Grand Est Paru le 19 avril 2024

Manuloc prend le virage de la transition écologique

Manuloc, société experte de la vente et de la location de matériels de manutention de Woippy que dirige Catherine Barthélemy, change de stratégie. Elle lance une solution dédiée au conseil et à la location financière d’actifs de décarbonation, comme des panneaux solaires, pompes à chaleur etc. Interview de son directeur général Johann Peyroulet.

Catherine Barthélemy, présidente de Manuloc, société implantée à Woippy près de Metz.

Fort de 60 ans d’expérience, Manuloc compte aujourd’hui 1100 salariés dont 750 experts techniques et réalise un chiffre d’affaires de 430 M€ en 2023. L’entreprise française implantée à Woippy est spécialisée dans la location et la vente de matériels de manutention, dont elle est devenue un leader sur ce marché. Elle dispose d’un parc en propre d’environ 23 000 matériels. Manuloc se différencie des autres acteurs du marché par sa capacité à pro­poser un panel de produits et services innovants ainsi que par sa démarche visant à offrir une durabilité optimale sur ces différents matériels. Sous la houlette de Catherine Barthélemy, l’emblématique présidente de la société, Manuloc change de stratégie, ou plutôt élargit son champ de compétences pour accompagner ses clients dans leurs efforts de décarbonation. En effet, Manuloc s’apprête à réaliser une opération de croissance externe qui représente un virage majeur et avant-gardiste, pour accompagner la structuration d’un nouveau marché.

« Une prestation diversifiée… »

« Avec l’évolution du marché et les transitions relatives aux énergies renouvelables, il est apparu primordial de pouvoir étendre notre expertise sur le leasing afin de pouvoir répondre aux attentes des acteurs ayant besoin de s’équiper sans forcément être frei­nés par un investissement financier de départ qui peut impacter leur trésorerie. Ainsi, nous continuerons d’accompagner nos clients tout en proposant une prestation diversifiée qui contribue à réduire leur empreinte environnementale » affirme Catherine Barthélemy. Est-ce à dire que Manuloc change de métier ? Catherine Barthélemy tient à rappeler que son entreprise vient de réaliser ces cinq dernières années une croissance de 30% et qu’elle compte bien poursuivre pleinement son activité sur ce marché de la location d’engins de manutention dans lequel elle excelle. Mais elle anticipe en se diversifiant. Une diversification dans l’air du temps, celui de la transition écologique, de la décarbonation. « L’acquisition de cette entreprise financière va nous ouvrir de nouveaux horizons. » On ne saura pas le nom de cette société avant d’avoir obtenu le feu vert des autorités de la concurrence.

Des solutions de financement locatif

Le champion de la location interviendra en tant qu’expert et ses activités ne se limitent plus uniquement à la location-maintenance de matériels. Manuloc propose désormais également des solu-tions de financement locatif de matériels de décarbonation. Par exemple, les équipements de production d’énergie renouvelable, les équipements de stockage stationnaire d’électricité, les chargeurs intelligents et bien d’autres choses encore, viendront enrichir le panel de solutions pour lesquelles Manuloc proposera d’accompa-gner ses clients dans le choix et le financement de ces dernières.

En phase avec les attentes du marché

Alors que la transition énergétique et la consommation raisonnée de l’énergie sont au centre des préoccupations des entreprises investies dans une démarche de décarbonation, Manuloc franchit donc un cap supplémentaire et s’apprête à lancer sa structure dé­diée à la location d’équipements et matériels destinés à améliorer l’impact environnemental de ses clients.

Aujourd’hui la structuration du propre parc de Manuloc dresse un constat évident : 70% du matériel est loué contre 30% qui est acheté. Avec le développement de sa solution Manuloc Énergies et les études de marché menées à bien, Manuloc a détecté de nouveaux besoins : les entreprises désireuses de s’équiper d’actifs de décarbonation nécessitent une prestation de conseil sur le choix des équipements mais également une solution de financement locatif avec ou sans prestation de maintenance. Manuloc oriente sa stratégie, poussée par les attentes du marché. Grâce à cette diversification de ses activités, Manuloc vient répondre à ce besoin en proposant un accompagnement sur la sélection de ces actifs ainsi qu’un système de financement locatif (leasing, LOA, crédit-bail…) permettant aux entreprises de se doter de ces équipements tout en libérant de la trésorerie.

Une prestation de conseil minutieuse

De fait Manuloc fera dans cette nouvelle activité ce qu’elle a toujours fait depuis 60 ans. L’entreprise porte l’investissement de son client pour choisir le meilleur producteur, le meilleur fournisseur d’énergie afin de proposer le meilleur matériel sous forme de loyer. À ce jour, Manuloc n’a jamais produit le moindre engin, le moindre chariot élévateur. L’entreprise a toujours apporté son expertise dans un service pour l’industrie.

Manuloc sera capable d’apporter une prestation de conseils minu­tieuse afin de sélectionner les équipements les mieux adaptés aux besoins de ses clients pour ensuite mettre en place un système de financement avantageux ce qui leur permet de libérer de la trésorerie en évitant un investissement ponctuel conséquent.

Le Groupe propose ainsi de mettre tous types d’actifs de décarbo­nation à la disposition du professionnel qui a besoin de stocker de l’électricité, d’optimiser l’utilisation de l’énergie produite hors réseau (industriels, hôpitaux, infrastructures…) ou de réduire l’impact en­vironnemental de ses installations. Son champ d’intervention élargi lui permettra également de répondre aux enjeux RSE de ses clients.

Dans l’interview suivante aux Affiches d’Alsace et de Lorraine Johann Peyroulet, directeur général délégué de Manuloc, détaille cette nouvelle stratégie.

Johann Peyroulet, directeur général délégué de Manuloc où il travaille depuis 20 ans

Interview

Johann Peyroulet : « Notre nouvelle orientation est une diversification, pas une transformation »

Directeur général délégué, présent depuis 20 ans chez Manuloc, Johann Peyroulet évoque le changement de stratégie de l’en­treprise, l’acquisition de la nouvelle société spécialisée dans la location financière.

- Les Affiches d’Alsace et de Lorraine : Ce changement de stratégie s’apparente-t-il à une diversification de votre activité ?

- Johann Peyroulet : « Oui, c’est une diversification. Elle est très complémentaire de ce que nous faisons aujourd’hui. Aujourd’hui nous sommes un loueur opérationnel qui met à disposition des actifs, pour l’essentiel de manutention type chariot élévateur auprès de nos clients et assure une prestation de service à forte valeur ajoutée, la maintenance. Cette acquisition nous conduit à proposer pour la première fois de notre histoire uniquement de la location financière, sans service associé. La prestation principale et valeur ajoutée principale est de transformer le CAPEX (ndlr : dépenses d’investissement) en OPEX (ndlr : dépenses d’exploitation ou charges courantes pour exploiter un produit), d’éviter au client d’investir et transformer son investissement en loyer et ce sur des actifs qui ne sont plus les actifs de manutention, mais de nouveaux actifs, de décarbonation. Oui c’est une diversification, même si elle va nous permettre de proposer à nos clients existants, mais aussi à d’autres, des solutions complémentaires. »

- Avez-vous fait ce choix parce que vous êtes arrivés au taquet sur un marché mature ?

- J.P. : « Non, même si le marché est effectivement mature. En revanche, on vient de connaître une croissance moyenne de près de 7% par an ces cinq dernières années. Ce serait présomptueux de considérer que nous avons fait le plein des parts de marché et que nous ne pouvons pas continuer à conquérir et convaincre des clients. Toutefois, ce qui est très vrai, c’est que les parcs de maté­riels que nous mettons à disposition de nos clients sont toujours et davantage des parcs de matériel électrique. Et ça engendre une nouvelle problématique chez nos clients qui consomment toujours plus d’électricité et sont à la recherche de solutions décarbonées. Cette énergie électrique coûte cher, ce qui les pousse à optimiser la consommation d’électricité pour en réduire la facture. On a fait ce constat, quand on leur propose du matériel électrique qu’ils vont chercher à faire fonctionner avec l’énergie la moins onéreuse possible. On s’est demandé comment on pouvait aider nos clients à optimiser la consommation d’électricité. Cette diversification sera on l’espère un moyen d’améliorer notre chiffre d’affaires, mais non parce qu’on a fait le tour de ce marché, mais parce que nous voulons rester une force de proposition pour nos clients et répondre à leur problématique nouvelle, alors il faut leur proposer ces solutions pour réduire leur facture d’électricité. »

« On espère conquérir de nouveaux marchés »

- En clair vous n’allez pas à la conquête d’un nouveau marché, vous vous concentrez sur les mêmes clients ?

- J.P. : « Très naturellement on va proposer ces solutions de dé­carbonation à nos clients. On va compléter notre offre auprès d’eux. Mais en restant raisonnablement ambitieux, ces solutions de décarbonation répondent également à l’attente de sociétés qui ne sont pas nos clients. Un exemple : fournir aujourd’hui une solution de stockage d’électricité stationnaire, une batterie qui stocke de l’électricité produite par des panneaux photovoltaïques dans la journée et utilisée la nuit. Cette même solution de batterie de stockage qui va répondre à l’attente de nos clients dans les aéroports ou dans l’industrie, peut aussi permettre à un hôpital d’avoir une solution de secours pour alimenter son bloc opératoire en cas de coupure d’électricité. Nous développons cette expertise pour définir les actifs nécessaires au client pour stocker, économi­ser l’électricité, pour en faire profiter le plus grand nombre, dans leur intérêt, et dans l’intérêt de notre société. On espère conquérir de nouveaux marchés, même si on va proposer dans un premier temps ces solutions à nos clients. »

- Concrètement vous allez faire l’acquisition de ces actifs, de ces outils de décarbonation, ou vous allez simplement leur donner la possibilité financièrement de les louer ?

- J.P. : « Les deux en fait, en fonction du besoin qui est le leur. Lorsque l’actif, c’est le cas historiquement de nos chariots élévateurs, est nécessaire au client pour sa parfaite utilisation, il faut lui proposer un service associé de forte valeur telle que la maintenance, car un actif peut avoir plusieurs vies. On va acquérir l’actif, le mettre à disposition du client et sans doute en rester le propriétaire. Pour certains actifs, la solution de location financière suffit. Dans ce cas-là on va faire l’acquisition de cet actif, dont le financement pourra, ce n’est qu’une solution possible, être ensuite financé par un partenaire bancaire. Et donc on aura un mix en fonction des besoins du client, entre les actifs dont on restera les propriétaires, parce que ça correspondra le mieux à l’attente du client, et des actifs dont on ne s’interdit pas de les acheter pour ensuite les faire financer par un partenaire bancaire si cela suffit pour répondre aux besoins du client. »

« Notre ADN est celui de loueur »

- Vous allez chercher les outils, les actifs les plus performants auprès des meilleurs fournisseurs ?

- J.P. : « Nous ne sommes pas fabricants, notre ADN est celui de loueur. Nous allons rester une société qui, partant du besoin du client, va identifier, puis sélectionner sur le marché les actifs les mieux pensés techniquement, commercialement pour répondre aux besoins du client. Nous travaillons avec des partenaires sou­vent fabricants de matériels et actifs de décarbonation que nous allons proposer. »

- Vous travaillez avec des fabricants français ?

- J.P. : « C’est difficile de dire ce qu’est un fabricant français. Nous travaillons avec Toyota qui est une société japonaise. Mais les chariots frontaux Toyota sont fabriqués à Ancenis dans la région nantaise. Il y a des sociétés présentes sur le territoire français qui fournissent ces actifs. Nous venons de gagner les marchés de fourniture de matériel aux deux premières gigafactory, notamment de piles lithium, créées en France. La première c’est ACC à Douai, on leur fournit du matériel de manutention. Au capital d’ACC il y a Total, mais également Daimler. La deuxième gigafactory c’est AESC toujours dans les Hauts de France, avec à son capital Stellantis. En résumé, il y a de nombreux actifs qui sont aujourd’hui fabriqués et assemblés sur le sol français avec des actionnaires internationaux. »

- Cette diversification est dans l’air du temps ?

- J.P. : « Tout à fait. Combien même nous n’aurions pas été confrontés à ces placements de matériels électriques chez les clients qui nous ont conduit à les accompagner pour optimiser leur consommation, nous-mêmes, comme toutes sociétés françaises, sommes soumis à l’application du décret tertiaire. Nous devons réaliser sur certains de nos bâtiments, de bureaux, d’ateliers des économies d’énergie de l’ordre de 30 à 40% à l’horizon 2030. C’est la loi. Pour atteindre ces objectifs nous avons conduit des audits dits énergétiques avec des sociétés spécialisées pour regarder l’origine de notre consommation et de quelle manière on va pouvoir nous-mêmes la réduire. Ce qui est vrai pour nos clients est aussi vrai pour nous. Nous devrons effectuer des travaux, des aménagements de nos installations, pour réduire la consommation. Toutes les sociétés ne vont pas pouvoir faire ces investissements. D’où cette appellation un peu slogan : transformer le Capex, l’investissement, en Opex, dépenses opérationnelles. Cette décarbonation, le législateur nous y contraint. »

« Une société au savoir-faire spécifique »

- Vous faites l’acquisition d’une société ? Vous ne la citez pas, pourquoi ?

- J.P. : « On ne peut pas le dire, c’est interdit. Il faut attendre le feu vert de l’autorité de la concurrence pour pouvoir communiquer sur cette annonce. »

- Que va-t-elle vous apporter ?

- J.P. : « Elle nous apporte deux choses. La première, sa connais­sance du marché de la location financière. C’est une société qui réalise son chiffre d’affaires uniquement dans la mise à disposi­tion d’actifs sous forme de loyers. La seconde, est un savoir-faire spécifique, qui est la relation avec les bailleurs, c’est-à-dire avec les banquiers qui sont susceptibles d’apporter ces financements. Un savoir-faire que nous n’avons pas. Alors que c’est le quotidien de cette société. »

- Est-ce que ça va changer le fonctionnement de Manuloc ?

- J.P. : « Cette société sera une sœur de Manuloc. Elle aura un nom différent. Cela va plutôt élargir notre champ d’action que trans­former notre fonctionnement. Elle vient en complément de notre entreprise. Cette nouvelle orientation est bien une diversification, plus qu’une transformation. »

- Votre chiffre d’affaires va forcément croître ?

- J.P. : « Oui, c’est une croissance de l’ordre de 25%. Notre chiffre d’affaires actuel est de 430 M€. Nous disposons d’un parc de 23 000 matériels dont nous sommes propriétaires et loués à nos clients, auquel on ajoute 10 000 matériels que nous maintenons chez nos clients mais qui ne nous appartiennent pas. Nous avons environ 600 M€ d’actifs bruts. Nous employons 1100 salariés, en France mais nous sommes aussi présents en Roumanie et au Luxembourg. »

« On espère accélérer notre internationalisation »

- Vous comptez développer l’internationalisation de votre activité ?

- J.P. : « L’offre nouvelle s’y prête davantage. Nous espérons que l’acquisition confirmée sera un vecteur d’internationalisation. La limite de l’offre actuelle de Manuloc est cette nécessité d’être à proximité des matériels, d’avoir des capacités de maintenance toute proche. Pour s’internationaliser, il faut s’implanter et être en mesure d’apporter un service localement de grande qualité, cela demande du temps. La location financière ne demande pas les mêmes prestations de maintenance, C’est un modèle qui permettra d’accélérer notre internationalisation. »

- Dans votre activité la maintenance est indispensable ?

- J.P. : « Un matériel de manutention est rudoyé, il tombe en panne, ce service est indispensable. Un panneau photovoltaïque, une batterie de stockage, n’est pas soumis aux mêmes contraintes. C’est immobile et ne réclame pas le même niveau de services. »

- Manuloc est une société rentable ? Vous investissez beaucoup ? Est-ce que vous employez des femmes ?

- J.P. : « Oui. On a une marge d’Ebitda de l’ordre de 40% et nous avons investi 100 M€ en 2023. La population la plus représentée est celle des techniciens. Nous n’avons malheureusement pas de femmes dans ces métiers ou très peu. Nous employons des femmes dans des métiers choisis par des femmes, dans lesquels elles ont suivi une formation. Elles sont présentes dans les fonctions supports : administration, la comptabilité, la gestion, et là elles sont majoritaires. Et notre personnel reste fidèle à l’entreprise. Mais c’est parfois difficile de fidéliser les nouveaux arrivants. On a du mal à recruter comme tout le monde, on n’a pas de mal à conserver les anciens. Les gens sont bien chez nous. »

Propos recueillis par Bernard KRATZ