Grand Est Paru le 13 octobre 2023
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU BTP DE LA MOSELLE

La fédération s’inquiète de la crise du logement

L’assemblée générale de la fédération du BTP de la Moselle, le 5 octobre dernier, a permis de faire passer le message d’une corporation inquiète pour son avenir, inquiète de la baisse des démarrages de chantiers, inquiète de la chute des permis de construire, inquiète de la crise du logement. Elle attend des mesures fortes du gouvernement.

Photo de famille à la fin de la manifestation avec au premier plan Pierre Schaeffer à côté de Philippe Candeloro et François Grosdidier.

Et pourtant le cadre était magnifique. La fédération du BTP avait bien fait les choses en organisant ses assises annuelles dans les splendides locaux de l’amphithéâtre de la tribune Sud du stade Saint-Symphorien de Metz. Quelque 500 invités s’y pressaient avec une tête d’affiche surprenante, Philippe Candeloro, le patineur commentateur venu raconter en préambule son parcours sportif. Bref, un écrin magnifique pour une ambiance presque festive… Malheureusement la tonalité du discours du président de la fé­dération, Pierre Schaeffer, les images qui défilent sur l’écran avec des statistiques alarmantes, ont quelque peu refroidi l’atmosphère. Même si au détour de quelques propos on sentait que la profession était loin de baisser les bras, elle nourrissait beaucoup d’espoir, en particulier dans tous ces jeunes qui choisissent la filière dans les centres de formation des apprentis dont les effectifs battent des records. Seulement voilà, la crise du logement neuf qui se développe douche tous les efforts des acteurs du BTP qui ont pourtant déjà surmonté bien d’autres épreuves.

La fédération donne l’alerte

On peut le rappeler ici, depuis 2020 le secteur du BTP en a vu de toutes les couleurs. La crise sanitaire en est la plus parfaite illustra­tion. Elle s’est poursuivie avec la pénurie des matières premières, les problèmes d’approvisionnements, et aujourd’hui la flambée des prix de l’énergie. Pierre Schaeffer peut à juste titre affirmer « notre secteur est fragilisé ! » C’est un fait avéré, le logement neuf entre dans une crise profonde, alors que ce segment du marché représente plus du quart de l’activité du BTP. Les derniers chiffres de fin septembre le confirment : -6% pour les démarrages de chan­tier, - 35% pour les permis de construire, les ventes quant à elles reculent de près de 40%. « Notre fédération, avec d’autres acteurs de l’immobilier, alerte les pouvoirs publics depuis maintenant un an et en appelle à des mesures fortes » a beau lancer le président du BTP, les mesures du Plan logement présenté avant l’été sont bien trop modestes et risquent selon la fédération « d’aggraver la crise qui se profile. »

Le poids du logement dans l’économie

Et le président d’égrener tout ce qui ne va pas, tout ce qui ne tourne pas dans le bon sens pour les professionnels du BTP. Ces derniers savent le poids économique du logement pour le pays : il constitue une dépense qui rapporte en solde net 50 milliards d’euros au budget de la nation sous forme de divers prélèvements fiscaux. Un logement construit génère 1,6 emploi dans la filière. Il évoque alors le PTZ, le prêt à taux zéro. Il est une nouvelle fois raboté en 2024. Dans le neuf il ne concernerait plus que 4 communes en Moselle et serait réservé aux logements collectifs. « Nous ne pouvons pas accepter cela. Le PTZ n’est pas un produit d’investisseur, c’est un moyen d’accéder à la propriété ! » Même refrain pour la fin annoncée du dispositif d’investissement locatif Pinel qui disparaîtra fin 2024. Alors qu’il « faudrait au contraire miser sur ces dispositifs qui ont fait leurs preuves. » Et pour éviter le recul des ventes immobilières, il invite le gouvernement « à se pencher sérieusement sur les règles en matière d’obtention de crédit immobilier. » Rappelons la difficulté à laquelle se heurtent bon nombre de prétendants à l’accession à la propriété, pour obtenir un crédit bancaire, dont les conditions deviennent de plus en plus contraignantes.

Assouplir le ZAN

C’est dans l’air du temps, mais la loi sur le Zéro Artificialisation Net que l’on a rebaptisé ZAN, rencontre de plus en plus de détracteurs. Les entreprises du BTP n’en sont pas là, conscientes qu’il « est indispensable de mieux concilier développement de la construction et protection de l’environnement. » Mais elles demandent cepen­dant « un assouplissement du ZAN, car à défaut, la raréfaction des terrains constructibles va freiner la production de logements et de locaux non résidentiels. » Au passage, il est bon de rappeler que les maires ruraux, en particulier de Moselle, ont également plaidé pour un tel assouplissement, qui serait apparemment entendu, notamment du côté des sénateurs.

Et la transition écologique ?

La fédération veut bien reconnaître que la réhabilitation lourde ou la déconstruction est souvent présentée comme une solution face à la pénurie de foncier. « Cela peut s’entendre, mais à quel prix ? » demande Pierre Schaeffer, alors que les normes et réglementa­tions ont déjà fait exploser, selon lui, les coûts de la construction. Conséquences : les entreprises voient leurs marges rognées et le « BTP demande des aides pour absorber les surcoûts.»

Autre élément déterminant dont le poids ne va pas cesser de croître : la réduction de la consommation énergétique. Or le bâtiment re­présente à lui seul 44% de l’énergie consommée en France, loin devant les transports. C’est toute la problématique de la transition écologique. Celle-ci, selon le BTP mosellan « doit être massivement aidée dans le cadre d’une politique de long terme. » Le rapport Pisani-Ferry apporte de l’eau au moulin des entrepreneurs du BTP. Il estime qu’il faudrait 48 milliards d’euros supplémentaires par an pour atteindre les objectifs de cette transition écologique. On en est loin. Néanmoins la fédération se félicite de voir MaPrimeRénov’ revue de 2,4 à 4 milliards d’euros en 2024. «Il faut poursuivre et amplifier cette trajectoire» demande le BTP.

Une meilleure approche du BTP

La fédération mosellane s’interroge sur les revirements de certaines décisions de nos gouvernants, notamment en matière énergétique. « Nos entreprises, tout comme nos clients, ne savent plus vers quoi s’orienter. Cette situation ne fait que reporter les projets… » De quoi souhaiter une approche « plus globale du bâtiment, en favo­risant un meilleur mix-énergétique et en considérant l’isolation. » En fait les entreprises en appellent, comme c’est également le cas des artisans du bâtiment « à une simplification assez radicale des démarches à accomplir par les clients dans leurs projets de rénovation énergétique. Elles demandent ainsi la création d’un dossier unique pour MaPrimeRénov’ et les Certificats d’économie d’énergie. Dans le même registre, il serait bon de pérenniser le crédit d’impôt en faveur de la rénovation énergétique des locaux des TPE et PME. L’occasion pour la fédération de souligner l’engagement et les efforts menés par les bailleurs sociaux et organismes HLM « qui continuent de porter des programmes ambitieux pour leur parc de logements, mais ils font face, eux aussi, à des difficultés de financement. »

Au chapitre des revendications, le BTP demande à renforcer la lutte contre la fraude aux primes à la rénovation énergétique et à mettre fin aux agissements des éco-délinquants, vu la prolifération conti­nuelle de nouvelles sociétés sans aucune compétence technique.

Question de prix

Autre satisfecit de la fédération, le maintien du taux réduit de TVA pour les travaux de rénovation non énergétique. Par ailleurs le BTP souffre face aux fortes hausses de prix des fournitures qui en trois ans ont progressé de 18% voire 20%. « Les entreprises peinent à répercuter ces hausses et enregistrent un effritement des marges et de la trésorerie. » Et parfois elles sont contraintes d’arrêter leur activité. Les défaillances selon la Banque de France ont progres­sé sur un an de 40%, mais cela reste cependant 5% en deçà du niveau de la période avant covid.

Et les travaux publics

La situation n’est guère plus favorable dans les TP, les travaux publics. « Les perspectives sont orientées à la baisse pour les deux prochaines années, tant en marchés publics que privés » annonce le président Schaeffer. Des marchés qui sont très dépendants de la commande publique, laquelle est en retrait. Les collectivités hésitent à investir, face à l’augmentation de leurs frais de fonctionnement. Les TP sont aussi touchés par la hausse du prix des matériaux, notamment le produit béton. Sans compter la hausse des prix du carburant dont les engins de chantier sont très consommateurs.

Autre problème inhérent aux entreprises du BTP, la dégradation du délai de paiement effectif des factures en marché public. La fédé­ration s’inquiète de cette situation et appelle à « une plus grande vigilance de la part des donneurs d’ordre et des maîtres d’oeuvre pour un respect effectif des délais de paiement. »

Mise en place chaotique de la REP

Connaissez-vous la REP, la Responsabilité élargie des producteurs ? Selon la fédération du BTP 57 « la mise en place de cette nouvelle éco-contribution sur les produits et matériaux de construction de bâtiment, est chaotique. Elle doit assurer le traitement et le recyclage, gratuitement, de nos déchets de chantier. » De fait, si le principe est intéressant, cinq mois après son entrée en vigueur, un seul élément concret est à retenir : son paiement. Mais elle génère un surcoût, car « face à cela le service est quasi nul » es­time la fédération. Du reste le maillage territorial en la matière est insuffisant avec moins de 10 sites opérationnels en Moselle, hors déchets inertes. Par ailleurs la fédération s’inquiète de la possible fermeture de déchetteries pour les artisans et entrepreneurs. En effet, « les collectivités locales estiment que la gestion des déchets de bâtiment doit désormais être assurée par la filière REP. De quoi compliquer encore la gestion des déchets au quotidien. »

Comment recruter ?

En ouvrant l’assemblée générale, Pierre Schaeffer, outre les nom­breux problèmes qu’affronte la filière, a mis l’accent sur une des difficultés principales de la profession : le recrutement du personnel. Il parlait d’une crise sociétale qui oblige à se questionner sur le « comment faire évoluer le rapport au travail actuel ? » Or les diffi­cultés de recrutement perdurent. « Ce déficit de salariés constitue un véritable frein à l’activité du BTP. » Pourtant la fédération du BTP de la Moselle n’est pas avare en action de promotion des métiers du bâtiment. Les opérations de communication se poursuivent. On citera « Ton métier, Ton avenir » porté par la CCI Moselle qui connaît un franc succès. Elle présente des portraits très éloquents et valorisants de salariés ou d’apprentis d’entreprises adhérentes Une façon de faire connaître toutes les opportunités de carrière qu’offrent les métiers du BTP.

L’importance de l’apprentissage

Le rapprochement avec les collèges appartient au registre de ces opérations de communication. Pierre Schaeffer le constate « les portes des établissements scolaires s’ouvrent plus facilement » et visiblement les relations avec l’Éducation nationale sont plutôt bonnes et offrent au BTP l’occasion de mieux se faire connaître des jeunes. Et les entreprises du BTP jouent le jeu, en acceptant aisément les stages de 3ème lancés par Moselle Attractivité. Le lien se renforce également avec Pôle Emploi et ses conseillers.

Et si les problèmes de recrutement trouvaient une solution avec l’apprentissage ? « L’apprentissage reste la voie privilégiée pour accéder à nos métiers » remarque le président de la fédération. Même si la demande très élevée des entreprises pour recruter n’est pas entièrement couverte en cette rentrée, le BTP ne peut que se féliciter de voir les effectifs du CFA BTP Moselle augmenter et dé­passer les 1100 apprentis, un niveau record d’inscriptions depuis 10 ans. C’est sans doute le résultat de la modernisation du centre. « C’est un outil de formation accueillant et moderne, à la pointe des évolutions technologiques. » Dans le même registre, le CFA de Sarreguemines bénéficie de nouveaux locaux, plus spacieux et rénovés. Il va accueillir un nouveau cursus de formation dans le métier du Génie climatique. Pierre Schaeffer parle d’un meilleur maillage territorial en matière d’outil de formation. « Le rôle de notre CFA est d’aller au plus près des entreprises et des jeunes. »

Nouvelle crainte, mais des opportunités

À cette perspective s’ouvre une nouvelle préoccupation : la décision de France Compétences de baisser le montant des forfaits versés aux CFA pour payer les frais de formation. Une baisse de l’ordre de 6% est évoquée. « Elle risque d’affaiblir la dynamique en cours du développement de l’apprentissage. » Cela pourrait pénaliser le fonctionnement des centres de formation d’apprentis et entamer la qualité des formations dispensées dans ces établissements.

Pierre Schaeffer peut alors conclure, en relevant la tête, car tout n’est pas si sombre. « Il existe des opportunités considérables qui s’annoncent pour nos entreprises autour de la rénovation énergé­tique, la transition écologique, du développement territorial ou de la mobilité. » Il s’adresse naturellement au gouvernement pour qu’il engage « une politique forte en faveur de la construction avec des mesures pour faciliter le financement des projets. C’est essentiel de préserver les compétences et le savoir-faire que les artisans et entrepreneurs mettent à disposition de leurs clients. » Tout repose sur un principe fondamental que le président du BTP Moselle se fait un plaisir de rappeler devant un auditoire d’entrepreneurs conquis : « Ce sont nos entreprises qui créent de la richesse et ce sont elles qui la redistribuent. »

Les 12 et 13 octobre  : Les coulisses du Bâtiment

Les coulisses du BTP en Moselle

La nouvelle édition des Coulisses du BTP se déroule ces 12 et 13 octobre. À l’initiative du BTP Moselle, cette action phare est l’oc­casion pour les collégiens de découvrir la richesse et la diversité des métiers du secteur. Depuis 20 ans, les entreprises du BTP de Moselle ouvrent les portes de leurs chantiers pour faire découvrir aux jeunes, le monde de la construction d’une manière originale et interactive. Les Coulisses du BTP permettent aux scolaires d’être les témoins des réalisations de demain et de se forger leur propre opinion sur le secteur du bâtiment et des travaux publics. De quoi donner un premier aperçu sur les métiers en pleine mutation du BTP qui s’adaptent aux préoccupations actuelles : développement durable et intégration de nouvelles technologies.

Trois chantiers

En Moselle durant ces deux journées, trois chantiers sont ouverts :

- Un chantier de construction neuve de logements à Metz en par­tenariat avec la société STRADIM ;

- Un chantier de construction neuve, gymnase Bliespark, à Sarreguemines, en partenariat avec la Communauté d’agglomé­ration de Sarreguemines Confluences ;

- Un chantier de construction neuve (extension d’un centre com­mercial) à Sarrebourg, en partenariat avec la société SC Welsch.

Grâce au financement du Conseil régional Grand Est, plus de 1400 collégiens accompagnés de leurs enseignants, se déplacent pour découvrir ces trois chantiers (600 sur le chantier de Metz). En partenariat avec les Missions locales, écoles de la 2e chance et les agences de Pôle Emploi, les entreprises de BTP accueillent également les publics jeunes et adultes demandeurs d’emploi.

Le partenaire des Coulisses du BTP de Metz, le Groupe Stradim a soutenu cette manifestation pour promouvoir la filière de la construction et communiquer sur les emplois et les opportunités de carrière présentes dans ce secteur dynamique. Le chantier Renaissance de la rue aux Arènes, non loin de la gare, met en valeur une belle collaboration entre le maître d’ouvrage, le maître d’oeuvre et les entreprises locales.

Avec des bonus

Pendant ces visites de chantiers, les collégiens participent aux jeux et animations et peuvent remporter le trophée départemental du BTP. Grâce à des jeux en réalité augmentée, les jeunes vivront une immersion dans la construction.

Un rappel s’impose : depuis 2003 plus de 1,7 million de personnes ont visité 5000 chantiers et ateliers ouverts dans toute la France. En Moselle, depuis 2003 quelque 21 200 jeunes ont découvert 58 chantiers et ateliers. Cela donne la mesure de l’impact de ces Coulisses du BTP. «Compte tenu des difficultés de recrutement dans notre secteur, la promotion des métiers du BTP demeure un enjeu majeur pour notre profession. Il est donc plus que nécessaire de communiquer sur nos métiers, sur les besoins de recrutement de nos entreprises, et les Coulisses du BTP répondent parfaitement à ce besoin» assure le président du BTP Moselle Pierre Schaeffer.

Voir https://www.ffbatiment.fr/moselle

Voir aussi https://www.cfabtp-moselle.org

Pierre Schaeffer au milieu d’une table ronde entouré de François Grosdidier, maire de Metz et Julien Freyburger, vice-président du Département de la Moselle.

Bernard KRATZ