Grand Est Paru le 27 mai 2025
ÉTUDE DE L’AFL ET DE L’INET

Transport et mobilité : quels leviers de financement pour les collectivités ?

L’AFL, la banque des collectivités locales, publie dans le cadre de son partenariat avec le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale) une étude consacrée aux nombreux défis auxquels les collectivités sont confrontées pour une transition sociale des mobilités. Une étude qui présente les enjeux, émet des recommandations et propose des bonnes pratiques. Tout un programme.

Le Mettis à Metz

Cette étude inédite a été réalisée par six élèves administrateurs territoriaux et trois élèves ingénieurs en chef territoriaux de l’INET (Institut national des études territoriales) qui fait partie du CNFPT, qui est un établissement public administratif, fédérateur et mutua­liste, au service des collectivités territoriales et de leurs agents. L’étude porte sur le transport et la mobilité. Elle met en exergue les enjeux de ce versant de la transition écologique. Et apportent des réponses. En particulier sur les leviers de financement pour que les collectivités concilient égalité territoriale et neutralité carbone. À l’origine c’est bien l’AFL (Agence France Locale), la seule banque française détenue à 100% par les collectivités locales, une banque créée par et pour toutes les collectivités, qui a initié cette étude en juin 2024, sur le financement des mobilités par les collectivités en s’appuyant notamment sur les expertises du CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) et d’I4CE (Institut de l’économie pour le climat). Il s’agit de la 6e collaboration entre l’AFL et l’INET.

« Élaborer un diagnostic et dresser les perspectives »

En préambule, il importe de planter le décor. Marie Ducamin, prési­dente du conseil d’administration de l’AFL-ST, le fait sans détour : « Les collectivités territoriales, premières à produire l’action publique de proximité au quotidien, font face à des défis financiers majeurs pour piloter la transition du secteur : construction d’infrastructures de transport, financement de l’exploitation et de l’entretien des lignes etc. Mais l’ampleur des besoins à venir appelle à une réforme du financement afin de dépasser ce mur. »

Olivier Landel, directeur général de l’AFL-ST, complète cette en­trée en matière afin de mieux cerner le sens de cette étude et la place dans le contexte actuel, avec les problèmes budgétaires que connaît le pays. « C’est pour élaborer un diagnostic et dresser les perspectives d’une telle réforme que l’AFL a coordonné la réalisation de cette étude faite par un groupe d’élèves de l’INET dans le but de donner les clés aux décideurs locaux et les accompagner dans un contexte budgétaire contraint et incertain. »

Le modèle de financement actuel insuffisant

Et nos acteurs n’y vont pas par quatre chemins. Aujourd’hui, le financement des mobilités du quotidien coûte chaque année 36 mil­liards d’euros aux autorités organisatrices des mobilités (AOM), dont 15 Md€ en Île-de-France. Dans le cadre de la transition écologique, le Sénat estime le besoin cumulé de financement supplémentaire d’ici 2030 à 100 Md€ dont 60 Md€ d’investissements et 45 Md€ de fonctionnement annuel. Les trois financeurs historiques des AOM (employeurs, usagers et collectivités) ne semblent pas être en mesure de supporter seuls l’augmentation des dépenses.

L’étude souligne qu’une mobilité équitable suppose de penser la mobilité « sur-mesure », en fonction des territoires, pour proposer des solutions adaptées, cohérentes et coordonnées pour les ci­toyens. Cela appelle également une différenciation territoriale des modèles de financement.

Quels leviers de financement mobiliser dès maintenant ?

L’étude s’empare de ce problème en lançant des pistes de réflexion. On en retiendra trois principales :

• Renforcer la performance : Pour augmenter le report modal, il est essentiel de renforcer la performance du réseau de mobilités et prioriser les investissements selon la typologie du territoire mais aussi en renforçant l’intermodalité. L’étude recommande d’adopter une stratégie d’optimisation des moyens dédiés aux mobilités (sobriété et efficacité énergétiques, planification foncière, leviers de financement, outils numériques) adaptée aux comportements et usages des populations.

• Mobiliser le triptyque de ressources : Concernant la tarification aux usagers, l’augmentation du tarif de billetterie est envisageable à condition de tenir compte du taux d’effort des usagers et de l’évolution de leurs comportements. Pour les recettes fiscales, le versement de mobilité doit pouvoir être étendu aux intercommu­nalités qui ne sont pas AOM. Quant au recours à l’endettement, il doit permettre la fiabilisation de modèles économiques à long terme. Compte tenu des lourds coûts induits par la dynamique de mobilité, l’étude préconise de favoriser un recours étendu et modulé du versement mobilité ainsi qu’un recours à l’emprunt pour un modèle de financement de long terme, bénéfique aux projets de mobilité de tous les territoires.

• Structurer la gouvernance : L’interopérabilité territoriale des transports doit être garantie par une coopération publique efficace au service d’un véritable continuum de mobilités pour les usagers. L’étude propose de développer les coopérations territoriales en favorisant les synergies entre intercommunalités par des schémas et des solutions adaptées, voire en les institutionnalisant par la constitution de groupements publics regroupant plusieurs EPCI (intercommunalités). Les liens avec les sphères privées et citoyennes doivent être consolidés.

Un modèle adapté aux nouvelles formes de mobilités

En raisonnant à plus long terme, dans une perspective plus loin­taine, et en s’appuyant sur des mesures politiques prises au niveau national, le modèle de financement pourrait être, selon, l’étude, très différent et adapté aux nouvelles formes de mobilités. Pour cela il est nécessaire de « corriger les limites du modèle de financement actuel et de définir un modèle plus juste et résilient dans le temps. » Ce dernier pourrait être fondé sur une refonte de la fiscalité…

Ainsi l’étude ne cache pas que dans le futur modèle de financement, les parts relatives aux dépenses de mobilité entre chaque acteur pourraient être ajustées à travers un arbitrage et une meilleure répartition entre les ménages, les entreprises et administrations. Dans l’hypothèse d’une réduction des mobilités privées au profit des réseaux publics, une partie des économies réalisées par les ménages pourraient être réorientée au financement des mobilités publiques.

Communiquer auprès des usagers

Cela ne surprendra personne, mais une des conclusions de cette étude fait apparaître que la construction d’un nouveau modèle de financement et d’une réallocation des dépenses, suppose de « communiquer auprès des usagers sur le changement de leurs modes de vie et de déplacements et promouvoir des solutions de mobilité collectivité acceptables, abordables et confortables. » Et si l’on avait commencé d’emblée par-là, en impliquant d’emblée l’usager. Les auteurs de l’étude parviennent ainsi à nuancer leur conclusion : « Il faut retenir de cette étude que la définition d’un panier de ressources, selon une philosophie mêlant efficacité économique, pertinence environnementale et justice sociale, est la condition sine qua non pour l’acceptation socio-politique d’un renforcement de l’effort budgétaire requis. Ces éléments permet­tront une réforme de l’offre de mobilités au service du bien-vivre des territoires. »

 

Le poids de l’AFL

En devenant actionnaires de l’AFL, les collectivités accèdent à un financement rapide et sur-mesure pour leurs investissements locaux, tout en s’inscrivant dans une démarche de finance durable et responsable. Pour les collectivités, c’est la liberté d’investir, tout en ayant une gestion maîtrisée de leurs finances. Depuis le début de son activité en 2015, l’AFL a octroyé près de 11,5 milliards d’euros, dont 2 milliards en 2024 et compte aujourd’hui 1101 actionnaires.

Plus d’informations sur : www.agence-france-locale.fr

Bernard KRATZ