Grand Est Paru le 01 août 2025
Routes de France

« L’entretien régulier de nos infrastructures est crucial ! »

Le point rencontre lorrain annuel des constructeurs d’infrastructures de mobilité a permis aux acteurs de Routes de France de mieux connaître les projets des donneurs d’ordre que sont les collectivités. Il a aussi donné l’occasion à la fédération Routes de France de s’inquiéter du financement de ces infrastructures.

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« Le manque de moyens dédiés à l’entretien préventif des infrastruc­tures associé à l’évolution du trafic et au changement climatique, font que le patrimoine routier se dégrade rapidement. L’entretien régulier de nos infrastructures est crucial et indispensable pour garantir la sécurité des usagers et la durabilité de nos routes. » En ouvrant cette manifestation le 13 juin à Metz, Frédéric Roth, le délégué lorrain de la fédération Routes de France sait de quoi il parle quand il évoque le patrimoine routier : les 11 786 km du réseau national non concédé, les 381 964 km du réseau départemental, les 701 322 km de réseau intercommunal et communal. « Ce réseau de plus d’un million de kilomètres joue le rôle de colonne vertébrale, un rôle essentiel dans le déplacement des personnes et des biens, assurant environ 90% des déplacements dans le pays. » Sachant que ce réseau est considéré depuis une étude de 2023, en mauvais état, à plus de 40% pour le départemental et le communal, autour de 50% pour le national non concédé. Et Alexandre Rouffignac, le délégué général de Routes de France pouvait se permettre d’enfoncer le clou : « Rien que pour les routes nationales, on chiffre le rattrapage à 5 milliards d’euros sur 7 ans et 20 milliards d’euros pour les routes départementales. Ce qui nécessiterait un investissement de l’ordre de 15 mds par an pour le maintien en l’état du réseau. » De fait ces questions vont de pair avec le problème du financement. Et la rencontre avec les donneurs d’ordre n’a pas levé l’inquiétude des professionnels de la route.

L’approche de la fin du cycle communal

Frédéric Roth prend soin de la rappeler : « À l’heure où le ministre des Transports lance une conférence des mobilités baptisée Ambition France Transports » et où les concessions autoroutières doivent prendre fin, il faut travailler sur l’entretien de la route et sur la politique des transports. » Des travaux qui ne peuvent s’envisager qu’avec la colla­boration des donneurs d’ordre régionaux, départementaux, intercom­munaux et communaux. Il reconnaît que l’approche de la fin du cycle communal – les élections municipales sont prévues en 2026 – « se ressent de façon positive dans la dynamique des prises de commande. Malheureusement le manque de visibilité pour l’avenir alimente les inquiétudes pour 2026 dans un contexte de contraintes budgétaires de plus en plus fortes. » Le déficit budgétaire de l’État n’est jamais très loin par les temps qui courent. L’objectif de réduire la dette et de redresser les finances publiques devrait « réduire le financement des collectivités territoriales et de la transition écologique » craint le responsable lorrain de Routes de France.

Des risques pour l’investissement dans l’entretien

Frédéric Roth détaille le projet de l’État pour maîtriser le budget. Il passe par : 

- La réduction des financements aux collectivités : prélèvement de 1 milliard d’euros à travers le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales, gel de la fraction de TVA, baisse de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et du Fonds vert.

- Hausse des contributions des entreprises : report de la suppression de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) et nouvelles charges pour les grandes entreprises.

- Moins de moyens pour les infrastructures : baisse des ressources attribuées à l’Agence de financement des infrastructures et ponction sur les budgets des Agences de l’eau.

La maîtrise de la dépense publique est un choix de l’État, mais cela n’empêche pas les acteurs locaux « d’alerter sur les risques pour l’investissement, l’entretien des infrastructures et la transition éco­logique. » Et Frédéric Roth d’assumer un principe clair : « Traiter la route en ennemi de l’environnement est voué à l’échec ! »

L’opportunité de l’A31 bis

Il n’oublie pas de revenir sur le serpent de mer des projets lorrains : l’A31 bis. « Il représente une opportunité majeure pour améliorer la connectivité, la mobilité sur notre territoire et soutenir son développe­ment économique. Ce projet, comme le plus petit projet d’infrastruc­ture, nécessite une planification minutieuse, une collaboration étroite entre tous les acteurs et un financement solide. »

Dans le même temps, les choses bougent en la matière. Et même sur le réseau des routes nationales. La Région Grand Est a récupéré une partie de ce réseau (Lire les Affiches d’Alsace Lorraine N°26 du 1er avril 2025) et a lancé le projet inédit et ambitieux d’une éco-contribution d’ici 2027 pour les poids lourds de plus 7,5 tonnes. L’objectif étant de récupérer de quoi investir 1 milliard d’euros pour moderniser les infrastructures. Une Région Grand Est qui a également relancé des priorités comme la mise en 2x2 voies de la RN4, du côté de Lunéville et de Saint-Dizier, et aussi de mise en 2x3 voies le tronçon de l’actuelle A31, entre Fey et Nancy. De quoi normalement rassurer les entre­prises de travaux publics. Mais cela ne diminue malheureusement pas le sous-investissement dans l’entretien des routes, qu’a déploré la Cour des comptes dans son récent rapport, ce que n’a pas manqué de relever Alexandre Rouffignac.

Quid des innovations environnementales ?

Frédéric Roth pour sa part a remis sur le tapis une revendication récurrente : la dégradation du délai de paiement dont on connaît les causes, des dysfonctionnements dans la validation des factures. « Il n’est pas rare aujourd’hui d’avoir des délais de règlement supérieurs à 60 jours voire au-delà : c’est totalement inacceptable ! »

Enfin il n’a pas esquivé l’environnement. « Nous devons continuer à intégrer des solutions innovantes et durables dans la conception, la construction et l’entretien de nos infrastructures. Il vous revient d’in­tégrer des clauses environnementales dans vos marchés de travaux. Les méthodes de construction durables et les solutions de mobilité intelligente sont autant de leviers que nous devons actionner pour répondre aux défis qui se présentent à nous depuis plusieurs années déjà. Nous favorisons de longue date, au sein de nos entreprises la recherche et le développement et œuvrons pour la décarbonation de la route. » À ce propos, il incite les entreprises à utiliser le logiciel SEVE proposé par la profession. « C’est un outil puissant et gratuit. Il se base sur un langage commun entre entreprises et donneurs d’ordre pour réduire l’impact environnemental des infrastructures. De plus, il per­met la comparaison entre différentes solutions de base et variantes. » (Voir www.seve-tp.com). Du reste des formations à la demande pour l’utilisation de cet éco-comparateur peuvent être organisées par les instances pour accompagner les entreprises.

Il ne pouvait conclure sans évoquer « la difficulté persistante à recruter et à assurer la transmission et la succession entre nos compagnons. Pourtant la route est un métier valorisant, utile, avec des réalisations toujours uniques. À nous de poursuivre la promotion de nos métiers ! »

Frédéric Roth, président de la délégation Lorraine de Routes de France.

Bernard KRATZ