Grand Est Paru le 20 mai 2025
4è MATINÉE DE L’EAU À PONT-À-MOUSSON

Eaux pluviales, eaux usées : quelle place dans la transition écologique ?

La 4e matinée de l’eau organisée par les Canalisateurs de Lorraine dans les locaux du Technocentre de Saint-Gobain à Pont-à-Mousson fin mars dernier a permis d’aborder un des thèmes majeurs de la transition écologique : la gestion des eaux usées et eaux pluviales.

Sébastien Streiff délégué régional des Canalisateurs de Lorraine

Sébastien Streiff, le délégué régional des Canalisateurs de Lorraine, l’a dit d’entrée : « La gestion des eaux usées et des eaux pluviales occupe une place centrale dans la transition écologique. Ces eaux, souvent négligées, sont pourtant des éléments clés pour la préservation de notre environnement (…) » Il a enchaîné par une démonstration qui replace « ces eaux négligées » au coeur de nos réseaux d’eau, au coeur de la problématique de la ressource en eau. Une donnée est frappante : l’indice de connaissance et de gestion du patrimoine du réseau : pour les eaux usées, celui-ci est de 67 points sur 120 et inconnu pour les réseaux d’eaux pluviales. Cet indicateur est en revanche de 102 points sur 120 pour ce qui est du réseau d’eau potable. « Cela pose pour commencer le pro­blème d’une méconnaissance partielle préjudiciable à une bonne gestion… » affirme le délégué régional.

La valorisation de ces eaux

Autre constat important, l’état de la valorisation de ces eaux. Les estimations pour la valorisation du réseau d’eaux usées sont à peu près de 125 milliards d’euros, avec un besoin annuel de renouvel­lement compris entre 1,6 et 2,1 milliards d’euros soit 1,5% environ.

Quant au réseau d’eaux pluviales, sa valorisation serait comprise entre 30 et 42 milliards d’euros, avec un besoin de renouvellement annuel entre 400 et 700 M€ (1,5%).

Étude de réseaux

La dernière enquête sur la gestion des eaux usées et pluviales date de 2008 ! Elle révèle que :

• Le réseau unitaire, collectant à la fois les eaux usées et pluviales, représente environ 100 000 km en France.

• Le réseau eaux pluviales strictes : 100 000 km.

• Le réseau eaux usées strictes : 200 000 km.

Ce qui fait 400 000 km pour la totalité des réseaux d’assainissement.

Le lien avec les inondations

Difficile de ne pas faire le rapprochement avec les inondations engendrées par les eaux pluviales et les débordements des cours d’eau, souvent freinés par l’urbanisation. Le coût des dommages économiques liés aux inondations est estimé à 650 M€ par an. Une donnée à mettre en rapport avec les 3 à 4 milliards de besoins d’investissements évoqués plus haut. Sébastien Streiff a ainsi rap­pelé les derniers événements climatiques d’envergure vécus sur le territoire, en métropole et Outre-mer. En métropole, en particulier dans les Hauts-de-France, les intempéries, les épisodes de pré­cipitations intenses ont provoqué des crues, des coulées de boue et des inondations à répétition. En Outre-mer, le cyclone Chido a causé de très importants dégâts à Mayotte en 2024.

Des financements en baisse pour l’assainis­sement…

Le délégué régional des Canalisateurs de Lorraine a achevé son tour d’horizon par des chiffres éloquents :

- Entre 2007 et 2020, les financements alloués aux réseaux d’as­sainissement domestiques ont diminué de 28% ;

- Les dépenses des Agences de l’Eau pour la gestion des eaux pluviales ont en revanche augmenté, passant de 16 millions d’eu­ros en 2019 à 119 M€ en 2024. Cela représente entre 15 à 30% des besoins ;

- Pour l’année 2024, les travaux sur le réseau d’assainissement et d’eaux pluviales représentent respectivement 57% et 11% des budgets primitifs alloués à l’eau dans les métropoles.

Un enjeu sanitaire….

Les eaux usées, issues de nos activités domestiques, industrielles et agricoles, représentent un enjeu sanitaire et environnemental de premier ordre. « Leur traitement et leur recyclage sont essentiels pour préserver la qualité de nos ressources en eau et protéger notre santé » estime le délégué régional. Et les solutions ne manquent pas selon lui. De fait, les technologies modernes de traitement des eaux usées nous offrent des solutions innovantes pour transformer ces eaux en ressources précieuses, réutilisables dans l’agriculture, l’industrie ou même pour l’irrigation urbaine.

Une ressource naturelle

Quant aux eaux pluviales, elles sont une ressource naturelle abondante mais souvent mal gérée. « Leur collecte et leur gestion intelligente peuvent contribuer à réduire les risques d’inondation, à recharger les nappes phréatiques et à fournir une eau de qualité pour divers usages d’eau non potable » poursuit Sébastien Streiff. Les solutions basées sur la nature, comme les toitures végétalisées, les noues (ndlr : terre grasse et humide) et les bassins de rétention, sont autant de moyens de valoriser cette ressource tout en amélio­rant notre cadre de vie. « Mais pour une gestion efficace et durable, il faut aussi reconnaître le rôle central de tous les acteurs » dit-il.

Les professionnels de l’ombre

Cette synthèse ne pouvait déboucher que sur le constat de la place des canalisateurs dans ce programme. Il le dit haut et fort : « Nous, canalisateurs, professionnels de l’ombre, sommes les gar­diens de nos infrastructures souterraines. Notre compétence est essentielle pour la collecte, le transport et le traitement des eaux usées et pluviales. Nous sommes en première ligne pour maintenir et moderniser nos réseaux, garantissant ainsi la sécurité sanitaire et environnementale de nos communautés. »

À l’issue des échanges très fructueux, il a retenu l’immense effort d’investissement indispensable pour renouveler les réseaux d’eau et se pose en lanceur d’alerte : « Un renouvellement au rythme annuel actuel nécessiterait 200 ans ! Nous ne pouvons laisser cette dette invisible aux générations futures. »

Il a vu dans la seconde table ronde se dessiner une solution durable et pertinente : l’infiltration des eaux. Mais en la matière le délégué régional des canalisateurs appelle à anticiper : « les solutions d’in­filtrations doivent exiger un suivi et des précautions particulières pour éviter de rendre l’infiltration inopérante. » Il faut en effet tenir compte de la nature des sols. Il en a profité pour inviter les acteurs et décideurs à solliciter l’Agence de l’eau : « Elle se tient à vos côtés pour vous accompagner et financer vos projets. »

Il a porté haut la voix de la profession dans un lieu qui produit les plus belles canalisations au monde, Saint-Gobain PAM. Ces fameux tuyaux de couleur bleue fabriqués en fonte ductile.

Le poids des collectivités locales

Les canalisateurs ne seraient rien sans les donneurs d’ordre, que sont les collectivités locales. Sébastien Streiff leur tend la main, les appelle à investir. « Elles jouent un rôle crucial dans la planification et la mise en œuvre des politiques de gestion des eaux. Elles sont les mieux placées pour connaître les besoins spécifiques de leurs terri­toires et adapter les solutions aux réalités locales. Leur engagement est essentiel pour promouvoir des pratiques durables et pour sensibiliser les citoyens aux enjeux de la transition écologique. »

Les TP au cœur des préoccupation des élus

Il revient sur une récente enquête commandée par la société SADE et menée par l’institut Odoxa. Elle a été publiée et commentée lors du Carrefour de l’eau à Rennes. « Elle a révélé que les travaux publics sont au cœur des préoccupations des maires en matière d’infrastructures et d’aménagements urbains. »

Ainsi, si la voirie est la priorité N°1 avec 64% des attentes, les réseaux d’eau se trouvent en 3e position avec 25% et la végétali­sation des espaces publics en 5e position avec 15%.

Repenser nos villes…

Avant de lancer cette matinée de l’eau inédite avec ses tables rondes d’experts, il a insisté : « La collaboration entre canalisateurs, collectivités locales mais aussi l’Agence de l’eau, maîtres d’oeuvre, fournisseurs est donc indispensable pour relever les défis de la gestion des eaux usées et pluviales. Il s’agit de repenser nos villes et nos territoires pour les rendre plus résilients face aux change­ments climatiques et plus respectueux de notre environnement. »

Les canalisateurs ont une fois de plus bien posé les problèmes. Encore faut-il qu’ils soient entendus. La ressource en eau est une problématique vitale pour les populations de nos territoires.

 

Saint-Gobain PAM en Ukraine

Lors de cette matinée de l’eau, Jérôme Lionet, directeur général de Saint-Gobain PAM a évoqué le contrat que l’entreprise va signer pour l’adduction d’eau de la ville Krivoï-Rog en Ukraine. Une ville de 1 million d’habitants. C’est un des 20 projets soutenus par l’État français. Saint-Gobain PAM va fournir ces tuyaux à des entreprises de travaux publics locales. L’entreprise lorraine va leur fournir son expertise, dans les réseaux d’alimentation en eau potable, avec le concours de deux PME.

Bernard KRATZ