Grand Est Paru le 18 juin 2024
MAISON DE L’EMPLOI

Lever tous les préjugés sur le travail

La Maison de l’Emploi de Strasbourg a organisé, le 30 mai dernier, une demi-journée de cogitation et de créativité sur « Les Futurs du Travail ». Ou comment lever tous les tabous – anciens et nouveaux – qui pèsent encore sur le travail.

Rendez-vous en entreprise inconnue chez Viwametal © Patricia Baudin

Ce jeudi 30 mai, ça phosphorait dur dans les locaux du très inspi­rant Kaléidoscope, au Port du Rhin. Tout ce que l’Eurométropole compte comme spécialistes et acteurs de l’emploi, de l’insertion et des ressources humaines avait été invité par la Maison de l’Emploi de Strasbourg pour « imaginer ensemble une autre manière de travailler ».

Il est vrai que la situation de l’emploi fait réfléchir. La taux de chô­mage dans l’Eurométropole est de 7,4 %. À la fin du 1er trimestre 2024, la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités y dénombrait 27 530 demandeurs d’emploi de catégorie A, en hausse de 2,6 % en un an. Et pourtant les entreprise ne cessent de le répéter : elles ont le plus grand mal à recruter, ce qui très souvent entrave leur développement. Plus spécifiquement, la question de l’emploi des jeunes et de leur rapport au travail est également posée.

Une autre manière de travailler

Face à un tel constat, la problématique posée par la Maison de l’Emploi pour ce grand brainstorming de printemps sur l’emploi tombait carrément à pic : « Et si nous imaginions ensemble une autre manière de travailler ? » Les thèmes abordés tout au long de cet après-midi affichaient clairement la couleur : transformation des organisations, place des émotions en entreprise, place du collectif, rôle des IA génératives, clivages générationnels…

Nous sommes bien là au cœur des missions de la Maison de l’Emploi de Strasbourg : agir pour l’insertion professionnelle des publics les plus en difficulté, certes ; mais aussi accompagner les entreprises dans la mutation des compétences et des organisations ; et enfin soutenir le marché de l’emploi transfrontalier. « Nous sommes là pour inventer ensemble d’autres façons de répondre aux besoins du territoire transfrontalier, résume Anne-Marie Jean, la présidente de la Maison de l’Emploi. Nous sommes là pour lever les préjugés de part et d’autre. »

C’est dans cet esprit que la Maison de l’Emploi de Strasbourg a créé en 2021 les Rendez-vous en entreprise inconnue. Il s’agissait d’une part de répondre aux entreprises demandeuses de liens directs avec les conseillers à l’emploi et d’autre part d’aider ces derniers à mieux connaître les entreprises, leur organisation et leurs métiers. Depuis 2021, vingt-six visites ont été organisées. Six-cent-cinquante professionnels de l’emploi ont participé à ces rendez-vous : ils travaillent à Pôle Emploi, à l’EPIDE, dans des centres socio-culturels, dans des lycées professionnels, dans des CFA, à l’Eurométropole de Strasbourg, à la CeA, à la Région Grand Est, dans des associations d’insertion…

Et cela marche, selon la Maison de l’Emploi, 73 % des entreprises visitées ont été recontactées par des conseillers à l’issue de la visite et 60 % d’entre elles ont reçu des candidatures via ces mêmes professionnels. Et tout cela a débouché sur 35 embauches dé­clarées. Alors, bien sûr, cela peut paraître une goutte d’eau face à l’ampleur de la tâche, « mais le nombre de recrutements n’est pas le seul critère de réussite, insiste Anne-Marie Jean. C’est un travail dans la durée. Ce qui compte, c’est de rapprocher les points de vue les plus éloignés. Cela peut prendre du temps. »11

Avenir plus prometteur

Autre initiative : contribuer à la réduction des inégalités face à l’em­ploi. Cent-dix-huit entreprises ont rejoint le club « Les entreprises s’engagent ». L’objectif : augmenter les recrutements, notamment des jeunes et des habitants des Quartiers Prioritaires de la Politique de la Ville (QPV). Un travail a par exemple été entrepris avec les entreprises des métiers de la propreté. Les contraintes d’horaires y sont pour le moins très peu incitatives pour les salariés : tard le soir ou tôt le matin, sans continuité, avec tous les problèmes que cela pose pour la vie de famille. L’idée, c’est de faire comprendre aux clients, que faire le ménage aux heures de bureau, cela doit aussi être possible. Pour fidéliser les personnels dans les mêmes entreprises de la propreté, Vincent Horvat, directeur de la Maison de l’Emploi, avance une autre piste : « Ouvrir aux salariés des perspectives d’évolution. Parce que dans les métiers de la pro­preté, les salariés ont aussi le droit de se projeter dans un avenir plus prometteur. »

Plus spécifiquement pour les jeunes, la Maison de l’Emploi a également imaginé « Quand j’avais ton art » : des jeunes éloignés de l’emploi se rendent dans un Ehpad, dans le cadre de leur parcours professionnel, afin d’y réaliser une fresque artistique. Ils sont accompagnés par un artiste plasticien. « Les jeunes viennent en amont du travail rencontrer les personnels et les salariés de l’Ehpad, raconte Liane Desseigne, cheffe de projet à la Maison de l’Emploi. Et ils reviennent ensuite rencontrer les équipes dans la perspective d’un emploi. » Une première fresque a été peinte à l’Ehpad Bethesda Arc-en-Ciel, deux autres devraient suivre avant de poursuivre l’opération dans des crèches et des lieux d’accueil de la petite enfance.

« Nous sommes là pour imaginer des actions pensées localement par les acteurs du territoire, résume Vincent Horvat. C’est tout le sens du laboratoire territorial qu’est la Maison de l’Emploi. »

Pôle rhénan de compétences pour la transition écologique

La Maison de l’Emploi de Strasbourg doit lancer en juillet un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) pour la création d’un Pôle rhénan de compétences pour la transition écologique. Il s’agit de créer un lieu unique pour imaginer les programmes de formation liés aux métiers de la transition écologique et aux impacts de cette dernière sur d’autres métiers tels que la logistique.

Le lieu existe déjà : il s’agit de 3 000 m² situés sur la rive française du Rhin, entre le pont du tramway et celui du chemin de fer. Objectif d’ouverture : 2029.

Ateliers sur les Futurs du Travail dans la cadre de Kaleidoscoopies © Elodie Speich

Jean de MISCAULT