Grand Est Paru le 11 mars 2025
CONJONCTURE

Banque de France : l’effet JO a compté

Le point de conjoncture annuel de la Banque de France s’appuyant sur une enquête régionale auprès des entreprises fait apparaître pour 2025 l’inquiétude des entrepreneurs face à l’incertitude politique et économique. En 2024 la croissance a profité de l’effet J.O.

Lionel Brunet, directeur départemental de la Banque de France en Moselle

Lionel Brunet, directeur départemental de la Banque de France en Moselle, a ouvert sa conférence annuelle autour de l’enquête régionale de conjoncture auprès des entreprises du Grand Est, par un point macroéconomique, une façon de planter le décor. Sans surprise, l’année écoulée s’est traduite par une « grande incerti­tude politique et économique. » Il fait cependant le constat que « l’économie mondiale a résisté en 2024 et l’inflation a continué de refluer. » Un fait qui change considérablement la donne. De fait, elle atteint un pic de 5,7% en 2023, et tombe ensuite à 2,4% en moyenne annuelle en 2024. Une bonne nouvelle car « elle s’inscrit durablement sous les 2%. Le pari de gagner contre l’inflation est gagné. » De quoi booster le pouvoir d’achat car dans le même temps la hausse des salaires a profité d’une hausse de +2,8%. Cette baisse de l’inflation entraîne ipso facto une baisse de la rémunération du taux d’épargne, le taux du livret tombe de 3% à 2,4% ce qui s’est très vite répercuté sur la collecte de janvier 2025, qui est en chute libre tombant sous les 350 M€.

Un PIB soutenu par l’effet JO

Selon le FMI (Fonds monétaire international) la croissance mon­diale de 2024 s’établit à +3,2%, alors que celle de la Zone Euro se fixe à 0,8% après une hausse de 0,4% en 2023. En France sur l’ensemble de l’année 2024, la croissance du PIB s’établit à +1,1%. « On n’est pas en récession, quand un grand pays voisin, l’Allemagne enregistre une récession pour la deuxième année consécutive. La France résiste bien. Mais c’est aussi le fait d’un effet Jeux Olympiques qui est estimé à + 0,2%. »

« Croissance molle en 2025 »

Mais l’estimation de la croissance de 2025 est plus pondérée. « On va vers un PIB à +0,9% : une croissance molle» pour Lionel Brunet. Selon les projections macroéconomiques de la Banque de France en décembre 2024, « l’activité resterait ralentie en 2025 avant de se raffermir ensuite. » La BDF l’explique par le fait que la demande intérieure serait affectée non seulement par les mesures de conso­lidation budgétaire, mais aussi par le contexte de forte incertitude qui les entoure. En 2026, selon la BDF, la croissance rebondirait à +1,3%, favorisée par la détente des conditions financières. Celle-ci permettrait à l’investissement privé de contribuer à nouveau positivement à la croissance et à la consommation des ménages, laquelle progresserait à un rythme plus soutenu. On retrouverait le même taux de croissance en 2027.

Pour Lionel Brunet « le moteur de la croissance en 2024 a été la consommation des ménages, +0,4% en décembre 2024, ainsi que la contribution du commerce extérieur, surtout grâce à de gros contrats. Ce n’est pas l’investissement qui a contribué à cette croissance. » La BDF prend soin de préciser, que « son scénario de référence dans ses prévisions ne prend pas en compte le risque de tensions commerciales en cas de hausse des droits de douanes aux États-Unis, dont les effets sont difficiles à chiffrer. » Cette incertitude majeure, aurait des effets sur l’inflation et sur le niveau de l’activité. Pour ce qui est des conclusions de l’enquête régionale auprès des entreprises, lire les Affiches N° 12/13 du 11/14 février 2025.

Baisse des taux

« Dans le même temps, selon nos prévisions, l’inflation reculera encore à +1,6%. » Un ralentissement des prix favorisé par celui de l’alimentation, de l’énergie et de biens manufacturés, alors qu’elle baisserait plus lentement dans les services. Une baisse des prix qui a permis à l’Eurosystème (la Banque centrale européenne) d’entamer une « phase d’assouplissement monétaire. » En janvier 2025, le taux de dépôt a baissé de 0,25 point de pourcentage pour atteindre 2,75%. « Il s’agit de la cinquième baisse des taux directeurs depuis juin. Les taux ont reculé de 1,25 point de pourcentage depuis leur pic atteint en septembre 2023. » Ce qui devrait en toute logique relancer le marché immobilier, atone depuis plusieurs mois. Du reste Lionel Brunet relève que « les crédits à l’habitat repartent à la hausse depuis le mois de mai 2024. Pas aussi fortement qu’au­paravant, mais ça repart. »

Le marché du travail s’ajuste

Qu’en est-il du chômage ? Pour la Banque de France « la situation du marché du travail a été particulièrement dynamique depuis la fin de la pandémie. » Mais la baisse de l’activité devrait avoir un effet négatif sur l’emploi qui « s’ajuste avec retard au ralentissement économique, avec un rattrapage seulement partiel des pertes passées de productivité. » Pour autant le marché de l’emploi, dans cette phase transitoire de ralentissement concentrée sur 2025, ne verrait pas exploser le taux de chômage. « Il resterait sous le pic des 8% en 2025 et 2026 avant de repartir à la baisse dans le sillage de la reprise de l’activité. Globalement l’emploi tient relativement bien » assure Lionel Brunet.

« On crée de l’emploi avec moins de croissance »

Lionel Brunet met l’accent sur la nette baisse du recours aux in­térimaires, en particulier dans l’automobile. À l’exemple de l’usine de la Sovab à Batilly qui produit les Renault Master. Le site adapte actuellement ses effectifs. « La partie intérim a trinqué. Que ce soit l’industrie, les services marchands ou la construction, l’adaptation à l’activité s’est faite par l’intérim. Selon les agences d’intérim, 2024 a été une année très compliquée » souligne le directeur départemental de la Banque de France. En parallèle, les entreprises interrogées dans le cadre de l’enquête régionale, « éprouvent encore de fortes difficultés à recruter. De fait, pour 40% des entreprises, si elles avaient pu recruter, auraient pu produire davantage. » C’est une question récurrente. Cela dit, selon Lionel Brunet, « aujourd’hui en France avec un taux de croissance modeste, légèrement en-dessous de 1%, on arrive quand même à créer de l’emploi. Il y a 15 ans, on vous disait qu’en dessous de +2,5% de PIB, vous ne créez pas d’emploi. »

L’épargne au plus haut

Le taux d’épargne des Français est de 18% actuellement. « Il était monté à 21% pendant cette crise. Quand on évoque ce taux de 18% on parle de revenu disponible. La moyenne long terme est plutôt 14,5%. Cela signifie que l’épargne revient, mais très pro­gressivement dans le circuit économique. Toute l’épargne qui a été suractivée pendant la crise sanitaire n’est pas encore revenue dans l’économie. Mais elle peut revenir par de la consommation, de l’investissement. C’est une bonne nouvelle. »

Défaillances d’entreprises : la Moselle fait mieux

Lionel Brunet n’a pas esquivé la forte augmentation des défail­lances d’entreprises en 2024. « Elle est autour de 66 000 au niveau national, soit un niveau plus élevé que celui d’avant covid. C’est + 12% par rapport à 2023. Il y a un effet rattrapage covid, jusqu’à l’été 2023 les recouvrements des créances publiques étaient en standby. Depuis ils ont repris leur cours normal ce qui a généré une forte accélération des défaillances. Depuis avril 2024, on a dépassé le niveau avant covid. En revanche, en Moselle, les défaillances ont crû de 4% avec 690 défaillances, soit nettement moins qu’au niveau national. Sur ce point, la Moselle est plutôt préservée. »

Il peut conclure sur le fait que « l’incertitude n’est jamais favorable à l’économie, notamment pour l’investissement. Mais l’incertitude est aujourd’hui plus internationale que nationale. »

Moselle : le surendettement en hausse

La commission de surendettement du département de la Moselle vient de publier le nombre de dossiers déposés en 2024. Il s’élève à 1583 soit une hausse de 7,8% par rapport à 2023. Une hausse moins marquée qu’au niveau régional (+10,3%) et national (+10,8%).

La Banque de France qui gère les dossiers de surendettement parle « d’une reprise du surendettement dans le département de la Moselle en 2024, mais sans remise en cause du mouvement baissier de long terme. » Les dossiers enregistrés concernent 1873 personnes. En Moselle le niveau des dépôts de 2024 reste néanmoins inférieur de 9,3% à celui de 2019, année de référence en période de pré-pandémie. La courbe du surendettement des ménages en Moselle, qui avait fortement fléchi à la fin des années 2010, avant de se stabiliser, est repartie à la hausse… mais une hausse relative si l’on considère qu’en 2012 on approchait les 3000 dépôts de dossiers de surendettement. Cette augmentation de 2024 ne remet pas en cause la tendance baissière de long terme observée par la commission départementale.

179 dossiers pour 100 000 habitants

Le département de la Moselle compte 179 dépôts de dossiers de surendettement pour 100 000 habitants en 2024 (11e dé­partement français où le nombre de dossiers déposés pour 100 000 habitants est le plus faible). La région en compte 236 et la France métropolitaine 245.

En 2024 l’endettement contracté par l’ensemble des ménages surendettés du département de la Moselle s’élève à 50 millions d’euros. Ce montant se répartit en :

- 50% de dettes à la consommation ;

- 26% de dettes immobilières ;

- 22% de dettes de charges courantes et autres.

L’endettement médian hors immobilier des ménages surendettés s’établit à 18 531 euros contre 17 485 € au niveau régional et 17 447 euros au niveau national.

Les effacements de dettes

En 2024 l’encours des dettes effacées dans le département de la Moselle s’élève à 12 millions d’euros, soit 23,5% du montant total des dossiers de surendettement clos en 2024 (effacement de dettes total ou partiel), contre 28% au niveau régional et 25,1% au niveau national. Le montant moyen effacé par dossier s’élève à 16 224 €, contre 18 330 € au niveau régional et 19 728 € au niveau national.

La mobilisation de la BDF pour accompagner les ménages

La meilleure façon de lutter contre le surendettement des mé­nages est la prévention. Celle-ci passe par un accompagnement des ménages. Une mission que mène la BDF en Moselle auprès des ménages les plus fragiles, en fournissant sous la houlette de Lionel Brunet, son directeur départemental à Metz, « des services d’inclusion financière pour informer, orienter et accompagner les personnes rencontrant des difficultés financières. »

Elle anime dans le même temps un Conseil départemental de l’inclusion financière (CDIF) qui sous la présidence du directeur départemental, permet de connaître et faire connaître les dispo­sitifs d’inclusion financière au sein du département, de diffuser le résultat des travaux de l’Observatoire de l’Inclusion Bancaire au sein des territoires et de capter les préoccupations et les attentes en matière d’inclusion financière. 15 personnes, prioritairement des praticiens et des représentants des secteurs bancaire, associatif et institutionnel, y siègent.

Mais cela passe aussi par une simplification des démarches des usagers : depuis la fin 2024, pour simplifier ces démarches des usagers, le site de la Banque de France « Mes demandes en ligne » permet le dépôt d’un dossier de surendettement en ligne à deux déposants (avec un co-déposant).

À noter que 93% des personnes accompagnées ont été satisfaites de la qualité de l’accueil et de la prise en charge des demandes de renseignement par la Banque de France.

12% des adolescents ont déjà été endettés

Endettés avant d’être majeurs ? Selon une étude de Pixpay, une start-up créée en 2019, dont l’ambition est de révolutionner les solutions de paiement des adolescents, « plus d’un adolescent français sur dix a déjà contracté une dette, le plus souvent au­près d’un parent ou d’un proche. » Manque d’argent, tentations de consommation, inflation sont les raisons mises en avant pour expliquer le phénomène. « Il cache aussi un rapport complexe à l’argent » explique l’étude de Pixpay. En résumé, il est acquis que pour les adolescents « gérer son argent, ça s’apprend ! » Et l’étude cite les pays scandinaves où « l’éducation financière est une priorité et qui connaissent des taux d’endettement les plus bas. »

« Primer les envies sur le budget »

Dans le détail, l’étude révèle que « 12% des adolescents français ont déjà contracté une dette. » D’autres demandent un acompte sur argent de poche. 54 % des 10-18 ans demandent des avances sur leur petite allocation mensuelle, un chiffre qui atteint même 67% chez les 17 ans. Le constat est clair : « Les petits Français dépensent plus d’argent qu’ils ne peuvent se le permettre. » Les adolescents expérimentent au quotidien l’argent comme une res­source rare. « Mais dans le même temps, parce qu’ils perçoivent l’achat de produits et de marques comme un moyen d’expression, de participation sociale, nombreux sont ceux qui font primer leurs envies sur le budget. Le plaisir immédiat l’emporte sur les inves­tissements » indique la synthèse de cette étude.

Ainsi 12,5% des ados ont une méthode d’épargne activée sur leur application Pixpay et à peine 115 € en moyenne sont mis de côté dans les précieux coffres-forts.

Cette situation interpelle les parents qui se montrent inquiets. « 57% se disent aujourd’hui préoccupés par l’avenir financier de leurs enfants. 95% estiment désormais essentiel que leur enfant bénéficie d’une éducation financière et 94% jugent même qu’ils sont les mieux placés pour la lui apporter. »

Caroline Ménager, cofondatrice de Pixpay en tire cette conclusion : « Il est essentiel de parler d’argent à nos enfants. En leur parlant des risques d’endettement, de l’importance de l’épargne ou encore des possibilités créées par l’investissement, on leur donne les clés pour être à l’aise avec leurs finances plus tard. En la matière rien ne vaut la pratique (..) afin de leur permettre de développer une vraie sérénité face à l’argent. »

Plus d’information surwww.pixpay.fr

Infos pratiques

* L’accueil multicanal de la Banque de France pour les particuliers :

- Dans la Banque de France la plus proche de chez vous sur rendez-vous. Accueil du lundi au vendredi.

- Par téléphone au 3414 « Allô Banque de France » du lundi au vendredi de 8h à 18h.

- Par courrier pour toutes demandes Banque de France TSA 50120 75035 Paris Cedex 01

- Sur le site internet www.banque-france.fr sur l’Espace particuliers.

* Accueil physique sur rendez-vous dans les implantations mosellanes :

- à Metz 12 avenue Robert Schuman, du lundi au vendredi inclus de 9h à 12h et de 13h30 à 17h.

- Au Centre communal d’Action Sociale Maison de la Solidarité 5 rue de la Paix à Sarreguemines, lors des permanences les lundis, mercredis et vendredis de 9h à 12h et de 13h30 à 16h30.

- Au Centre Communal d’Action Sociale 29 boulevard Jeanne d’Arc à Thionville, lors des permanences les mardis et jeudis de 9h à 12h et de 13h30 à 16h30.

* Les points conseil Budget de Moselle sont aussi à disposition :

- Centre Social Jean Morette Place Roger Claude à Fameck

- Crésus Metz Borny 3 bis Rue d’Anjou à Metz

- UDAF Moselle Rue Royal Canadian Air Force à Metz

- UDAF Moselle 29 boulevard de Lorraine, à Saint-Avold

- Centre Social Jacques Prévert 10 Boucle des Près Saint-Pierre à Thionville

Bernard KRATZ