Grand Est Paru le 30 août 2024
CONJONCTURE

16 371 défaillances d’entreprises au 2è trimestre

Le nombre de défaillances d’entreprises au deuxième trimestre 2024 est élevé, 16 371, très au-dessus de la moyenne observée sur les décennies 2000 et 2010. Selon Altares, expert référent de la donnée d’entreprises, ce nombre découle d’une conjoncture ralentie et de la fin de la phase de rattrapage du Covid.

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« Le premier trimestre signait l’amorce d’un ralentissement de la hausse des défauts, le deuxième le confirme. Une partie seulement des entreprises, alors épargnée grâce aux aides, est aujourd’hui rattrapée par le train des faillites (…) » Thierry Millon, directeur des études Altares justifie ce constat du nombre élevé d’ouvertures de procédures de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire de ce printemps, en hausse de 23,4%. Pour autant, cette hausse reste éloignée de celle enregistrée il y a un an à 35% et même 49% en 2022. Quelque 16 371 entreprises sont tombées en défaillances entre le 1er avril et le 30 juin 2024. Seuls les 2e trimestres 2009 (crise financière) et 2012 (crise des dettes souveraines) avaient égale- ment franchi la barre des 16 000 défauts. Dans le détail, on relève 416 jugements de procédures de sauvegarde, en retrait de 3,5%. À l’inverse, les redressements judiciaires au nombre de 4917 sont en forte hausse de 39% et concentrent désormais près de 30% des jugements, retrouvant ainsi le niveau des taux d’avant Covid. Le rythme ralentit en revanche pour les ouvertures de liquidation judiciaire dont le nombre de 11 138 augmente de 18,9% et représente 68% des défaillances, loin des 75% qui prévalaient durant la crise sanitaire.

Les micro-entreprises très touchées

« Ce deuxième trimestre l’illustre clairement avec seulement 2600 procédures de plus que la moyenne long terme. Cette situation confirme le scénario d’un plateau avec une conjoncture qui peine à retrouver un second souffle mais qui va redescendre progressivement. Une stabilisation se dessine les trois derniers mois avec 5500 procédures mensuelles » explique le directeur d’Altares. Il entre dans le détail des métiers concernés. « Les activités liées à la consommation, qui avaient connu des pics de défaillances parfois historiques comme dans la coiffure, inversent enfin la tendance. Néanmoins la crise de l’immobilier pèse encore sur de nombreux acteurs, en particulier dans la construction. Le gros œuvre et le second œuvre concentrent à eux seuls une procédure sur cinq. »

Les trois quarts des défauts concernent des micro-entreprises de moins de 3 salariés, soit une hausse de 26,4%. Ces structures, dont près d’un quart se situe dans la restauration ou le second œuvre du bâtiment, ne sont pas particulièrement récentes. Plus de six sur dix ont été créées avant le premier confinement sanitaire.

Forte poussée dans les PME moins dans les ETI

La tendance la plus forte de défauts est observée dans ce deuxième trimestre chez les PME de 50 à 99 salariés dont les défaillances augmentent deux fois plus vite que la moyenne (+48%). Elles su- bissent aussi une forte poussée de liquidations judiciaires (+91%) et 30% de ces 80 PME se concentrent dans deux activités : le transport routier de marchandises, et la sécurité privée. Les employeurs de ces PME sont clairement plus vulnérables, alors que les entreprises du bâtiment sont en grande difficulté. La situation se détend sensiblement pour les PME de taille plus importante et les ETI (Établissement de taille intermédiaire). Ainsi 45 structures d’au moins 100 salariés ont fait défaut, un nombre en retrait de 17% par rapport au deuxième trimestre 2023. Peu nombreuses, ces sociétés menacent néanmoins près de 25 000 emplois, soit environ un tiers de la totalité des emplois menacés ce trimestre. En effet 69 500 emplois sont menacés ce trimestre, un nombre important en augmentation de 25% sur un an. Et cela s’explique par l’ouverture de procédures collectives sur trois sociétés de plus de 1000 salariés. Altares constate qu’en dehors des trois plus gros employeurs, le nombre d’emplois menacés tombe à 52 700 soit seulement 1400 de plus (+2,7%) qu’un an plus tôt.

Pour Altares, » le point haut semble atteint, et le reflux se confirme au fil des mois. » Pour le groupe « le commerce de détail d’habille- ment ou la boulangerie repassent au vert, alors que la restauration se stabilise. »

Les plus jeunes entreprises résistent mieux

Selon Altares, à peine plus d’une entreprise défaillante sur dix a été créée il y a moins de 3 ans. 1839 structures de cette branche d’âge ont défailli, un nombre en augmentation de seulement 11%. Dans les autres tranches, la tendance varie peu autour de +25%. De fait les entreprises de plus de 15 ans sont marquées par une hausse des défaillances de plus de 27% sur un an. Et ce sont les entreprises créées depuis plus de 50 ans qui sont les plus impactées par les défaillances (+37%, 107 entreprises).

Les activités mieux orientées

Altares voit cependant l’horizon s’éclaircir avec un certain nombre d’activités qui voient le nombre de défaillances diminuer et des entreprises basculer dans le vert. Il cite la boulangerie : 250 boulangers ont encore fait défaut ce trimestre, mais c’est un chiffre en recul de 1,2% « confirmant la trajectoire plus favorable amorcée en début d’année 2024. »

- La restauration traditionnelle reprend son souffle avec 777 procédures ouvertes (+1,3%) ce deuxième trimestre, soit seulement une dizaine de plus qu’un an plus tôt. Mais a contrario, la situation ne s’inverse pas dans la restauration rapide qui compte 824 jugements, un nombre en augmentation de 27,6%.

- Moins d’une trentaine de supermarchés ont fait défaut, c’est 45% de moins sur un an.

- L’amélioration se dessine ce deuxième trimestre dans le commerce prêt-à-porter qui enregistre à peine plus de 250 procédures, un nombre en retrait de 7,7%.

- La coiffure poursuit son long rétablissement mais compte encore près de 300 procédures soit 5,7% de plus sur un an. La situation est plus tendue dans les salons de beauté qui compte 168 procédures, en augmentation de 18,3%.

-  Avec moins de 40 procédures ouvertes la parfumerie au détail semble plus épargnée et enregistre une baisse de 20,8%.

-  L’action sociale et la santé humaine évoluent également dans le bon sens. C’est le cas dans les activités d’aide à domicile ou les crèches. La situation est plus tendue dans le secteur des infirmiers.

- Les activités récréatives sont dans le vert notamment les activités liées au sport dont les centres de culture physique.

- 26 entreprises de mécanique industrielle ont fait défaut, soit deux entités de moins qu’il y a un an. Le recul est du même ordre dans l’installation de machines ou de structures métalliques.

-  Dans les services aux entreprises la situation se détend pour les agences de publicité (72 soit -11%) et de relations publiques (41 soit -2%). Les services d’aménagement paysager comptent toujours plus d’une centaine de procédures (106) mais ce nombre recule de 4%.

Des activités à la peine

L’étude d’Altares ne met pas d’œillères sur les activités en difficulté. Elle en relève un certain nombre à commencer par l’agriculture.

-  Les tensions dans ce secteur se concentrent sur la culture de la vigne (50 soit +78% de défaillances) et dans l’élevage de vaches laitières (25 soit +150%).

-   Dans le commerce de détail la situation reste compliquée ce trimestre pour l’automobile (300 soit +30%), le meuble (85 soit +60%), la pharmacie ce qui est moins attendu (30 soit +76%). Dans le commerce de gros, la plupart des activités sont dans le rouge, notamment la boisson (34 soit +79%) ou le mobilier domestique (16 soit +45%).

-  L’industrie manufacturière dérape sensiblement dans la récupération de déchets (17 sociétés soit +89%) mais aussi dans la fabrication de matériel médico-chirurgical et dentaire (29 soit +61%).

- Les services informatiques se tendent dans le conseil en systèmes et logiciels informatiques (111 soit +59%).

- Les transports routiers de fret interurbains (183 soit +39%) comme de fret de proximité (261 soit +43%) sont fortement touchés.

-  Dans le service aux entreprises, le nombre de défaillances augmente encore rapidement dans le nettoyage courant des bâtiments (177 soit +34%) ou la sécurité privée (110 soit +45%).

-  Mais c’est la construction qui présente les tendances les plus lourdes et dans un grand nombre d’activités. On le sait, le ralentissement de l’immobilier et surtout la chute de la construction de logements neufs y sont pour beaucoup. Ainsi la maçonnerie a ravi à la restauration le fauteuil de leader des défauts avec la défaillances de 850 entreprises de maçons, c’est 38% de plus qu’au cours du deuxième trimestre 2023. Dans le gros œuvre, la construction de maisons individuelles a enregistré 274 procédures (+54,8%). Le second œuvre n’est pas épargné non plus. Les travaux d’installation électrique offrent pourtant la meilleure résistance (299 soit +10%) mais les autres activités subissent une conjoncture très défavorable : les travaux de plâtrerie (215 soit +50%), de menuiserie bois et PVC (260 soit 60%) ou de travaux d’installation d’équipements de climatisation (163 soit +87%).

-   Les travaux publics généralement très tributaires de la com- mande de donneurs d’ordre publics ne sont pas mieux lotis (210 soit +23,5%).

- Dans le même registre, les agences immobilières (290 défaillances) sont au plus bas (+58%).

La faiblesse de la conjoncture

Pour Thierry Millon d’Altares « ce trimestre a été un des plus lourds qu’a connu notre économie. Cependant les signaux positifs observés au premier trimestre sur l’activité du commerce et de la consommation s’amplifient ce printemps. Il est possible d’envisager un ralentissement plus franc des défaillances dans les mois à venir. Néanmoins la faiblesse de la conjoncture handicape les sociétés fragilisées par une dette Covid non entièrement réglée. Les PME restent fragiles, certaines de taille moyenne présentent des structures financières insuffisantes pour pouvoir rivaliser sur les appels d’offres ou financer leur développement (…) L’hypothèse des 64 000 défauts pour 2024 partagée en début d’année reste à ce stade envisageable. »

Enfin il est une donnée qu’il ne faut pas négliger, c’est l’incertitude politique en cours dans le pays qui peut freiner l’activité économique dans bon nombre de secteurs. On la mesurera lors de l’étude des prochains trimestres.

Dans le Grand Est

L’étude d’Altares s’attarde également sur les régions. Le Grand Est (1108 défaillances soit +20%) offre une belle résistance à l’ouest de son territoire. Les Ardennes, l’Aube et la Marne affichent une quasi-stabilité du nombre de défauts par rapport au deuxième trimestre 2023. À l’Est le rythme est également encourageant avec des augmentations contenues de 10% dans le Bas-Rhin (244) et de 19% dans le Haut-Rhin (166). La situation est plus compliquée en Meurthe-et-Moselle (156 soit +51%) et en Meuse (56 soit +250%). Deux régions tombent sous les 10% de défaillances, les Hauts de France et l’Occitanie, laquelle offre la meilleure tendance en métropole.

Bernard KRATZ