Grand Est Paru le 14 novembre 2023
CONJONCTURE 3e TRIMESTRE

CAPEB : la baisse se confirme et inquiète les artisans du BTP

Pour le deuxième trimestre consécutif, le volume d’activité des entreprises artisanales du bâtiment recule (-1%). La construction neuve connaît toujours de nettes difficultés (-3%) tandis que l’activité entretien-amélioration stagne comme au trimestre précédent. Plus inquiétant, les travaux de performance énergétique voient leur rythme de croissance ralentir ce trimestre (-0,5 point). Le détail de la note de conjoncture de la CAPEB du 3e trimestre.

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Le neuf en difficulté : un modèle à réinventer

Les notes de conjoncture de la CAPEB qui réunit les adhérents de l’artisanat du bâtiment se suivent et commencent à se res­sembler. Elles suivent en cela les tendances enregistrées dans l’activité de l’immobilier que nous avons largement évoquées dans ces colonnes. Sans surprise, l’activité de la construction neuve continue de chuter ce trimestre, la baisse du volume d’activité s’intensifiant puisqu’elle passe de -1,5% au deuxième trimestre à -3%. Et la situation ne devrait pas s’améliorer puisque les permis de construire accordés, tout comme les mises en chantier reculent nettement. Cumulés sur 12 mois à fin août 2023, ils enregistrent des diminutions respectives de 28 et 16% par rapport à la même période en 2022. Les autorisations de logements individuels ont diminué de 66 200 logements entre septembre 2022 et août 2023 pour atteindre 147 000 unités. Pendant cette période les ouvertures de chantiers de logements individuels ont diminué de 33 900 et se situent à 135 100 logements. En matière de logements collectifs ou en résidence 88 800 logements de moins, soit le niveau le plus bas depuis l’année 2000. Les mises en chantier de logements col­lectifs ou en résidence ont diminué de 27 600 unités pour atteindre 184 400 logements commencés. Pendant cette période 26 100 logements étaient autorisés dans le Grand Est, et seulement 22 300 logements commencés.

On constate également une diminution continuelle sur 12 mois des ventes de logements anciens. En juillet 2023, leur niveau était inférieur de 15% à celui de l’an dernier à la même date. L’accès au crédit s’étant durci en même temps que les contraintes bud­gétaires des ménages, les tensions sur les ventes se transmettent progressivement au marché de la location.

L’activité liée à l’entretien se maintient

L’activité des entreprises artisanales du bâtiment sur les marchés de la rénovation est atone. Elle reste encore correcte en volume, mais elle diminue néanmoins régulièrement de trimestre en trimestre. Des mesures de simplification, notamment administratives, sont fortement attendues.

Travaux d’amélioration énergétique en recul C’est une surprise et un résultat inconcevable : les travaux d’amélioration de performance énergétique des logements diminuent ce 3e trimestre (+1,5% contre +2% au deuxième trimestre 2023 en glissement annuel), alors qu’ils devraient « exploser au contraire » indique la note. Le discours volontaire du gouvernement qui fait de la transition énergétique une des priorités de l’État, la décision d’engager d’importants financements publics pour aider les ménages à faire réaliser des travaux, et l’ampleur des marchés que cet enjeu représente devraient contribuer à dynamiser considérablement ce marché, or c’est démenti dans les faits : il régresse. Pour la CAPEB l’explication apparaît évidente. Elle le dénonce depuis plusieurs mois : « la complexité du dispositif actuel est telle, les règles pour bénéficier des aides ne cessant de changer, que les particuliers et entreprises se détournent de ce marché, pourtant essentiel. » Mais ni l’encouragement aux groupements momentanés d’entreprises, ni la facilitation des parcours de travaux permettant aux ménages d’étaler dans le temps leurs travaux pour aboutir à une rénovation performante, ni la mise en place d’un certificat de conformité en fin de travaux, propositions que la CAPEB a formulées, n’ont été retenues par les pouvoirs publics. Ces derniers ont au contraire fait le choix de la rénovation globale dans un modèle économique qui sied parfaitement aux entreprises générales et aux grands opérateurs au détriment des petites entreprises, c’est-à-dire 97% des entreprises du bâtiment. Uniformisation de la baisse sur toutes les régions Encore contrastée au deuxième trimestre 2023, la carte de France tend à s’uniformiser ce trimestre avec des soldes d’opinion, sur les carnets de commandes négatifs sur l’ensemble du territoire. Un recul de l’activité entre 0,5% et 1,5% touche toutes les régions métropolitaines sans exception, y compris les régions 13

Auvergne-Rhône-Alpes (-1%) et Provence-Alpes-Côte d’Azur/ Corse (-1%) qui affichait une meilleure résistance au trimestre dernier. La façade Ouest, Bretagne, Normandie et Hauts-de-France résistent (-0,5%) tout comme l’Île de France (-0,5%) mais le Grand Est recule plus nettement (-1,5%), tout comme la Bourgogne-Franche-Comté.

Les corps de métiers sont tous affectés par un recul des volumes d’activité, qui est toutefois plus marqué pour les entreprises de maçonnerie en raison de leur présence plus importante sur le marché du neuf.

Des trésoreries tendues

Outre des carnets de commandes moins remplis (77 jours de travail à venir début octobre, soit 22 jours de moins qu’un an auparavant), les entreprises artisanales du bâtiment font également état d’un besoin croissant en trésorerie. Le solde d’opinion sur la situation de la trésorerie est défavorable (-13 points) en raison de la baisse d’activité et de l’allongement des délais de paiement des clients. 19% des entreprises sont concernées par des besoins en tréso­rerie d’un montant moyen de 30 000 euros (contre 22 000 euros il y a un an).

L’emploi salarié diminue pour la première fois dans les TPE

Ces données ne pouvaient qu’exercer une influence négative sur l’emploi. C’est le signe clair d’un ralentissement progressif de l’ac­tivité. L’emploi salarié dans les TPE de la construction recule pour la première fois (-0,8% en glissement annuel). Dans l’artisanat du bâtiment, on peut estimer que le niveau d’emploi est resté stable au deuxième trimestre 2023. Mais comme anticipé, la situation continue de se dégrader cette année et confirme l’hypothèse d’un recul de l’activité des entreprises artisanales du bâtiment au cours de l’année 2024. Cette dégradation risque de s’accentuer sur le marché du neuf, en raison notamment des conditions de financement moins favorables et des coûts de construction plus élevés. Les prix des matériaux restent en effet élevés, plus élevés que l’inflation elle-même.

La note de la CAPEB relève également une baisse du nombre de créations d’entreprises artisanales du BTP (21 141 créations) soit -8,9% par rapport au même deuxième trimestre 2022. Au deuxième trimestre quelque 2 774 défaillances d’entreprises ont été enregistrées soit une hausse de 37,7% par rapport au même trimestre de 2022.

La CAPEB s’interroge

Jean-Christophe Repon, président national de la CAPEB se pose des questions sur la volonté du gouvernement d’apporter les bonnes réponses à l’inquiétude des artisans du BTP. « L’état du marché de la rénovation énergétique démontre toute l’attention qu’il est absolument nécessaire d’avoir pour redynamiser le marché et créer les conditions d’un élan collectif. Les récentes annonces concernant Ma Prime Rénov vont avoir pour seul effet d’éloigner les entreprises et les particuliers de ce marché. Des solutions existent. J’appelle le gouvernement à s’en emparer. Le report continuel des Assises du bâtiment qui pourrait disparaître au profit des Assises de la simplification est incompréhensible. Trop de questions restent sans réponse, à commencer par la transparence des prix, que les Assises de la simplification ne pourront pas résoudre. J’interrogerai mon conseil d’administration et le Réseau CAPEB sur la pertinence pour la CAPEB d’y participer, au regard de la déception engen­drée par les Assises du BTP pour lesquelles nous nous sommes beaucoup investis. »

En même temps, on sait qu’une des principales revendications de la CAPEB a toujours été la simplification administrative. Et est-ce qu’une stratégie de la chaise vide aidera davantage les artisans du BTP ? C’est le réseau de la CAPEB qui en jugera.

Voir aussi www.capeb.fr

Bernard KRATZ