Le marché de l’emploi des cadres est en pleine forme. Il surfe sur deux années record, 2022 et 2023, après la chute de 2020 pour cause de pandémie. On parlait alors d’effondrement. De fait, 2021 et 2022 ont été des années de rattrapage selon Thierry Rouchon, le responsable de l’APEC (association pour l’emploi des cadres) au siège de Nancy. Alors que dire de 2023 qui a explosé les compteurs avec quelque 330 700 recrutements dans le pays, soit une hausse de 7% par rapport à 2022 dont 14 120 dans le Grand Est qui enregistre une poussée encore plus forte qu’à l’échelle nationale à +8%. Une performance de choix compte tenu du contexte géopolitique avec notamment le conflit en Ukraine, sans oublier l’impact de l’inflation. Mais cette incertitude économique n’a assurément pas empêché les entreprises d’investir. L’investissement des entreprises est le moteur de cette embellie de l’emploi des cadres.
Les entreprises sur leur lancée en 2024
L’année en cours est bien partie pour confirmer cette embellie. Les entreprises prévoient encore de recruter jusqu’à 337 000 cadres dans le pays. Des prévisions qui restent bien orientées, mais qui révèlent quelques disparités sectorielles. Les moteurs structurels de l’emploi cadre restent les services à forte valeur ajoutée : activités informatiques-télécommunications, ingénierie-recherche développement (R&D), activités juridiques, comptables et conseil, banques-assurances, communication-médias, pour lesquelles 189 200 embauches sont attendues en 2024. Des recrutements alimentés par les besoins des entreprises qui doivent répondre aux transformations numériques, énergétiques, environnementales. Dans le Grand Est, la tendance à une hausse un peu moindre se confirme. En 2024, les recrutements se stabilisent à un haut niveau, en dépit du contexte incertain lié aux aléas économiques et géopolitiques avec 14 230 recrutements de cadres attendus soit un petit 1% de plus que l’année 2023, alors que la hausse au niveau national est de 2%. En clair, le recrutement de cadres ralentit en 2024, dans toutes les régions mais également dans l’ensemble des secteurs d’activités. La raison est cette économie en pleine transformation qui a de plus en plus « besoin de cadres et de connaissances pointues » assure Thierry Rouchon.
« Les difficultés de recrutement restent élevées »
Florence Heitz, déléguée régionale Grand Est de l’APEC analyse très positivement ces perspectives : « La région Grand Est se maintient à un haut niveau notamment grâce à son fort bassin industriel. En parallèle, les difficultés de recrutement restent élevées. Dans ce contexte nous sommes en première ligne pour faciliter une mise en relation plus efficace entre les candidats et candidates et les entreprises. Alors que plus d’un tiers des recrutements de la région concerne des cadres de plus de 10 ans d’expérience, nous sommes également mobilisés à l’APEC pour sensibiliser les recruteurs et les inciter à élargir leurs critères d’embauche, au profit par exemple des cadres seniors. »
L’enquête annuelle de l’APEC a été réalisée par téléphone entre novembre 2023 et janvier 2024, auprès de 11 000 entreprises au national et auprès de 741 établissements privés pour la région Grand Est.
Le potentiel de recrutement de l’industrie
L’APEC confirme dans cette enquête la belle santé de l’emploi cadre dans l’industrie qui « représente un fort vivier avec 28% de recrutements prévus contre 14% au niveau national » indique l’étude. Il est aussi lié à la transformation des métiers de l’industrie et à l’émergence de l’IA (intelligence artificielle). On compte 26% de cadres dans l’industrie, une proportion plus élevée que sur l’ensemble du territoire (17%).
Dans le même temps, un recrutement de cadres sur deux, dans le Grand Est, est attendu dans le secteur des services. De fait, selon l’APEC, en Grand Est, quelque 52% des cadres travaillent dans le secteur des services. De ce constat découle le type d’entreprises intéressées par ces recrutements. Ce sont en majorité (55%) des PME dans le Grand Est. En gros, 5 embauches sur 10 sont prévues dans les TPE-PME de la région. C’est encore plus vrai à l’échelle nationale : 62% de cadres recrutés dans les PME. Ces dernières, selon Thierry Rouchon, restent cependant très prudentes dans leurs prévisions de recrutement en 2024. « Ce n’est pas le cas des entreprises de plus de 500 salariés et les grandes entreprises plus optimistes dans leurs projections de recrutement. »
Les fonctions de commercial-marketing privilégiées
Un pan important de l’enquête annuelle de l’APEC est concentré sur les métiers les plus recherchés. D’une année à l’autre on retrouve les cadres des fonctions commercial-marketing à 19% dans le Grand Est et 17% au niveau national, et les cadres en études-R&D à 16%. Des fonctions très demandées dans l’industrie où l’innovation accapare une grande partie des investissements, à l’heure de la transformation digitale, mais aussi avec l’arrivée de l’IA. Toutefois l’enquête de l’APEC relativise l’importance des cadres en informatique qui ne recueillent que 14% des métiers les plus recherchés contre 20% au niveau national. Avec une nuance importante apportée par le responsable de l’APEC de Nancy : « les métiers de développement informatique et de la comptabilité concentrent le plus d’offres d’emploi début 2024. » Comme l’a relevé Florence Heitz, ce sont bien les cadres expérimentés qui sont les plus demandés avec plus de 10 ans d’expérience, le plus souvent au détriment des cadres de 5 ans d’expérience, ou cadres seniors. « Le Grand Est se distingue des autres régions en termes de tissu économique et d’attractivité : le profil des cadres de la région y est nécessairement singulier. En dans une population aussi importante en volume, les réalités des cadres sont bien sûr plurielles » estime la déléguée régionale de l’APEC Grand Est.
L’Alsace en pointe
La région Grand Est compte quelque 5% de l’ensemble des cadres du territoire national. C’est un poids similaire à celui de la Nouvelle Aquitaine. La région emploie autour de 253 000 cadres et concentre plus de 28 000 demandeurs d’emploi à la recherche d’un emploi cadre. Une large majorité de cadres de la région travaillent en Alsace (47%) soit près de 120 000, devant la Lorraine (33% du total) tandis que seulement 20% des cadres sont employés en Champagne-Ardenne. Le Bas-Rhin recense dans son seul département plus de 83 000 cadres, loin devant la Moselle (38 020) et le Haut-Rhin (35 110). En termes de recrutement, le territoire alsacien concentre 51% des recrutements de cadres, soit 15% de plus qu’en 2022. La Lorraine accapare 32% des recrutements et Champagne-Ardenne 17% soit 7,8% de moins qu’en 2022.
Moins diplômés
Même s’ils sont plus nombreux qu’au national à exercer des responsabilités hiérarchiques (46% contre 41%), les cadres du Grand Est sont moins diplômés : 46% d’entre eux ont un bac +5 contre 54% au niveau national et ont une rémunération inférieure à la moyenne nationale (50 000 € annuels contre 52 000 €). À noter que la population des cadres est plus masculine avec 65% d’hommes dans le Grand Est alors qu’ils sont 62% à l’échelle nationale. Leur moyenne d’âge est de 45 ans en Grand Est, 43 ans dans le pays. La tranche d’âge la plus représentée est celle des 45-54 ans soit 29% suivie des 35-44 ans (27%). Quelque 30% des cadres exercent dans le secteur des services à forte valeur ajoutée, en particulier dans le secteur des activités juridiques, comptables et banque-assurance.
Zoom sur le 4e trimestre 2023
L’APEC a fait un gros plan sur le dernier trimestre 2023 dans le Grand Est afin de mettre en lumière les intentions de recrutements et la mobilité des cadres. Pour ce 4e trimestre 10% des entreprises envisageaient de recruter au moins un cadre. Cette proportion était en baisse de 2 points par rapport au trimestre précédent. Dans le même temps, les tensions de recrutement restaient à un haut niveau : 75% des entreprises qui envisagent de recruter au moins un cadre au 4e trimestre anticipent des difficultés.
Côté cadres, presque 40% des cadres envisagent une mobilité externe dans les 12 prochains mois. Dans un contexte inflationniste, la rémunération s’affirme comme la principale motivation pour changer d’entreprise.
À propos de l’APEC
L’APEC, association pour l’emploi des cadres, est une organisation paritaire qui se mobilise pour aider les cadres et les jeunes diplômés à partir de Bac+3, en particulier les publics les plus fragiles face à l’emploi. En tant qu’opérateur du Conseil en évolution professionnelle (CEP) des cadres, l’APEC permet à ses clients, quelle que soit leur situation de s’informer, réfléchir, se projeter et agir pour leur projet professionnel. En 2022, parmi les 157 000 cadres et jeunes diplômés accompagnés par l’APEC, 100 000 ont bénéficié du CEP. Dans un contexte de difficultés de recrutements, l’APEC aide les entreprises, notamment les TPE-PME, à trouver les compétences cadres dont elles ont besoin pour se développer. Son observatoire analyse et anticipe les évolutions et grandes tendances du marché de l’emploi cadre. L’association combine une présence territoriale de proximité avec un jobboard : apec.fr (plus de 2 millions d’offres d’emploi cadres publiées en 2022 et 380 000 profils de cadres en recherche d’opportunités). L’APEC et ses 11 000 collaborateurs et collaboratrices est présente dans près d’une soixantaine de centres en France métropolitaine et Outre-Mer : Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion et Mayotte.
L’APEC Grand Est compte 45 employés dans 5 centres : Metz, Mulhouse, Nancy, Reims et Strasbourg. 10 000 cadres, jeunes diplômés accompagnés dans leur projet professionnel. 2 600 entreprises conseillées pour leurs recrutements de cadres et leurs politiques de Ressources humaines.
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