Grand Est Paru le 22 décembre 2023
COMITÉ DE BASSIN RHIN-MEUSE

Validation du plan d’adaptation au changement climatique

Le comité de bassin Rhin-Meuse vient de valider son nouveau plan d’adaptation et d’atténuation au changement climatique pour les ressources en eau. Ce plan poursuit dix objectifs pour une gestion résiliente et durable de la ressource en eau.

Le vote unanime des élus du comité de bassin de l’adoption du Plan d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. © AERM N. Leblanc

Intensité des crues, accentuation de l’étiage, réchauffement de l’eau, impact sur le peuplement piscicole etc., le changement climatique a une influence sur l’ensemble du cycle de l’eau provoquant des perturbations qui affectent la nature comme les individus. Le co­mité de bassin Rhin-Meuse est amené à prendre en compte tous ces phénomènes pour ajuster et adapter sa politique de gestion de l’eau. De ce fait, lors de sa session du 24 novembre, et pour le premier comité de bassin présidé par Audrey Bardot qui a succédé à Claude Gaillard, un vaste plan d’adaptation et d’atténuation au changement climatique (PAACC) pour les ressources de l’eau a été adopté. Il faut reconnaître que les récents événements climatiques, avec les inondations dans les Hauts-de-France, donnent raison au comité de bassin d’anticiper en prenant à bras-le-corps ce problème.

Des impacts déjà quantifiables

Ce plan concret est structuré autour de dix objectifs pour une gestion résiliente et durable de la ressource en eau. Il dresse également la trajectoire de sobriété en eau qui sera à décliner à l’échelle de chaque sous-bassin versant afin d’atteindre un objectif global de réduction de 10% des prélèvements à l’horizon 2030 par rapport à ce qu’ils étaient en 2019. De fait, une moyenne des prélèvements a été calculée entre 2018 et 2020 afin de ne pas pénaliser l’agriculture, dont les besoins sont fortement tributaires des conditions climatiques.

Le changement climatique et ses impacts sur la ressource en eau et les milieux aquatiques sont déjà quantifiables sur le bassin Rhin- Meuse : demande évaporatoire supplémentaire de près de 20% sur la période 2000-2022 par rapport à la période de référence 1960-1990, stress hydrique accru de 50% et diminution de la quantité d’eau disponible pour les eaux superficielles et souter­raines (-15% soit 2 milliards de m3 par an). Ce constat est valable pour tout le bassin Rhin-Meuse mais il est particulièrement marqué dans le sud du massif vosgien, dont les débits estivaux des cours d’eau ont baissé de 30 à 40%, voire plus dans certains secteurs, malgré la très forte pluviométrie observée sur les sommets jusqu’à 1800 millimètres.

« Posez les enjeux »

La présidente Audrey Bardot a salué le travail mené par la commission de planification. « Fruit d’un travail collectif de plusieurs mois ayant associé des membres des différents col­lèges du comité de bassin, des représentants de l’État et de ses opérateurs et autres acteurs, le Plan pose les enjeux eau et climat auquel le bassin Rhin-Meuse doit d’ores et déjà faire face et propose des mesures d’adaptation et d’atténuation pour la gestion de l’eau tout en ambitionnant de rendre plus concrètes et opérationnelles le panel d’actions pouvant être mises en oeuvre. »

« Un document que chacun puisse s’approprier »

Marc Hoeltzel, directeur général de l’Agence de l’eau Rhin-Meuse insiste sur le défi climatique : « L’ampleur du défi climatique nécessite une transformation profonde de nos modes de vie de production, de consommation et d’aménagement. Il est primordial d’appréhender le problème dans son ensemble et surtout d’éviter la mal-adaptation ou les fausses bonnes idées. S’adapter sans tenir compte de notre empreinte carbone, c’est prendre le risque de dérégler le climat au point de rendre toute tentative d’adaptation vaine. S’adapter, c’est non seulement faire preuve de résilience face aux événements extrêmes comme les orages, les crues, les canicules, mais aussi anticiper les changements tels le réchauffement, la diminution des recharges de nappes, et préserver la capacité d’adaptation future. » De son côté Delphine Michel, présidente de la Commission Planification reste modeste sur le travail accompli mais déterminée à agir : « Nous avons voulu proposer un document que chacun puisse s’approprier. Nous avons la capacité d’agir à différentes échelles. Même si le travail est d’importance, les solutions existent. Restons humbles mais agissons. »

Dix objectifs, trois critères

Dans cette optique et pour apporter une réponse systémique à l’urgence climatique, 10 objectifs concrets liant eau et climat ont été établis sur la base de trois critères : l’atténuation, l’adaptation et la transversalité. Avec ce plan d’adaptation et d’atténuation, le Comité de bassin Rhin-Meuse souhaite aller au-delà de la transition et porter cette transformation, la rendre visible, imaginable, désirable, et enfin réalisable ! En d’autres termes, ce plan doit permettre de mettre en oeuvre un aménagement du territoire, un modèle de société permet-tant de réduire la pollution et la dépendance à l’eau en promouvant les solutions fondées sur la nature et la sobriété et en s’appuyant sur la concertation et la solidarité entre villes et campagnes.

• Atténuer le changement climatique

Objectif 1 : Réduire la vulnérabilité des territoires aux risques d’inondation et de coulées d’eau boueuse. Aujourd’hui, sur le bas-sin Rhin-Meuse, près de 40% de la population est potentiellement concernée par des risques d’inondation. Ralentir les écoulements, retenir l’excès d’eau et améliorer l’infiltration de l’eau dans les sols sont les priorités de cet objectif. 

La commission met en exergue l’exemple du Grémillon, cours d’eau qui traverse les secteurs très urbanisés de Nancy (54), le­quel a engendré d’importantes inondations. Sous l’impulsion de la Métropole du Grand Nancy, un programme d’aménagement a été mis en place conciliant les enjeux hydrauliques et écologiques. Le cours d’eau a été renaturé, des zones de rétention ont été créées dans les zones agricoles, ce qui a permis de réduire les dommages causés par les crues, d’améliorer le cadre de vie et de reconquérir la biodiversité dans un contexte de zone urbanisée très peuplée.

Objectif 2 : Réduire la vulnérabilité des territoires aux sécheresses et la dépendance de la société à l’eau par la sobriété. Pour lutter contre toutes les formes de sécheresse, il est primordial de réduire les prélèvements en fonction de l’évolution de la ressource en eau, d’accompagner tous les usagers vers une réduction de la consom­mation d’eau, de favoriser le stockage de l’eau dans les sols ou dans les nappes afin de limiter l’évaporation et désartificialisation des sols. Pour réussir la trajectoire de sobriété à l’échéance 2030, le Comité de bassin Rhin-Meuse encourage l’organisation d’une large concertation au niveau des 34 sous-bassins élémentaires du territoire à l’appui des instances de gouvernance existantes, et ce en partenariat avec les acteurs institutionnels.

Objectif 3 : Renforcer la préservation et la reconquête de la qualité des ressources en eau. Malgré les efforts réalisés pour améliorer la qualité des eaux, les activités agricoles, industrielles et domes­tiques ont un impact sur la dégradation de la qualité des eaux superficielles. De plus, la contamination des eaux souterraines par les nitrates et les pesticides est généralisée et peut être localement importante. Protéger les captages d’eau potable, réduire les pol­luants (pesticides et biocides) et privilégier les systèmes agricoles, industriels et forestiers à faible impact sur l’eau et le climat est la priorité de cet objectif.

La Commission Planification cite l’exemple de la commune de Loisy (54) qui déploie une politique dynamique de protection des captages d’eau potable (achats fonciers, surface en agriculture bio, désherbage mécanique, agroforesterie.)

Objectif 4 : Préserver et restaurer les écosystèmes et reconnaître les services rendus. L’homme reste le principal responsable des impacts sur la biodiversité : destruction des habitats, perturbation des équilibres naturels, intensification des pratiques agricoles, forestières. Plus que jamais il faut limiter son impact et créer toutes les conditions favorables à une adaptation réussie, via des habitats fonctionnels et diversifiés.

Le syndicat mixte de la Seille (57) a engagé dans ce sens un pro­gramme ambitieux pour restaurer la dynamique et la fonctionnalité du cours d’eau de la Seille : création de méandres, remodelage du cours d’eau, aménagement de banquettes alternées pour diversifier les écoulements où les espèces aquatiques reviennent cohabiter.

• S’adapter au climat

Objectif 5 : Développer une politique de l’eau qui contribue à l’at­ténuation. Il s’agit de réduire l’empreinte carbone des actions pour la gestion de l’eau et des milieux aquatiques et contribuer ainsi à la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui vise la neutralité carbone à l’horizon 2050 et la réduction de l’empreinte carbone de la consommation des Français.

Des pistes d’amélioration ont été engagées par le Syndicat des eaux et de l’assainissement Alsace-Moselle (67), lequel a réalisé en 2013 une étude de performance énergétique sur les 2 grandes stations d’épuration, Valff et Saverne. Sur le site de Saverne plusieurs actions ont été menées, comme la pose de compteurs divisionnaires et l’installation d’équipements plus performants et économes. Cela a permis de réduire de 15% les consommations d’énergie de la station.

Objectif 6 : Développer une politique énergétique compatible avec la préservation des ressources en eau. L’objectif principal est de décarboner complètement la production d’énergie utilisée à l’horizon 2050 et de promouvoir une transition énergétique qui ne dégrade pas les ressources en eau et les milieux aquatiques, voire qui contribue à les préserver. En effet, le développement de certaines énergies renouvelables ou de certains transports alternatifs interrogent en raison de leurs besoins en eau et leur impact sur les milieux aquatiques (agro-carburants, hydroélectricité, géothermie, exploitation forestière, photovoltaïque…)

• Miser sur la transversalité pour combiner adaptation et atténuation

Objectif 7 : Accroître les surfaces de sols vivants, réserves d’eau et de carbone. Le sol joue un rôle central au sein des systèmes climatiques et aquatiques. Second plus grand réservoir de carbone, il permet également l’infiltration et la rétention d’eau, la rétention et la dégradation des polluants et réduit l’érosion et le ruisselle­ment. Il est primordial de prendre en considération les sols dans l’aménagement et de promouvoir la végétalisation, notamment en zones urbaines. Il est également possible d’accroître le potentiel de stockage en eau et en carbone des sols en privilégiant les écosystèmes et systèmes agricoles et forestiers qui contribuent à cet objectif (zones humides, agroforesterie, prairie permanentes…)

La Commission cite l’exemple réussi sur une exploitation de 260 hectares à Graffigny-Chemin (52), 220 hectares sont des prairies temporaires en rotation. Ces surfaces en herbe ont permis de diviser par deux l’utilisation des produits phytosanitaires et de gagner en autonomie fourragère. Une approche partagée par le groupement d’intérêt économique et écologique « Pâturages lait d’avenir » qui réunit 10 exploitants.

Objectif 8 : Faire de l’eau un levier d’action pour la santé et une source de bien-être. Le changement climatique aura des impacts directs sur la santé physique (augmentation des risques de maladie et de handicap) et mentale (éco-anxiété). Les actions menées pour la préservation des ressources en eau peuvent être un levier pour la santé. Privilégier l’agriculture biologique et l’élevage à l’herbe permet notamment et favorise une alimentation saine pour l’homme et moins impactante pour l’eau et le climat.

L’exemple mis en avant par la Commission est celui de l’EHPAD de Castel Blanc à Masevaux dans le Haut-Rhin. Il est depuis plu­sieurs années engagé dans la démarche « Commune et Espace Nature ». Aménagement d’espaces paysagers, suppression des phytosanitaires, récupération des eaux de pluie pour arroser les fleurs, valorisation de zones de biodiversité au sein de l’EHPAD.

Objectif 9 : Développer une gestion de l’eau garante d’une transition juste. Le changement climatique ne touche pas l’ensemble de la population de la même façon. Les personnes les plus défavorisées sont celles qui sont les plus exposées aux événements extrêmes et qui auront le plus de difficultés à s’adapter pour se protéger des risques à venir. Un arbitrage juste dans le partage de l’eau et les restrictions d’eau est un préalable à l’acceptation des règles par les populations en période de crise.

Objectif 10 : Connaître et faire connaître les enjeux du savoir. L’ampleur du changement climatique à venir et l’ampleur des changements structurels et transformations à mener rendent dif­ficile la prise de décision et le passage à l’action. Par l’éducation et la connaissance, par le débat public et le partage des constats et solutions, la société sera en mesure de créer des outils adaptés et de passer à l’action.

À l’exemple de la mise en place d’un observatoire des tourbières et des plans d’eau sur le réseau des réserves naturelles des Hautes-Vosges. L’objectif est de mesurer sur le long terme les paramètres climatiques et leurs évolutions ainsi que les incidences sur la qualité de l’eau, sur la biodiversité et sur la fonctionnalité de ces milieux.

Un mot d’ordre, la sobriété globale

La trajectoire de sobriété établie pour le bassin Rhin-Meuse s’appuie sur l’analyse des tendances d’évolution des prélèvements issues de données de redevances de l’agence de l’eau, sur l’évolution des facteurs susceptibles d’influencer les prélèvements ainsi que les actions envisagées pour les limiter.

Afin de réduire de 10% les prélèvements à l’horizon 2030, voici les objectifs par usages de l’eau :

- Canaux de navigation : -11%

- Eau potable : -11%

- Industrie : -10%

- Énergie : -10% à l’échelle du parc nucléaire français

- Agriculture : Conserver une stabilité globale des prélèvements, avec des baisses à prévoir dans les territoires en tension, tout en tenant compte des droits d’eau dont bénéficient certains agricul­teurs alsaciens.

Cela représente une économie globale de 168 millions de mètres cubes annuels à l’horizon 2030 (hors énergie). Assurément pour son premier comité de bassin, Audrey Bardot a engagé le fer avec le changement climatique, bien aidée par une commission qui a su faire de la pédagogie avec pas mal de pragmatisme. L’initiative revient désormais aux acteurs institutionnels que sont en particulier les collectivités pour agir concrètement dans le souci de préserver la ressource en eau.

Voir aussi sur www.eau-rhin-meuse.fr

Le budget 2024 de l’Agence de l’eau

Le budget prévisionnel 2024 de l’Agence de l’eau a été adopté par le conseil d’administration le 23 novembre dernier. « Un budget ouvert à l’action » précise le conseil d’administration. Ce budget propose toujours les mêmes opportunités d’action en matière de transition écologique avec une augmentation de 20% pour les dotations de l’enveloppe Interventions en cette dernière année du 11e programme d’intervention (2019-2024).

• En dépenses relevons les 14,2 M€ pour le personnel, les 4,9 M€ pour le fonctionnement (au 7 novembre 2023), pour les aides accordées aux interventions 229,9 M€ et enfin 3 M€ pour l’investissement.

• Les recettes proviennent des redevances pour 172,79 M€ et 7,31 M€ d’autres recettes.

 

Nappe des (GTI) grès du trias inférieur

Le conseil d’administration de l’agence de l’eau a accueilli avec satisfaction le nouveau contrat de territoire Eau et Climat « Nappes préservées, Terre d’eau engagée » liant l’agence de l’eau, le SIE de Bulgnéville et de la Vallée du Vair, les villes de Vittel et de Contrexéville et la communauté de communes Terre d’Eau. Cet engagement scelle la poursuite de la dynamique et le renforcement de la stratégie impliquant aujourd’hui les collectivités. Le conseil d’administration a souhaité souligner cette cohérence d’actions et saluer le travail d’ensemble porté depuis plusieurs années et visant l’objectif ambitieux de régénération de la nappe.

Bernard KRATZ