Tout s’est passé très discrètement cet été à l’antenne départementale mosellane de la Banque de France. Jean-Michel Clavié a passé le relais à Lionel Brunet. Son adjoint Didier Fichaux à Patricia Biscarat. L’arrivée de la nouvelle équipe s’est faite en catimini, et pour cause, le départ de Jean-Michel Clavié s’est déroulé début juillet, en période de réserve pour cause d’élections législatives. Lionel Brunet, 53 ans, vient de l’antenne d’Annecy, qu’il dirigeait, celle-là même que rejoint Didier Fichaux, l’ancien directeur adjoint de la BDF de Moselle.
Originaire de la région lyonnaise, Lionel Brunet, fort d’un cursus dans les matières des finances et contrôle de gestion (diplôme de Sup De Co de Clermont-Ferrand) en 1994, a réalisé l’essentiel de son parcours à la Banque de France, ne faisant qu’une exception, au tout début de sa carrière au sein du Groupe Eiffage.
Déjà venu en Lorraine
Lionel Brunet possède un atout non négligeable dans sa promotion mosellane, il connaît bien le terrain pour avoir été nommé à la BDF de Nancy de 1997 à 2000 en tant qu’adjoint des services économiques et financiers, avant de faire un saut à l’antenne de Metz au service des affaires régionales de 2000 à 2007. Il occupe ensuite des postes à responsabilité à la BDF de Marseille (directeur du département des entreprises des Bouches-du-Rhône), pendant 6 ans, puis le poste d’adjoint au directeur de l’antenne de Dijon de 2013 à 2020, et enfin quatre années à la tête de la BDF de Haute-Savoie à Annecy. « Je savais que je reviendrai dans le Grand Est. J’aime bien cette région. C’est presque un retour aux sources » confie ce cadre visiblement très à l’aise dans son nouveau costume de patron de la BDF de Moselle. Une région, qui selon lui ressemble fort à celle de Haute-Savoie pour ce qui est de son tissu industriel, mais aussi pour son caractère transfrontalier. « La Moselle a beaucoup de similitudes avec la Haute-Savoie. Il y a comme ici avec le Luxembourg et l’Allemagne, beaucoup de travailleurs frontaliers vers la Suisse. »
Premier contact…
En attendant il a profité de cet été, avant de se présenter officiellement, pour mieux faire connaissance avec son équipe d’une soixantaine de personnes et aller à la rencontre des forces vives du département : le préfet, des dirigeants de grandes entreprises, des fédérations patronales et chambres consulaires. Autant dire qu’il a fort bien établi un premier contact avec les décideurs du département.
Son adjointe, Patricia Biscarat, prendra ses fonctions le 4 novembre prochain. Après des études supérieures orientées vers la comptabilité, l’économie, les finances, elle a fait l’essentiel de son parcours à la Banque de France, en particulier à la succursale de Lyon, ne faisant exception qu’à Thiers et à Annonay pendant quelques années.
Rappel de quelques missions
Lionel Brunet décline d’entrée les missions de la Banque de France, dont le fiduciaire. « À Metz c’est encore le cas, car des transporteurs de fonds y passent, pour collecter les billets et des fonds à la demande de leurs clients. On a encore une activité de grossiste pour la filière. Les billets quand ils arrivent, on les passe dans une machine qui détermine quelques faux qu’on élimine, et surtout contrôle la qualité des billets avant leur mise en circulation. C’est notre rôle premier. » Une partie est consacrée au service des particuliers, notamment les plus fragiles. Elle traite du surendettement des particuliers. La Banque de France tient le rôle de secrétaire de la commission de surendettement présidée par le préfet. Pour le service des entreprises « la Banque de France cote les entreprises au-delà d’un certain chiffre d’affaires. On analyse leurs comptes et on attribue une cotation. Elle s’intéresse aux comptes de la société, à sa capacité à honorer ses échéances à long terme, mais prend en compte des données concernant son marché, la concurrence, ses clients, sa gouvernance, voire sa politique en matière sociétale et environnementale, RSE. » Un indicateur climat, indépendant de la cotation BDF existe depuis 2023. Il ne concerne pour l’instant que les grandes entreprises du transport, de la production. Elles doivent naturellement répondre sur leur stratégie de décarbonation de leur production.
De la médiation du crédit à l’éducation financière
Autre rôle devenu déterminant pour bon nombre d’entreprises, la médiation du crédit. « Les entreprises peuvent la saisir gratuitement, en toute confidentialité. Depuis 2008/2009, l’entreprise en difficulté peut nous saisir. Dans 6 cas sur 10 on arrive à trouver des solutions plus favorables à l’entreprise. » La BDF peut en effet intervenir auprès des établissements financiers, les banques pour négocier une solution. La Banque de France est surtout reconnue pour être un « outil de conjoncture » à travers ses enquêtes trimestrielles ou annuelles menées auprès des entreprises. « Nous disposons d’un réseau, avec un panel d’informateurs de conjoncture qu’on contacte chaque mois et auxquels on pose toujours les mêmes questions, afin de voir l’évolution de leur situation. » À la différence de l’INSEE qui est selon lui « dans la précision, la Banque de France est dans la tendance. »
Enfin la Banque de France devient acteur de l’éducation financière du public. C’est une initiative du gouverneur de la BDF François Villeroy de Galhau. « Nous avons de vraies missions en la matière auprès des lycéens, étudiants, travailleurs sociaux et des publics plus fragiles. On a cette volonté de diffuser des notions de gestion budgétaire, familiale et des notions d’économie. » Ce volet pédagogique se concrétise aussi en s’inscrivant dans le SNU, le service national universel, « pour que les jeunes s’approprient dans une démarche citoyenne, des notions de base en matière économique et financière. »
Conjoncture : l’effet JO
Lionel Brunet a fait un rapide point de conjoncture de rentrée. Une projection intermédiaire est tombée à l’heure de notre rencontre, en fin de journée, le 17 septembre. Elle annonçait clairement un effet Jeux Olympiques sur les prévisions de croissance de 2024. « En moyenne annuelle, elle passerait de 0,8% qui est une prévision datant de juin, à + 1,1%, soit +0,3%. C’est une bonne nouvelle. Elle est très proche de celle de l’INSEE. Au second semestre, l’effet défavorable de l’incertitude accrue serait transitoirement compensé par l’effet favorable des Jeux Olympiques » précise le communiqué de la BDF. Il souligne qu’en début d’année 2024 « la Banque de France n’avait pas fait de prévisions sur l’impact des Jeux Olympiques. »
Lionel Brunet parle des 3 R : « 2023, année du ralentissement économique sans récession contrairement à l’Allemagne. 2024, année de résilience avec un taux de croissance faiblement positif et la reprise espérée pour la suite. » La BDF prévoit ainsi une croissance de +1,2% en 2025, et de +1,5% en 2026. « Cette projection est entourée d’aléas importants » précise la BDF, à commencer par l’incertitude politique, et les risques géopolitiques (guerre en Ukraine, situation au Proche-Orient, tensions commerciales).
L’inflation maîtrisée
« Pour ce qui est du taux d’inflation, il est maintenu en moyenne annuelle à +2,5%, sachant qu’il est actuellement à 2,1%, il devrait être en fin d’année autour de 2% » confirme Lionel Brunet. « Et c’est une grande satisfaction. Et ça signifie que la mission de lutter contre la hausse des taux d’inflation a été réussie » dit-il. C’est le fruit des décisions qui ont été prises en matière monétaire avec le la hausse des taux d’intérêt de la BCE. « L’inflation est aujourd’hui davantage portée par les services » explique le directeur départemental.
Les entreprises interrogées par la Banque de France, comptent, augmenter en moyenne les salaires de leurs collaborateurs d’environ 3%. « Ces salaires qui augmentent un tout petit peu plus vite que l’inflation, peuvent redonner du pouvoir d’achat » précise M. Brunet. Il y a eu une tendance de l’emploi favorable. « Entre 2016 et 2023 il y a eu quasiment 1,2 million de créations d’emploi nettes. Quand vous créez de l’emploi, que vous remettez sur le marché du travail des personnes qui n’avaient plus d’emploi, vous créez du pouvoir d’achat. Mais celui qui a déjà un emploi ne ressent pas forcément cette hausse de pouvoir d’achat. En termes de macroéconomie, dès lors que vous recréez de l’emploi, forcément vous distribuez du pouvoir d’achat. »
L’emploi : une très légère dégradation
Selon Lionel Brunet, le chômage qui était annoncé en hausse en 2024, le sera certes, mais nettement moins. « On prévoit le taux de chômage autour de 7,5%, alors qu’il était tombé à 7%. Cela dit les entreprises, touchées par un ralentissement de commandes, préfèrent conserver leurs équipes, les former, plutôt que de les lâcher sur le marché, les licencier. C’est une évolution marquante. Ralentissement ne veut pas forcément dire forte détérioration de l’emploi. » L’approche entre croissance et emploi évolue. « Il y a plus d’une dizaine d’années, on disait que pour créer de l’emploi, il fallait une croissance de 2,2 à 2,4. En dessous ce n’est pas la peine. Or depuis 2016 on s’aperçoit que ce n’est pas vrai. On arrive à créer de l’emploi avec 1,3% de croissance. Le modèle de développement de l’emploi a un peu changé. »
Défaillances d’entreprises : le niveau d’avant Covid
Il termine son tour d’horizon par les défaillances d’entreprises. « Au niveau national et départemental on est dans la tendance. On constate qu’on a rattrapé le niveau de défaillances qu’on avait au moment de rentrer dans le Covid de 2020. Les augmentations sont fortes. Pour autant, on a juste dépassé le niveau d’avant Covid. Les créanciers publics ont recommencé à recouvrer leurs créances depuis septembre 2023. Sur les PGE, prêts garantis par l’État, plus de la moitié ont été remboursés. Les défauts qu’on a sur les PGE ne sont pas supérieurs à un emprunt classique. Le PGE a rempli son rôle. » Il ajoute tout de même qu’à ce phénomène des défaillances d’entreprises à la hausse, répond celui « des créations d’entreprises qui n’a jamais été aussi élevé ! »
Emploi, défaillances d’entreprises, autant de données que nous avons évoquées récemment dans ces colonnes (Voir N°69/70 des 27/30 août et N°73/74 des 10/13 septembre).