Grand Est Paru le 20 septembre 2024
INDUSTRIE

Une usine de solvants à base de bois sur le site de la centrale Émile-Huchet

Le site de la centrale thermique Émile-Huchet à Saint-Avold-Carling prend le virage de la chimie verte. Le projet de Circa de construire son usine de solvants verts, à base de bois, prend forme. Le 25 juillet dernier, l’entreprise a réceptionné en présence du préfet de Moselle d’imposants équipements destinés à cette usine.

Le préfet Laurent Touvet à son arrivée sur le site de la centrale où sera édifiée l’usine Circa Resolute. (Photo Préfecture)

Il régnait une belle effervescence sur le site de la centrale Émile-Huchet à Saint-Avold en ce jeudi de juillet. Du beau monde est venu assister à l’arrivée de gros camions chargés de char­pentes métalliques et de colonnes à distiller en acier, fabriquées en Chine et qui ont transité par le port d’Anvers. « Il y a de nom­breuses pompes, des colonnes, tout l’équipement industriel qui va servir à construire l’usine » explique David-Alexandre Leduc, représentant de Circa en France. Les élus locaux, avec en tête Salvatore Coscarella, président de la communauté d’agglomération Saint-Avold Synergie sont venus accueillir avec les responsables de l’entreprise Circa, le préfet de Moselle Laurent Touvet qui ne voulait pas manquer l’évènement de cet arrivage spectaculaire de matériel, lequel constitue une étape décisive dans l’avancée de ce projet industriel. « Il nous faudra encore attendre l’autorisation environnementale cet automne pour relancer le chantier de l’usine. Elle devrait être fonctionnelle d’ici fin 2025 » ajoute David-Alexandre Leduc. En attendant Circa a réceptionné un achat d’équipements de près de 35 M€.

Un investissement de 73 M€

Circa est une start-up implantée à Oslo en Norvège. Elle a choisi de s’implanter sur ce site mosellan pour des raisons pratiques. Son emplacement géographique à un carrefour de l’Europe, la proximité aussi de la matière première du bois des Vosges et d’Allemagne, sont les atouts de ce site. L’administration de la société sera ins­tallée dans un grand bâtiment qui a servi longtemps de magasin général pour la centrale thermique.

La venue du préfet n’est pas anodine. De fait, l’État est très présent dans ce dossier qui touche à la reconversion d’un site historique du Bassin houiller. « L’État est très satisfait, et cela manifeste concrè­tement la transformation de la plateforme et la transition écologique de ce site » a rappelé le préfet. Il a du reste confirmé le lancement de l’enquête publique afin d’obtenir l’autorisation gouvernementale. Ce projet Resolute, constitue un investissement important de l’ordre de 73 M€. Il bénéficie d’aides publiques conséquentes : 9 M€ de l’État, une subvention de l’Union européenne de 9 M€, de 1,5 M€ de la Région Grand Est et de 500 000 euros de la communauté d’agglomération. « Sur les 20 M€ de subventions nous avons déjà perçu près de 75% de ces aides ce qui nous rassure » précise Da­vid-Alexandre Leduc. « Mais nous sommes une start-up en quête de fonds. Il nous faudra encore 60 M€ pour lancer notre production. Nous continuons de chercher ces financements » dit-il.

Un procédé innovant

Circa va produire dans son usine de la plateforme, du cyrene, un solvant conçu à partir de sciure de bois. Un solvant biosourcé en quelque sorte. Le représentant de Circa l’a rappelé à bon escient, un milliard de m3 de solvants est produit chaque année au niveau mondial. Mais ces solvants utilisés, du gel coiffant à la batterie au lithium-ion, sont encore pour beaucoup, produits à partir de la pétrochimie. « Les solvants verts vont remplacer ceux de la filière chimique dont certains sont toxiques, rappelle le responsable de Circa, et nous utiliserons jusqu’à 50 000 tonnes de bois frais chaque année. » Le procédé mis en oeuvre à la plateforme est une technologie innovante. L’usine devrait générer la création d’une cinquantaine d’emplois directs et d’environ 250 emplois indirects. Salvatore Coscarella, président de la Casas, s’est naturellement félicité de cette implantation « tout à fait innovante sur le plan environnemental. » Les responsables de la centrale thermique de GazelEnergie, où fonctionne encore un groupe au charbon, voient également d’un bon oeil l’arrivée de cette entreprise, résolument orientée vers la transition écologique. Prochain rendez-vous, la relance du chantier après l’obtention des autorisations.

La Région Grand Est confirme son soutien à la reconversion de la centrale

Véritable symbole de l’épopée industrielle du charbon, dans le Bassin houiller lorrain, la centrale Émile-Huchet a marqué l’histoire de cette région, de la mono-industrie. Après la fin de la production d’électricité à partir du charbon, dans le groupe VI de la centrale, il a été décidé de poursuivre celle-ci à l’hiver 2022 pour trois ans et de relancer le groupe VI. Cette décision avait été prise pour faire face au risque de rupture dans l’approvisionnement électrique en raison des événements géopolitiques (invasion de l’Ukraine par la Russie) et en raison de l’indisponibilité d’une partie du parc nu­cléaire français et aussi de la fermeture prématurée de la centrale de Fessenheim en 2020.

Dès 2023, le président de la République prenait l’engagement de reconvertir les deux dernières centrales à charbon de France vers la biomasse. Dès lors GazelEnergie et les salariés ont construit un projet visant à faire entrer le site dans le XXIe siècle en y développant une énergie décarbonée et en accompagnant la réindustrialisation de la plateforme.

Franck Leroy, président de la Région Grand Est, rappelle dans un communiqué la nécessité d’une mobilisation générale en faveur de la conversion sociale et énergétique de la centrale Émile-Huchet : « Depuis la première heure l’exécutif régional se tient aux côtés des salariés d’Émile-Huchet en mobilisant notamment le fonds de compensation qui a permis de développer des projets locaux, autour de Saint-Avold. Mais soutenir les salariés de la centrale c’est d’abord travailler à une réindustrialisation durable du territoire. Nous misons sur des emplois pérennes et d’avenir. C’est pour cela que des millions d’euros ont été investis par la Région pour soutenir des projets concrets comme Circa ou Afyren Neoxy, ou encore le projet de chaufferie biomasse pour Loop décroché par la Région sur le site de la cokerie de Carling. La Région Grand Est poursuit sa mobilisation pour créer les conditions de la reconversion du site et de la bonne réalisation du projet Emil’Hy, de production d’hydrogène. » Il termine en insistant : « Ensemble nous pouvons écrire une nouvelle page de l’histoire d’Émile-Huchet où l’industrie sera au service de la transition écologique et du développement territorial. »

Le matériel déchargé sur le site. (Photo Préfecture)

Bernard KRATZ