Grand Est Paru le 15 décembre 2023
STRASBOURG

La Manufacture des Tabacs devient un lieu d’excellence universitaire

L’ENGEES (École Nationale du Génie de l’Eau et de l’Environnement de Strasbourg) et l’EOST (École et Observatoire des Sciences de la Terre) se réunissent dans le pôle G2EI (Géosciences, Eau, Environnement et Ingénierie). Elles viennent de s’installer à la Manufacture, entièrement réhabilitée et inaugurée le 6 décembre.

Poteaux en acier, haut plafond de poutres apparentes, larges baies vitrées ouvertes sur la cour des Cigarières, dans le hall du tout nouveau pôle G2EI (Géosciences, Eau, Environnement et Ingénierie), récemment installé dans l’ancienne Manufacture des tabacs, au coeur de la Krutenau, un groupe amateur d’étudiants interprètent – plutôt bien – Help ! des Beatles. Au secours l’eau ! Au secours les températures qui s’affolent ! Au secours la terre, qu’ils s’apprêtent à sauver à l’issue de leurs études.

Créé depuis la rentrée universitaire de septembre 2023, le Pôle G2EI regroupe, sans les faire disparaître, l’ENGEES (École Nationale du Génie de l’Eau et de l’Environnement de Strasbourg) et l’EOST (École et Observatoire des Sciences de la Terre), désormais instal­lées dans les locaux de l’ancienne Manufacture des Tabacs de la Krutenau. Qu’il s’agisse de gérer la ressource en eau, son accès, sa distribution et son traitement, ou de prospecter et de gérer les ressources du sous-sol – énergie, minerai –, ces deux écoles sont aux premières loges de la lutte contre le changement climatique.

Volutes de brainstorming à la « Manu »

Les nouveaux et beaux locaux du Pôle G2EI accueillent 1 400 étu­diants, doctorants et plusieurs dizaines d’enseignants-chercheurs, et une quarantaine de chercheurs du laboratoire ICube. Le pôle d’excellence en formation et recherche compte deux amphithéâtres, quinze salles de cours, des espaces de projets et de travaux pratiques, six salles informatique, une halle technologique et des laboratoires. Le coût du chantier de réhabilitation s’est élevé à 33,5 M €, financés dans le cadre de l’Opération Campus, par l’État (17,7 M €), la Région Grand Est (7 M €), l’Eurométropole de Strasbourg (7 M €) et l’ENGEES (1,8 M €). Dans les locaux de l’an­cienne « Manu », le nouveau Pôle voisine avec l’incubateur SEMIA, une épicerie solidaire, une friperie, un restaurant, une auberge de jeunesse et prochainement une nouvelle bibliothèque universitaire également accessible aux étudiants de la toute proche Haute École des Arts du Rhin.

« Ce site, chargé d’histoire se réinvente comme un pôle d’ex­cellence où se croiseront les arts, les sciences, la formation et un nouveau vivre ensemble », résume Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg. Et Michel Deneken, président de l’Université de Strasbourg, s’enthousiasme : « Au-dessus du site de la Manufacture ne volent plus les volutes des cigares, mais celles du brainstorming des étudiants, des enseignants et des chercheurs. » Brainstorming au secours de la terre.

Et si Carmen était Strasbourgeoise ?

« En avril 1844, l’amateur de cigares qu’était Mérimée fut envoyé en mission à la Manufacture des Tabacs de Strasbourg, non pour l’inspecter mais pour persuader le ministre de l’Intérieur de revenir sur la décision de démolir l’église de Saint-Étienne dont la Régie avait fait son magasin », raconte Michel Arrous, citant lui-même Paul Smith, dans un numéro des Cahiers Mérimée de 2018. C’est là, à la rencontre des cigarières de la Manufacture des Tabacs de la Krutenau, qu’aurait pu naître le personnage de Carmen, qui allait devenir quelques années plus tard un des personnages les plus emblématiques de l’opéra européen.

Seulement, estime Michel Deneken, président de l’Université de Strasbourg, à l’occasion de l’inauguration du nouveau pôle G2EI, la tumultueuse histoire d’amour d’une cigarière strasbourgeoise, ce n’est pas forcément très « vendeur », l’amour fût-il lui-même « enfant de bohème ». Et donc Mérimée aurait transporté la scène sous le soleil brûlant de Séville… L’hypothèse est magnifique, mais cependant « fort ténue », estime Michel Arrous.

Jean de MISCAULT