Grand Est Paru le 16 janvier 2024
INNOVATION

Mines Nancy accompagne l’Armée de l’Air

C’est un partenariat inédit, Mines Nancy accompagne l’Armée de l’Air et de l’Espace dans la création d’un système de surveillance périmétrique en appui aux équipes de protection.

Le robot ARGOS en action sur le terrain à la base aérienne de Nancy- Ochey.

Le robot ARGOS en action sur le terrain à la base aérienne de Nancy- Ochey.

C’est un domaine où l’on n’attendait pas forcément l’école des Mines Nancy : celui de la sécurité. Expert en robotique et en intelligence artificielle, le TechLab Mines Nancy concrétise son engagement auprès de l’Armée de l’Air et de l’Espace en l’accompagnant sur le développement du système ARGOS (Acquisition, reconnaissance et gardiennage par observation robotisée) : un outil complet dédié à la surveillance périmétrique et à l’investigation de bâtiments piloté et au service des équipes.

La technologie en renfort

Aujourd’hui la ressource humaine en protection bénéficie des ap­ports de la technologie notamment en Intelligence artificielle (IA) et en robotique afin de faciliter la réalisation de tâches récurrentes de façon autonome comme les rondes et missions de veille, ré­servant ainsi les activités à plus haute valeur ajoutée aux équipes humaines pour une parfaite complémentarité Homme/Machine. Le robot n’intervient jamais directement, mais a pour rôle d’attirer l’attention d’un opérateur humain et de lui fournir des informations utiles pour l’aider à intervenir si nécessaire.

« L’innovation dans les armées est plus que jamais un outil permet­tant la résilience de nos emprises. Face à la numérisation et aux outils qu’elle génère, la capacité de détection, de géolocalisation et de caractérisation d’intrusion sur une emprise nationale est au­jourd’hui plus que nécessaire pour s’adapter et raccourcir la boucle décisionnelle » affirme le Colonel Richard Désumeur, chef de la cellule innovation de l’État-major de l’Armée de l’Air et de l’Espace.

ARGOS : pour la protection des bases aériennes

Alors comment est né ce partenariat inédit ? Justement, pour répondre à ce besoin d’innovation dans les armées, Mines Nancy via son TechLab s’est associé à l’Armée de l’Air et de l’Espace et à la Base Aérienne 133 de Nancy-Ochey pour développer un sys­tème de surveillance périmétrique et d’investigation de bâtiments, baptisé ARGOS. Formalisé par un partenariat qui se veut pérenne, le projet ARGOS a pour ambition de soulager la charge cognitive de ses utilisateurs.

« Le système ARGOS, construit autour d’un robot quadrupède ; est une plus-value indéniable pour la protection et la défense d’une base aérienne car il permet un déplacement quasi tout-terrain, dispose d’une capacité de détection accrue et d’une aptitude à l’évolution sous menace. De plus, le développement de son intel­ligence artificielle permet une certaine autonomie qui soulagera la charge mentale de son opérateur » indique le Colonel Olivier Fix, commandant de la base aérienne 133 de Nancy-Ochey.

L’utilisation de l’intelligence artificielle

Pour Jean-Baptiste Wiart, ingénieur au sein du TechLab de Mines Nancy « la principale innovation mobilisée dans ce projet est l’utili­sation de l’intelligence artificielle pour la détection d’anomalie dans un périmètre donné : cela peut aller de la détection de personne, de sa posture ou encore la détection de trou dans les grillages. L’intelligence artificielle embarquée sur le robot va analyser son environnement à partir d’images ou de vidéos. L’IA va alors se concentrer sur les points clés et analyser de manière efficace et précise les données récoltées afin d’avertir les équipes d’une situation particulière. »

« Le système IA ARGOS : une plus-value »

Le commandant de la base aérienne 133 Nancy-Ochey ne s’y est pas trompé : « La transformation numérique permet d’envisager une boucle décisionnelle plus courte dans les domaines de détec­tion, géolocalisation et caractérisation d’intrusion sur une emprise militaire. Le système IA ARGOS est une plus-value indéniable pour la SECPRO d’une base aérienne à condition de l’employer dans son champ de compétences : aptitude à l’évolution sous menace, déplacement tout terrain, capacité de détection accrue. L’ambition est de porter la base comme terrain d’expérimentation nationale en matière d’expérimentations de drone terrestre sur la surveillance d’emprise » explique le commandant Rémy Sanchez de la BA133.

Une technologie éthique

Sur la question controversée de l’utilisation de l’intelligence artificielle les responsables de Mines Nancy et de l’Armée de l’Air tiennent à faire une mise au point claire : « cette collaboration est basée sur une utilisation éthique et maîtrisée de l’intelligence artificielle et de la robotique, sans que le robot ne remplace les métiers mais intervienne en fonction support. »

Et pour enfoncer le clou les acteurs de ce rapprochement détaillent quelques atouts de ARGOS :

- La détection caractérisation-identification-classification : Associé à une boule optronique de haute qualité, ARGOS peut aujourd’hui détecter un humain debout. L’entraînement de l’IA sur l’imagerie spécifique permet d’améliorer sa fiabilité de détection tout en allant jusqu’à la classification (ami, présumé ami, neutre, inconnu, suspect hostile) et la caractérisation (personne armée, en tenue camouflée, cherchant à se dissimuler). Cet entraînement logiciel passe par de nombreux tests en terrain réel, réalisés sur la BA133 de Nancy-Ochey. D’autres évolutions sont envisagées comme la détection acoustique via des capteurs pour détecter et localiser une menace non visible.

- Liaison de données audio-vidéo : Semi-autonome ARGOS doit pouvoir transmettre ses informations à l’opérateur humain. Les flux vidéo requièrent une bande passante importante et une sécurité de l’information robuste.

- Liaison de donnée tactique : Les informations sur l’extraction de position des objets détectés et les positions amies doivent elles-aussi pouvoir remonter au PC protection, à l’opérateur au contact et au PC crise en cas de besoin. Des situations de gestion de situation tactique déjà développées par l’Armée de l’Air peuvent permettre de réduire les coûts en ne développant qu’une passerelle entre les systèmes.

- Charge NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique) : L’ajout d’un détecteur chimique ou radio, simple à mettre en place, permet d’utiliser le système ARGOS dans un milieu inhospitalier.

- Bras robotisé : Le bras robotisé permettrait à ARGOS d’interagir avec son environnement comme manipuler des portes, soulever des masques et traiter des colis piégés. Il serait ici envisageable d’utiliser le robot en observation d’un colis suspect à distance, au profit de la primo intervention du personnel qualifié.

- Détection de départ de coup : L’emport d’un système acoustique de localisation de tirs est en cours d’intégration et s’appliquera en priorité aux théâtres d’opération.

- Tactiques : Le robot peut prendre des renseignements face à une menace (prise d’otage, colis suspect) en cas de suspicion de danger et alimenter en information les équipes qui restent ainsi en sécurité.

Ce travail valorise de façon remarquable une collaboration entre des équipes de recherche et une entreprise, une société voire une institution comme l’Armée : Un partenariat réussi entre acteurs exclusivement publics.

Bernard KRATZ