• Accueil
  • Grand Est
  • Les viticulteurs de l’AOC Moselle, de l’IGP Côtes de Meuse et de l’AOC Côtes de Toul, réveillent les Vins de Lorraine
Grand Est Paru le 23 janvier 2024
VITICULTURE

Les viticulteurs de l’AOC Moselle, de l’IGP Côtes de Meuse et de l’AOC Côtes de Toul, réveillent les Vins de Lorraine

« Côtes à Côtes » c’est sur ce slogan que les viticulteurs de l’AOC Moselle, de l’IGP Côtes de Meuse et de l’AOC Côtes de Toul s’unissent pour dynamiser le plus petit vignoble de France et réveiller les Vins de Lorraine.

Les représentants des Côtes de Meuse Renaud Pierson (à gauche), de l’AOC Moselle, Norbert Molozay au centre, et à droite Stéphane Vosgien qui porte un chapeau, de l’AOC Côtes de Toul.

 Ils se sont retrouvés, l’automne dernier, au cœur du vignoble cen­tral des Côtes de Toul. Norbert Molozay, président des vignerons mosellans et représentant l’AOC Moselle, Renaud Pierson de l’IGP Côtes de Meuse et Stéphane Vosgien de l’AOC Côtes de Toul. La Moselle, le Toulois et les Côtes de Meuse, aussi divers soient leurs vins, abritent bien des Vins de Lorraine. Les vignerons de Lorraine se tiennent côte à côte, qu’ils ont conjugué au pluriel : Côtes à Côtes ! Toutes et tous ont bien adopté l’esprit de la région : ténacité, application, discrétion. Un peu trop de discrétion sans doute, d’où ce rapprochement. « Ils travaillent leurs terres, leurs vignes et leurs vins avec un caractère qui leur est propre, mais ils ont conscience qu’ils défendent ensemble un terroir exceptionnel » détaille le communiqué. Un terroir d’alternance de plateaux ondu­lés et de plaines de prairies, de buttes et de forêts de feuillus. Un terroir drainé par les cours d’eau de la Meuse, de la Moselle et de leurs affluents. Ce terroir de côtes, fertile et à la longue tradition viticole, abrite un vignoble de passionnés : une jeune génération de viticulteurs qui reprend les exploitations avec beaucoup de dynamisme et d’enthousiasme. D’où l’obtention de l’AOC Côtes de Toul en 1998, de l’IGP Meuse et de l’AOC Moselle en 2011.

« Se faire connaître à l’extérieur de la région »

Entre Alsace, Bourgogne et Champagne, il n’est pas évident de se faire une place sur la planète viticole française. Et pourtant la Lorraine est l’un des plus septentrionaux vignobles français en AOC et IGP. Il produit près d’un million de litres par an. Avec en prime l’incontestable originalité des vins gris, mais aussi des blancs, rosés ou rouges, autant de vins de Lorraine de grande qualité. La cinquantaine de viticulteurs exploitants produisent 75% de vins en bio ou en biodynamie soit plus des 2/3 du vignoble lorrain, une avance significative sur leurs homologues des autres régions. Cultivés sur des côtes aux sols argilo-calcaires et fertiles, les cépages pinot ou gamay et l’auxerrois, cépage historique né en Lorraine à Laquenexy, sont particulièrement adaptés au climat semi continental. C’est donc l’occasion de mieux faire parler des vins de Lorraine.

Norbert Molozay ne s’en cache pas : « Ce rapprochement est bien une opération de communication. Au lieu de communiquer chacun dans son coin, même si chacun continue à le faire, on a choisi de communiquer ensemble sur les vins de Lorraine. C’est plus facile quand on est à l’extérieur de la région de se faire connaître et re­connaître comme des vins de Lorraine. C’est plus simple ensuite de décliner chaque appellation de l’AOC Moselle, de l’AOC Côtes de Toul et des vins des Côtes de Meuse. » Ce rapprochement, soutenu par la Région Grand Est, devenait une nécessité car si la Lorraine est connue, le vignoble lorrain l’est moins. Et le vigneron du Château de Vaux estime du reste « que la notoriété sur le mot Moselle en matière de vin n’est plus à faire. On parle aisément des vins de Moselle, parce qu’ils englobent aussi les vins de Moselle luxembourgeois et allemands, dont les vignobles sont très connus et surtout d’une grande surface. À l’étranger les gens savent que la Moselle c’est un pays de vigne. » Un pas de plus pour les pétillants de Lorraine Ce rapprochement constitue une étape importante dans la reconnaissance des vins mousseux à l’horizon 2024. Les trois départements viticoles de Lorraine (Meurthe-et-Moselle, Moselle et Meuse) ont déposé en 2021 un dossier de demande de reconnaissance en IGP Lorraine pour les vins mousseux, une récompense qui a vocation à valoriser la méthode traditionnelle lorraine. Ces vins pétillants lorrains sont hérités d’une longue tradition en Lorraine. Ils sont produits depuis le XIXe siècle dans les trois départements et se déclinent en trois couleurs. La démarche est en cours et devrait être validée au niveau international en 2024. Ces vins présentent de nombreuses bulles fines et se caractérisent par un profil vif et frais, avec une persistance en bouche que confèrent les cépages mis en œuvre dans les assemblages. Les vins rosés ont une robe saumonée à pivoine soutenue, parfois cuivrée et révèlent des notes de petits fruits rouges. (Production 20%)

Les vins blancs ont une robe jaune pâle à dorée soutenue et leur palette aromatique varie entre des notes de fleurs blanches, d’agrumes et de fruits jaunes. (Production 70%)

Les vins rouges ont une robe rouge cerise à grenat et des arômes de fruits rouges mûrs parfois confits et compotés. (Production 5%)

« C’est une étape avant de faire le dossier de demande de l’ap­pellation Crémant de Lorraine d’ici quelques années. En attendant on pourra les commercialiser sous l’appellation IGP de Lorraine. Là aussi c’est pour avoir une reconnaissance à l’international » assure Norbert Molozay.

Une longue tradition viticole en Lorraine

Le saviez-vous ? À la fin du XIXe siècle, le vignoble lorrain comptait près de 40 000 hectares, trois fois plus qu’en Alsace à la même époque. Issue de plusieurs siècles d’expansion, la culture des vignes constituait la principale richesse de la Lorraine. Mais avec les guerres et les maladies, l’essor des brasseries, le départ des ouvriers agricoles vers l’industrie, l’arrivée de la concurrence des vins du Sud en 1939, le vignoble ne comptait plus que 39 000 hec­tares. Il n’en restera plus que 400 après la guerre.

La renaissance du vignoble est le fait de quelques vignerons pas­sionnés. À la faveur d’autorisations de plantation obtenues grâce aux efforts constants de quelques familles de vignerons et de pas­sionnés ayant repris les exploitations, on peut dès lors parler d’une véritable renaissance du vignoble lorrain. Terre de passage et terre d’accueil, la Lorraine abrite une jeune génération qui reprend les exploitations d’envergure familiale avec beaucoup de dynamisme.

Un vignoble à développer

Ce travail a porté ses fruits : l’obtention de l’AOC Côtes de Toul en 1998, l’IGP (Indication géographique protégée) Meuse et l’AOC Moselle en 2011. Un résultat qui confirme la qualité des vins produits. Les professionnels de la vigne restent concentrés sur la connaissance et le respect du terroir. La cinquantaine de viticul­teurs exploitants se connaissent tous et participent ensemble à la meilleure reconnaissance de leur travail.

Reste désormais à développer chacun de ces vignobles en aug­mentant la surface foncière des vignes et accueillir des candidats vignerons. « C’est toute la difficulté. Il faut susciter des vocations. Surtout que le foncier est encore assez facile à acquérir notam­ment dans la Meuse et les Côtes de Toul » affirme encore Norbert Molozay. Ce dernier imagine bien créer à l’avenir, avec ses homo­logues Stéphane Vosgien (Côtes de Toul) et Renaud Pierson (Côtes de Meuse) une fête des vins de Lorraine à l’instar de la fête des vins de Moselle chaque printemps. Du reste en 2024 sera programmée la 10e fête des vins de Moselle.

Le vignoble mosellan s’étend sur plus de 80 ha et rassemble 16 vignerons sur 18 villages. La production : 10% de rosé, 60% de blanc et 30% de rouge.

Les vignobles dans le détail : Arnaud Pierson des Côtes de Meuse : « terroir intéressant pour le pinot noir »

Les vins de Meuse sont en IGP depuis 2011. Pour autant, Arnaud Pierson, président des vignerons de Meuse n’ambitionne pas de passer en AOC. « Je pense qu’on ne le fera jamais parce que c’est bien trop contraignant, en matière de cépages notamment, c’est ce que vivent nos collègues de Toul et de Moselle, alors que nous, en IGP restons beaucoup plus libres. » La démarche sur les vins de Lorraine lui semblait naturelle. « On travaille déjà beaucoup ensemble avec les trois vignobles, on avait le même souci : nos vins mousseux n’étaient pas reconnus. Plutôt que de partir chacun dans son appellation propre, on a choisi de travailler ensemble surtout que nous avons des façons de faire similaires. Nous étions partis sur un crémant de Lorraine, mais c’est compliqué. Une première étape en IGP c’est déjà pas mal. On va déjà faire fonctionner cette appellation IGP. » Une appellation vin mousseux qui s’élar­git à d’autres communes dans la Meuse, notamment du côté de Bar-le-Duc. « Ce plan de communication Vins de Lorraine nous donne plus de visibilité. On cherche à obtenir une reconnaissance, être reconnue sur une carte des vins de France, car les Vins de Lorraine y ont leur place. » Pour Renaud Pierson, la Meuse est bien une terre de blancs mais « nombre de vignerons se distinguent en faisant du pinot noir. De belles cuvées à la bourguignonne. Nos vins rouges sont très intéressants avec des vins puissants qui ont de la matière. » Alors quel potentiel pour ce vignoble meusien ? « En fait, le potentiel de développement vient surtout des hommes. Il faut trouver des vignerons, car des terres avec un potentiel intéressant il y en a beaucoup, le foncier est abordable : encore faut-il savoir les travailler, en avoir envie, être passionné. » Enfin les Côtes de Meuse profitent des nombreux touristes qui sillonnent le département pour bien écouler leur production, notamment auprès d’une clien­tèle étrangère de proximité, belge, hollandaise, luxembourgeoise.

L’IGP Côtes de Meuse regroupe 6 vignerons et 15 villages au sein du Parc régional de Lorraine pour près de 40 hectares de vignes. L’IGP Côtes de Meuse comprend des blancs (60%), des rosés (10%) et des rouges (30%) à base de pinot noir de très belle qualité.

Stéphane Vosgien des Côtes de Toul : « un vrai savoir-faire lorrain pour les mousseux »

Le vin des Côtes de Toul a été le premier à passer en AOC en 1998. « Ce rapprochement est venu d’un besoin de communiquer ensemble, car nous avons une identité commune. On aura plus d’impact à l’échelle régionale. Et ça donne plus de visibilité à l’en­semble des trois vignobles. Pour ce qui est des vins mousseux, la procédure de l’IGP Mousseux de Lorraine était plus simple que celle d’une AOC Crémant de Lorraine. Et ça concrétise le travail de quelques années. On ira certainement plus tard vers l’appellation crémant de Lorraine. Le savoir-faire de la méthode traditionnelle pour les mousseux, on le possède, on le maîtrise. Cette méthode possède une histoire en Lorraine. » Comment explique-t-il le développement du vignoble toulois ? « Cela fait 25 ans que nous avons l’AOC. Les conditions d’élaboration, la rigueur du travail des vignerons étaient déjà acquises. Aujourd’hui la qualité des vins de Toul n’est plus remise en question. Mais il faut reconnaître qu’il a fallu du temps pour faire prendre conscience de la qualité de ces vins. Aujourd’hui les vins de Toul sont connus bien au-delà de la Lorraine. Et puis nous avons le Gris de Toul. Pour ce qui est du potentiel de développement, pour le foncier, il est de 600 ou 700 hectares comme en Moselle. Et nous en avons 120 ha plantés. Il y a encore de la place. Un travail sera entrepris pour installer de nouveaux viticulteurs. Comme en Moselle, nous avons créé un GFA, un groupement foncier agricole, afin de faciliter l’installation de nouveaux venus. »

L’AOC Côtes de Toul possède une aire de production de 120 hectares et regroupe 8 villages et 14 vignerons le long d’un axe nord-sud à l’Ouest de Toul. La star et la grande particularité de cette AOC sont les vins gris, emblématiques de l’appellation, issus de l’assemblage de gamay, pinot noir ainsi que d’auxerrois. Un vin frais, élégant et vif qui accompagne à merveille pâté lorrain ou quiche lorraine.

La production 60% de gris et rosé, 20% de blanc, 20% de rouge.

Bernard KRATZ