Grand Est Paru le 25 novembre 2025
Artisanat dans le Grand Est

Tensions inédites sur les recrutements

L’artisanat dans le Grand Est connaît une dynamique d’offres d’emploi sans précédent. Dans le même temps, le nombre des demandeurs d’emplois chute. De quoi créer des tensions sur les recrutements. C’est l’enseignement principal du dernier baromètre Emploi dans l’Artisanat ISM-MAAF.

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« Alors que l’emploi artisanal reste solide après le rebond post-Covid, les entreprises font face à des tensions croissantes pour recruter. Une situation marquée par une hausse de 50% des offres d’emploi depuis 2019 dans la région et une baisse du nombre de candidats. » Le constat de Anne-Sophie Prissé, directrice Marketing et Communication MAAF a de quoi interpeller. Où sont passés les demandeurs d’emplois de l’artisanat ? Alors que ce contexte propose « de véritables opportunités pour celles et ceux qui souhaitent se former ou se reconvertir dans les métiers les plus porteurs » assure encore la dirigeante de la MAAF.

+50% d’offres, -16% de candidats

La nouvelle édition de l’étude du baromètre ISM-MAAF dresse le bilan du marché de l’emploi dans l’artisanat en France et dans les territoires. La région Grand Est, qui enregistre 141 690 emplois salariés dans l’artisanat en 2024, subit des tensions inédites sur les recrutements. Alors que le volume d’offres d’emplois diffusées dans la région ne cesse d’augmenter, 40 590 offres en 2024 soit +50% depuis 2019, le nombre de demandeurs d’emploi a chuté de 16% (78 420 demandeurs) dans ces métiers. L’intérêt de cette étude est le palmarès inédit des métiers les plus porteurs pour un projet de formation ou de reconversion. De quoi inspirer un demandeur d’emploi.

De fait, après le boom post-Covid, l’emploi artisanal reste à un haut niveau malgré un léger recul. Au 31 décembre 2024, le nombre d’em­plois salariés était en hausse de 2,3% depuis 2019 à 141 690 emplois salariés. La hausse a été la plus forte entre 2019 et 2022. Dans le contexte de crise énergétique et de tensions sur l’économie mondiale, l’emploi salarié s’inscrit en léger repli de 3,5% entre 2022 et 2024. Une baisse marquée est identifiée dans le BTP (-6%) et l’artisanat de la fabrication (-3%) alors que les métiers de services et de l’alimentation restent relativement stables.

La dynamique de recrutement au plus haut

Si la création de nouveaux postes marque le pas, la dynamique reste au plus haut. Les entreprises artisanales recrutent régulièrement pour remplacer les salariés en mobilité ou les départs à la retraite. Avec cette forte hausse des offres d’emplois diffusées en 2024 sur les coeurs de métiers de l’artisanat en Grand Est, la région figure dans le top 5 des régions qui enregistrent la plus forte poussée des offres d’emplois, toutes régions confondues.

Dans le détail, le secteur du BTP domine avec 13 450 offres diffu­sées en 2024, suivi par la fabrication (12 260), les services (9 340) et l’alimentation (5 540).

Pour certains métiers cette hausse est même exponentielle. C’est le cas dans l’alimentation, parmi les métiers qui comptabilisent plus de 100 offres avec les métiers de vente en alimentation (+151%) et les bouchers (+125%) sur la période 2019-2024. Du côté du BTP, les métiers de montage de charpente de bois (+100%) affichent une forte progression. Pour la fabrication, les activités de conduite de machines de façonnage routage (+400%) et les mécaniciens agricoles (+179%) présentent des taux hors normes. Enfin du côté des services, les mécaniciens automobiles enregistrent une forte hausse (+58%).

Des disparités géographiques

L’étude relève par ailleurs les disparités géographiques de ce boom des offres. Le département du Bas-Rhin occupe de loin la première position de la région ayant diffusé le plus grand nombre d’offres d’emplois en artisanat sur 2024 avec 9 180, suivi par la Moselle et le Haut-Rhin. Contraste plus remarquable quand on observe cette hausse sur 5 ans : c’est la Haute-Marne (+83% avec 1260 offres diffusées en 2024 en particulier dans la fabrication) qui devance la Meurthe-et-Moselle (+73% avec 5600 offres en 2024 principalement dans le BTP), la Meuse, à son échelle, enregistre une poussée de 71% (840 offres en 2024 surtout dans la fabrication), la Marne arrive juste après avec +70% (4550 offres toujours en 2024 notamment dans le BTP), la Moselle affiche 46% de hausse avec 7040 offres diffusées en 2024 notamment dans le BTP. 

Le plus fort repli des demandeurs

L’étude ISM-MAAF relève également les plus forts replis du nombre de demandeurs d’emploi de l’artisanat sur cette période de 2019 à 2024 : -22% dans la fabrication, -20% dans l’alimentation, -18% dans le BTP et -12% dans les services. Les départements qui enregistrent le plus fort repli du nombre de demandeurs d’emploi sur la même période sont la Haute-Marne (-24%) et l’Aube (-22%). La Moselle s’établit à -18%, la Meurthe-et-Moselle à -19%, le Bas-Rhin à -15% et le Haut-Rhin à -13%.

Les difficultés de recrutement persistent

Avec des offres d’emploi en hausse et un vivier de candidats à la baisse, les difficultés de recrutement atteignent des niveaux sans précédent. Globalement dans l’ensemble des métiers, y compris hors artisanat, 55% des recrutements ont été jugés difficiles en 2024. Mais pour certaines activités artisanales, ce taux dépasse largement les 90% : c’est le cas pour les ouvriers, techniciens et agents de maîtrise en traitement de cuir (+100%).

L’étude fait du reste le point sur les métiers bouchés pour lesquels on observe une hausse exceptionnelle du nombre de demandeurs d’emploi. Un classement qui révèle ainsi que les métiers en vogue, souvent symbole des trajectoires de reconversion post-covid, pour­raient avoir atteint un plafond. Parmi eux les métiers de frigoristes et chauffeurs VTC.

Un contexte porteur

Dans ce contexte de très fortes tensions sur les recrutements, ISM-MAAF livre pour la première fois un palmarès des métiers les plus porteurs pour engager un projet de formation ou de reconversion. Des métiers qui se distinguent par une très forte baisse du nombre de demandeurs d’emplois et font donc face à un défi de compétences disponibles. On retient parmi eux les boulangers, bouchers, maçons, retoucheurs en habillement et les activités de fabrication comme la tapisserie-décoration en ameublement.

En conclusion Catherine Elie, directrice des études ISM résume ce baromètre surprenant sur le climat des affaires dans l’artisanat et sur l’emploi : « Globalement, la plupart des grands secteurs de l’artisanat ont des difficultés à pourvoir leurs emplois dans la région Grand Est. Il est aujourd’hui plus difficile de recruter dans ces métiers « essentiels » que dans les métiers du commerce, de la gestion administration, les métiers de cadres-ingénieurs ou du transport-logistique. Rares sont les secteurs où le nombre de demandeurs d’emplois progresse, à l’exception des « métiers en vogue » souvent très médiatisés ces dernières années, où l’on a pu observer un afflux de candidats pour se former et s’installer, au-delà parfois des capacités d’emploi réelles. »

Méthodologie de l’étude : Ce baromètre tire sa source des fichiers du stock d’établis­sements (INSEE), de l’emploi salarié (URSSAF) et de l’offre et de la demande d’emploi (France Travail). Les résultats sont analysés sur le périmètre des activités artisanales (INSEE, URSSAF) ou sur les principaux métiers exercés en entreprises artisanales (nomenclature ROME – France Travail).

 

À propos de

• MAAF : Marque du Groupe Covéa, MAAF est l’un des premiers assureurs généralistes en France. Il propose à ses 3,8 millions de socié­taires et clients des solutions globales en assurances (auto, habitation, risques professionnels mais aussi santé, prévoyance, assurance-vie…) et des services à forte valeur ajoutée (assistance, crédits…). Aux côtés des artisans depuis sa création, MAAF compte aujourd’hui plus de 790 000 professionnels. Voir www.maaf.fr

• ISM : Centre national de ressources sur l’artisanat et la petite en­treprise, l’Institut supérieur des métiers (ISM) conduit une activité d’observation statistique, de veille et d’études sur l’artisanat et la petite entreprise. Il publie régulièrement des tableaux économiques des secteurs de proximité. L’ISM assure également une mission de formation des élus socio-professionnels. Voir https://infometiers.org

B.K.

Bernard KRATZ