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Grand Est Paru le 07 janvier 2025
SITUATION ÉCONOMIQUE ET INDICATEURS CONJONCTURELS

L’analyse croisée de l’URSSAF Alsace, la Banque de France et la Direction Régionale des Finances Publiques

Comme chaque année, la rencontre avec l’URSSAF Alsace, la Banque de France et la Direction Régionale des Finances Publiques permet d’annoncer les chiffres économiques et les indicateurs conjoncturels du secteur. Les acteurs de ces trois organismes proposent une analyse croisée, toujours riche d’enseignement.

De gauche à droite : Laurent Sahuquet, Directeur régional Grand Est de la Banque de France. Sabine Karst, Directrice comptable et financière, en charge des statistique de l’URSSAF Alsace. Valérie Bour, Directrice régionale adjointe de la Banque de France. Laurent Garnier, Directeur régional des Finances Publiques Grand Est et Bas-Rhin.

L’inflation en baisse

Laurent Sahuquet, Directeur régional Grand Est de la Banque de France ouvre la conférence de presse, avec une annonce positive : Nous gagnons la bataille contre l’inflation ! Celle-ci baisse. Pour 2025, les estimations indiquent un taux d’inflation attendu à + 1,6 % pour la France. Il sera inférieur à celui de la zone Euro (estimation à 2,1 %). C’est une bonne nouvelle pour le pouvoir d’achat ! Car désormais, les salaires augmentent plus vite que les prix. Si en 2024, le taux d’inflation était à 2,4 %, l’augmentation des salaires était à 2,8 %. Cet écart positif va s’accentuer en 2025, entre un taux d’inflation estimé à 1,6 % et une augmentation des salaires qui restera stable à 2,8 %. Ces gains de pouvoir d’achat devraient avoir un impact positif sur la consommation, avec une progression de 0,9 % espérée en 2025, et même supérieure en 2026 (la progression était de 0,8 % en 2024). Le fait que le taux de la consommation reste stable est lié à l’impact du taux d’épargne, qui reste élevé en France (18 % en 2024). C’est à dire supérieur de + 3,5 % à celui enregistré avant COVID. En 2025, le taux d’épargne devrait légèrement baisser, et plus certainement encore en 2026.

Les experts décodent les chiffres

La baisse de l’inflation aura également un impact positif sur les taux d’intérêt. Des mesures politiques extrêmement fortes ont été mises en place, et elles devraient persister. Lors d’une conférence de presse, la Banque Centrale Européenne (BCE) a indiqué que la baisse des taux devrait se poursuivre, et de ce fait, la France devrait se rapprocher du point neutre de la politique monétaire, qui se situe entre 1,75 et 2,5 %.

Les risques sont globalement orientés à la baisse, par rapport aux projections de croissance et – dans une moindre mesure – d’in­flation. Le contexte politique national, et donc budgétaire, est très incertain. De ce fait, les aléas sont orientés à la baisse sur la crois­sance française, avec le risque de comportements plus attentistes des consommateurs et des investisseurs. S’ajoutent également les risques géopolitiques. La guerre en Ukraine, la situation au Proche-Orient ou en mer Rouge constituent toujours des foyers d’instabilité, pouvant aggraver les pressions sur les prix du pétrole et du gaz, et sur les coûts du transport maritime, induisant un aléa à la hausse sur l’inflation et à la baisse sur l’activité. Les résultats de l’élection américaine de début novembre 2024 augmentent le risque de fragmentation du commerce international, constituant ainsi un aléa significatif pour les projections.

L’évolution des taux de crédits à l’habitat

Nous sommes dans une phase de normalisation du taux de crédit à l’habitat sur 15 ans, qui se situe actuellement à 3,5 % et devrait continuer à baisser, pour atteindre 3,2 % en moyenne l’an prochain.

Le volume des crédits immobiliers très fortement à la baisse (environ 10 milliards actuellement, contre 20 milliards lorsque les taux étaient proches de 1 %) se répercute sur le marché de la construction et de l’habitat. Ces secteurs ont connu une année 2024 très difficile, qui persistera en 2025, avant d’amorcer une reprise en 2026.

Les dernières prévisions de croissance pour 2024 étaient de 1,1 %. Pour 2025, le taux de croissance initialement prévu à 1,5 % a été réajusté à 0,9 % en tenant compte de l’élément d’incertitude lié au contexte politique et budgétaire français.

Focus sur le taux de chômage et les défaillances d’entreprise

32 % des entreprises indiquent avoir des difficultés de recrutement. Dans le secteur de l’industrie, cela est moins marqué (20 %). Une remontée du chômage est prévue en 2025 et 2026, avec une estimation à 7,8 % fin 2025 (donc 40 000 créations d’emplois en moins), avant de passer à 7 % en 2027.

La trésorerie des entreprises reste tendue, et frise le 0 %. Les défaillances d’entreprises au niveau national se stabilisent, avec environ 65 000 défaillances sur une année (elles étaient à 59 000 avant COVID). Le nombre de défaillances actuel est lié à un effet rattrapage (des entreprises auraient disparu si elles n’avaient pas été soutenues pendant la période COVID – « entreprises zombies »).

Faire sauter les tabous pour réduire la dette publique

Une légère progression de la dette française est prévue pour 2025. Selon le Gouverneur de la Banque de France, il faut absolument revenir au niveau de 5 % pour le déficit de la dette publique, puis à 3 % en 2029, car il en va de la crédibilité de la signature. Le premier problème de la France est lié à la dépense publique. Ce modèle social coûte à la France environ 10 points de plus que la moyenne européenne. Par conséquent, il faut faire sauter le tabou des hausses d’impôts, y compris sur les populations fragiles. La méthode gagnante serait de réduire d’un tiers les dépenses publiques, et d’augmenter de deux tiers les recettes.

L’activité des auto-entrepreneurs et des PME suit la même tendance

Sabine Karst, Directrice comptable et financière, chargée des statistiques de l’URSSAF Alsace, a expliqué les derniers chiffres recensés.

Au niveau régional, la production industrielle reste atone, avec toutefois un courant d’affaires qui augmente. L’emploi continue à se détériorer avec de nombreux emplois précaires qui restent la variable d’ajustement des entreprises. Les carnets de commandes dans le secteur du bâtiment sont plutôt satisfaisants pour le second œuvre, mais reste trop faible pour le gros œuvre.

Les PME voient un recul de leur activité. Une augmentation des défaillances de 22 % est enregistré en France, et de 13 % dans le Grand Est.

Les effectifs salariés du secteur privé demeurent en repli

Un repli des effectifs de -0,3 % (soit 4 980 postes perdus) est enregistré dans le Grand Est, et de -0,2 % en Alsace (soit 1 030 destructions), sur un an. Toutefois les effectifs salariés de l’héber­gement-restauration sont toujours bien orientés : + 2,3 % (soit 2 070 créations nettes en un an) pour le Grand Est, et + 4 % en Alsace. Le tourisme et la restauration bénéficient d’un phénomène de rattrapage d’après COVID. Et tous les professionnels du secteur indiquent un bon niveau d’activité en 2024. Dans l’Est de la France, la restauration serait même la meilleure année réalisée.

Les derniers chiffres connus, concernant le nombre de déclarations d’embauches enregistrées en Alsace, s’élève à 589 849. Dont 44 % sont des salariés de moins de 30 ans, 45 % sont âgés de 30 à 54 ans, et 11 % ont 55 ans et plus.

Un ralentissement de l’activité économique

Pour Laurent Garnier, Directeur régional des Finances Publiques Grand Est et Bas-Rhin, les chiffres enregistrés par les Finances Publiques démontrent le ralentissement de l’activité économique.

Ainsi, l’évolution du chiffre d’affaires national est clairement à la baisse : + 1,1 % en 2024 versus 2023 (et + 9,6 % en 2023 vs 2022). Et cela est particulièrement significatif en région Grand Est : -1,4 % versus 2023 (et + 8 % en 2023 vs 2022). Plus précisément dans le Bas-Rhin, le chiffre d’affaires accuse une baisse de -0,03 % par rapport au CA de 2023 (en 2023, il avait connu une hausse de + 14,8 % par rapport à 2022). Et dans le Haut-Rhin, le chiffre d’affaires accuse une baisse de -3,0 % par rapport au CA de 2023 (en 2023, il avait connu une hausse de + 3,3 % par rapport à 2022).

Il n’y a pas eu d’effondrement du chiffre d’affaires de la construction, malgré les annonces de réduction des nouvelles constructions.

Des projets d’investissements bloqués

Du côté des investissements, le Bas-Rhin reste positif : + 7 % en 2024 versus 2023 (+ 15,5 % en 2023 vs 2022). Le Haut-Rhin est moins performant avec -8,9 % en 2024 versus 2023 (+ 19,8 % en 2023 vs 2022). L’incertitude actuelle et des carnets dépourvus de commande rendent les entreprises attentistes. Une attitude qui se répercute sur l’investissement.

2024 est une année coupée en deux pour les entrepreneurs : le début d’année était porté par de nombreux projets, qui ont finale­ment été mis en attente depuis la dissolution du gouvernement. Par ailleurs, les précédents investissements, liés à la rationalisation des coûts de l’énergie ont déjà été réalisés. Actuellement, les projets d’investissements axés sur le développement économique sont mis en attente, car les entrepreneurs craignent que les exportations à l’international deviennent plus difficiles.

2 600 €

C’est le salaire moyen brut, en Alsace.

CH. BE