La Foire aux vins d’Alsace célébrait cette année ses 75 ans, un chiffre qui rappelle « la contenance d’une belle bouteille de vins d’Alsace », a fait remarquer Bertrand Burger, président de Colmar Expo en charge de l’organisation de la manifestation « qui a vu passer près de quatre générations d’exposants, de visiteurs et d’artistes qui se succèdent et se transmettent cette ferveur autour du symbole de l’été alsacien. »
Sur le plan économique, la Foire aux vins d’Alsace « a généré plus de 52 millions d’euros de retombées économiques en 2023 ». Elle agit comme « un poumon d’activités au cœur de l’été », a souligné Bertrand Burger, avant de présenter les grandes lignes de la stratégie de développement du parc des expositions de Colmar : « Dans un contexte très concurrentiel, notre objectif est d’inscrire Colmar Expo, son outil d’accueil et ses événements, dans une phase déterminante de développement qui va s’articuler sur plusieurs années, autour de trois piliers majeurs : environnemental, social et sociétal. »
Le président de Colmar Expo souhaite obtenir la certification iso 20121 dédiée aux systèmes de management responsable appliqués à l’activité événementielle. Cela se traduira, entre autres, par la végétalisation du parc des expositions de Colmar et une meilleure gestion des énergies avec la mise en place d’éclairages leds et de panneaux photovoltaïques.
En Alsace, la filière viti-vinicole, « génère, à elle-seule, 20.000 emplois et 600 millions de chiffres d’affaires »
La Foire aux vins d’Alsace ou « FAV » pour les aficionados, « fait partie de notre ADN alsacien », s’est enthousiasmée Céline Kern-Bor-ni, présidente de la délégation de Colmar et Centre Alsace de la CCI Alsace Eurométropole, avant de rappeler la genèse de la manifestation. « Le projet était clair dès le départ. En 1948, Georges Lasch, secrétaire général de la CCI de Colmar, s’est dit qu’il fallait créer un événement pour redynamiser et donner un nouvel élan à la commercialisation des vins d’Alsace. Il a été soutenu par la municipalité et le maire de Colmar nouvellement élu, Joseph Rey, et le groupement des producteurs-négociants des vins d’Alsace.
La première édition s’est tenue aux pieds de la collégiale Saint Martin. Elle a été inaugurée en 1948, par Pierre Pflimlin alors ministre de l’agriculture. Aujourd’hui, la FAV s’est hissée au deuxième rang des foires commerciales de France après Paris. C’est un formidable succès et un tour de force pour Colmar qui pourtant ne se place qu’en 78e position pour le nombre d’habitants. »
Pour Céline Kern-Borni, la recette de cette réussite est une évi-dence : « L’Alsace est une région de tourisme. La Route des vins qui serpente sur 170 km du sud au nord de l’Alsace attire chaque année 6 millions de touristes qui arriveront bientôt par voie navigable avec le projet de rénovation du canal entre Strasbourg et Colmar et l’arrivée de bateaux-hôtels ». Foire aux vins oblige, la présidente de la CCI a souligné le poids de la filière viti-vinicole dans l’économie alsacienne. Celle-ci « génère, à elle-seule, 20.000 emplois et 600 millions de chiffres d’affaires. » Le secteur est soutenu par la CCI.
« À Strasbourg, le bâtiment historique de la CCI héberge le Comptoir des vignerons, un magasin collectif imaginé par le Syndicat des vignerons indépendants d’Alsace, où 75 vignerons vendent leurs vins », a précisé Céline Kern-Borni. Par ailleurs, « les équipes CCI International Grand Est ont signé une convention avec le Comité Interprofessionnel des Vins d’Alsace (CIVA) pour proposer aux entreprises de la filière plus de 30 missions de prospection et 12 salons à l’étranger dans le cadre du programme Team France Export. »
La CCI est aussi « partie prenante » dans le projet de la Cité des vins d’Alsace qui verra le jour sur le site du Château de Kientzheim dans le Haut-Rhin, siège de la Confrérie Saint-Étienne. La contribution « la plus visible » de la chambre consulaire « reste sans contexte la FAV organisée par Colmar Expo dont notre CCI est l’actionnaire majoritaire », a poursuivi Céline Kern-Borni. Car, et c’est une autre raison de son succès, « la FAV incarne notre culture du bien vivre », a souligné Céline Kern-Borni, en s’adressant plus particulièrement à Josiane Chevalier, préfète de la Région Grand Est : « Ici on n’interdit pas le foie gras, on a un esprit ouvert et on est curieux de la gastronomie des régions voisines et pays voisins », avant de préciser que la FAV réunit cette année « 72 exposants dans la catégorie bars, restaurants et food-trucks. »
Enfin, le festival est le dernier ingrédient qui fait le succès de la Foire aux vins : « 1065 artistes se sont produits à la FAV depuis la première édition du festival en 1958, dont Johnny Hallyday qui s’y est produit 12 fois. »
« Les crémants restent une valeur sûre, dans un marché de bulles en effervescence »
S’exprimant au nom des professionnels de la vigne, Serge Fleischer, président du CIVA, a voulu alerter sur les menaces qui pèsent sur la filière, estimant que « les nouvelles normes sont trop nombreuses » et redoutant de « nouvelles actions du monde agricole au mois de septembre. » En plus des contraintes réglementaires, la filière viticole doit faire face au « changement climatique et à la baisse de la consommation estimée à 60% en 60 ans » et consécutive, entre autres, à la loi Evin qui limite la publicité sur les alcools. « Le nombre de bouteilles produites est passé de 4,2 par seconde en 2020 à 3,8 en 2024, soit une baisse de 8% en 5 ans. Nos chiffres commerciaux fléchissent, nos vins sont à la peine sur la plupart de nos marchés en France ou à l’export », a précisé Serge Fleischer qui s’inquiète de « voir apparaître des friches », alors que « la France perd tous les ans des surfaces significatives de son vignoble. »
L’Alsace, qui est « un peu moins » touchée par cette tendance, s’en sort plutôt bien grâce à « la performance des crémants qui restent une valeur sûre, dans un marché de bulles en effervescence. » Des perspectives plus encourageantes ont été évoquées par Serge Fleischer. « Jamais notre vignoble n’a eu autant de projets structurants pour renforcer son image, son attractivité, ses valeurs, mais également pour garantir son avenir », a-t-il déclaré. Il s’est réjoui de la présence du CIVA en tant que partenaire du Pavillon France à l’Exposition universelle d’Osaka en 2025. « C’est un pari un peu fou et une première. Le vignoble alsacien sera le premier et le seul à représenter la France à cette occasion. »
Le président du CIVA a incité les professionnels à « s’adapter, alors que les habitudes des consommateurs ont changé. » La production de vins d’Alsace, qui ne représente que « 0,35% de la quantité mondiale de vins » peut être promise à un bel avenir, alors que la planète comptera « 10 milliards d’humains. Il y a donc de la marge. » Serge Fleischer a également plaidé en faveur d’une meilleure reconnaissance de la marque Vins d’Alsace face à la montée en puissance de la bière et à une meilleure visibilité des vins d’Alsace à la Foire aux vins, « pour redonner une image forte, codée et lisible au sein de cet événement. »
« Nous connaissons une prospérité qu’on n’a jamais connue »
Dans un style décontracté et très en forme, Éric Straumann, maire de Colmar et président de Colmar Agglomération, s’est expliqué sur la venue de la préfète de région : « Nous savions qu’elle serait encore là », au moment de l’inauguration, alors que la dissolution de l’assemblée nationale laissait planer un doute quant à la présence d’un représentant du gouvernement. Éric Straumann a salué les « excellentes relations » entretenues avec les services de l’État ainsi que l’action et l’investissement de l’État qui va, notamment, injecter 100 millions d’euros pour transformer l’ancienne prison de Colmar en future Cité judiciaire. »
Il s’est opposé à l’hypothèse d’un passage à la VIe république que certains défendent : « Pour moi c’est non ! On a connu d’autres périodes pendant lesquelles il n’existait pas de majorité. » Il a souligné que « la France reste le plus beau pays au monde pour son mode de vie et ses vins. » Le maire de Colmar n’entend pas se laisser abattre par l’ambiance « morose » qui règne actuellement : « Nous connaissons une prospérité qu’on n’a jamais connue, avec 5,5% de chômage sur le bassin colmarien, 25.000 emplois non pourvus dans le département et plus de 35 millions investis par des entreprises privées depuis deux ans. » Il a annoncé l’aménagement d’une aire de grand passage pour les gens du voyage, à l’est de l’agglomération colmarienne, et la création sur l’Ill, d’une passerelle cyclable en aluminium, « la plus longue d’Alsace ».
« Le vin est un de nos fleurons de l’art de vivre »
Invitée d’honneur, Josiane Chevalier, préfète de la Région Grand Est s’est dit très attachée au « terrain, toujours le terrain, encore le terrain ». La préfète, qui est membre de la Confrérie Saint-Étienne et de l’Ordre œnophile de la Couronne d’Or de Marlenheim, a fait l’éloge du métier de vigneron. « Derrière chaque vin, il y a un vigneron et de plus en plus de vigneronnes, et en tant que femme je ne peux que m’en réjouir ! Je tiens à souligner la valeur travail de la vigne, le courage, l’abnégation, le soin exigeant face aux aléas climatiques et à l’évolution des marchés.
C’est aussi un métier qui donne sens aux paysages, une identité culturelle qui défend un patrimoine. Il faut se souvenir qu’en cinq siècles, il n’y a pas eu un vignoble qui ait subi autant d’aléas que celui de l’Alsace. Et si l’Alsace se situe aujourd’hui parmi les plus belles et grandes régions de production française, c’est bien grâce aux efforts constants accomplis ces dernières décennies par la profession avec l’appui du CIVA et de l’AVA (Association des viticulteurs d’Alsace). »
La préfète s’est vu remettre un assortiment de bouteilles de vins d’Alsace offert par les confréries viniques, après avoir déclaré que « le vin est un de nos fleurons de l’art de vivre à la française ou à l’alsacienne et représente une certaine manière de concevoir la vie. »
Un nouveau trio royal pour promouvoir les vins d’Alsace
Monica Angulo a été élue Reine des Vins d’Alsace 2024-2025 le 1er juillet à Turckheim, accompagnée de ses deux dauphines, Margaux Roux et Romane Klufts. Le trio royal été intronisé en ouverture de la Foire aux Vins d’Alsace. Les lauréates succèdent à Agathe Prunier, Lisa Grollemund et Marie-Elisa Wessang. Âgée de 23 ans et originaire de Colmar, Monica Angulo vient de terminer un Master en Science de la Vigne et du Vin et rejoindra le Comité Interprofessionnel des Vins d’Alsace. Margaux Roux, 24 ans, d’Ammerschwihr, travaille comme vendeuse au caveau de la Cave de Turckheim. Romane Klufts, 24 ans, d’Ingersheim, est chargée RH et paie chez LK Tours Voyages.
« Nous avons l’honneur de devenir les nouvelles ambassadrices des vins d’Alsace et d’intégrer la grande famille des reines des vins d’Alsace dont le comité fête cette année son 70e anniversaire », a déclaré Monica Angulo, nouvelle reine des vins, lors de l’inauguration de la Foire aux vins d’Alsace. « Nous serons les porte-paroles de la passion, de l’excellence et de l’art de vivre à l’alsacienne. Nous tenons à faire rayonner le vin, à partager notre amour du terroir et à transmettre des valeurs qui nous sont chères telles que la convivialité et l’authenticité. Nous tenons à être le visage de nos traditions mais aussi les porteuses d’un message de modernité et d’innovation. »