint-Avold pour un montant de 18 M€ pour le premier et 21 M€ pour le second. « On a dix collèges à reconstruire, et ça prend du temps. » Ces établissements seront à énergie positive. « Ce sera une nouvelle génération de collèges. » Le Département engage également 15 M€ dans les travaux d’économie d’énergie dans certains  établissements. Le même montant sera consacré à la transition numérique des collèges sur 4 ans, entre 2022 et 2026. Il s’agit du troisième plan numérique des collèges. « Nous avons commencé il y a plus d’une dizaine d’années » rappelle Patrick Weiten. Il se félicite d’une petite augmentation des effectifs dans les collèges. « Et ça nous rassure un peu, la courbe est encore ascendante. » Pour mémoire le Département de la Moselle consacre 19 M€ à l’éducation.


La question du collège franco-luxembourgeois


Le dossier du projet de collège franco-luxembourgeois à Audunle- Tiche a également été évoqué par le président Weiten. « Mais ça n’avance pas. Cela fait 12 ans que je milite pour ce collège franco-luxembourgeois. Au départ je le voyais à Volmerange. Puis on l’a imaginé à Audun-le-Tiche qui fait partie des dix collèges à reconstruire en Moselle. La maire de Audun-le-Tiche est très intéressée tout comme le président de la communauté de communes, Patrick Risser. On a l’adhésion des territoires. Mais on avait un gouvernement luxembourgeois qui traînait un peu les pieds. On a fait des études, dont le projet Educo. Bon, l’organisation scolaire n’est pas la même. Pourtant on a un exemple qui fonctionne à Perl en Allemagne, c’est un collège germano-luxembourgeois. La France n’a pas voulu y participer. J’y suis allé. Les enseignants allemands et luxembourgeois ont conservé leur statut et ça fonctionne remarquablement. Ce qu’ils ont fait à Perl, on peut le faire à Audun-le-Tiche. Apparemment le Luxembourg serait d’accord, mais aujourd’hui c’est le recteur de l’académie à Nancy qui ne serait plus d’accord. Je l’ai rencontré pour lui dire que sur ce dossier on est déconnecté. Bon,  attendons les élections luxembourgeoises pour relancer ce dossier. »

Bernard KRATZ