Depuis la mi-novembre est en place au zoo d’Amnéville, en Moselle, la quatrième édition du Festival « Luminescences ». Un parcours de 1,6 km jalonné de 10 000 décorations illuminées, qui pourrait faire craindre une consommation impressionnante de kilowatts. Heureusement, les technologies et les mentalités évoluent. « Notre festival s’inscrit vraiment dans une démarche de développement durable, explique Albane Pillaire, la directrice du zoo. Les structures lumineuses fabriquées artisanalement sont réutilisés et adaptées d’une édition à l’autre. Les installations utilisent des LED (1), réduisant fortement la dépense énergétique. Nous veillons également à la gestion raisonnée des déchets générés par l’événement. « Luminescences » démontre qu’il est possible d’allier magie des fêtes et respect de la planète ».
Dans le département voisin, à Nancy, se tient la déjà cinquième édition de « Noël Vert » dont l’objectif est de faire rimer fêtes et éthique. Une soixantaine d’artisans y proposent des produits locaux, de seconde main, principalement des jouets et des vêtements. Avec pour aller encore plus loin dans la démarche, « La Benne Idée », un atelier menuiserie pour réparer et rénover des meubles donnés, tandis qu’un stand de la Croix-Rouge prend la forme d’une recyclerie, avec vaisselle, meubles, décoration, livres et textile à prix accessibles. Quant au Grand Village de Saint-Nicolas, toujours à Nancy, il se veut aussi un lieu de partage et de solidarité : un calendrier des commerçants y est vendu au profit du service de cancérologie du CHU nancéien.
Autre exemple de Noël solidaire, celui incarné par « La Soupe Étoilée», sur la place Kléber, à Strasbourg. Depuis douze ans, les visiteurs peuvent déguster des soupes, imaginées par des chefs étoilés de toute l’Alsace. Elles sont vendues au profit d’associations et soutiennent des chantiers d’insertion ou des actions humanitaires. À Metz, des chalets handi-accessibles permettent un accès facilité aux personnes à mobilité réduite. Et comme dans la presque totalité des marchés de fin d’année, désormais, des bornes de gobelets y reversent les consignes à des associations. Les matériaux sont recyclés, des structures en bois réemployées d’une édition à l’autre. Le Père Noël messin lui-même s’y est mis : son traîneau prend aujourd’hui la forme d’un bateau électrique, moins énergivore, gratuit, baladant petits et grands sur le plan d’eau.
Ancrer le lien social
À l’instar de Nancy, de Strasbourg, de Metz, du zoo d’Amnéville, de nombreuses municipalités ou parcs privés, comme celui de Sainte-Croix, en Moselle, sont désormais vigilantes quant au volet éco-responsable de leurs festivités de fin d’année. Soutenus dans leur démarche par les collectivités, notamment la Région Grand Est. Car la croissance continue de la fréquentation à cette période de l’année reflète certes l’intérêt du public, génère de nombreuses retombées économiques, mais suscite l’inquiétude quant à ses conséquences : consommation effrénée d’électricité, production de nombreux déchets, circulations intenses de véhicules individuels, avec pollution à la clé. Certaines villes, et surtout leurs habitants, s’inquiètent de la surfréquentation, ne supportant plus des comportements inciviques. À Thionville par exemple, sur le village gourmand de la place Claude Arnoult, l’an passé, des commerçants négligents ont laissé leurs poubelles devant leurs chalets. La ville a donc décidé cette année de faire appel à une société privée pour ramasser ces poubelles, chaque soir. Celles destinées au public sont, pour cette édition 2025, habillées avec du bois naturel, pour les intégrer au décor et inciter au tri.
Comme le souligne Cédric Gouth, vice-président du Conseil Régional, en charge du tourisme, « le tourisme traditionnel, centré sur le volume et la croissance rapide, ne répond plus aux attentes des visiteurs ni aux enjeux climatiques. L’Appel à projets que nous avons lancé en 2022 pour le tourisme durable, avec des critères environnementaux précis, est un signal fort : la Région engage des moyens financiers pour accompagner cette transition. Concernant plus spécialement les fêtes de fin d’année, notre appel à projets valorise les animations culturelles et territoriales, plus que la simple foire marchande. L’idée étant de promouvoir des événements qui racontent nos traditions, qui ancrent le lien social, tout en étant respectueux de l’environnement. » Selon l’élu, la prise de conscience et la volonté politique de s’engager dans cette voie plus résiliente remonte à 2022. « Les visiteurs sur ces animations peuvent être très nombreux, souligne-t-il. Il devient donc indispensable de minimiser leur impact. » La Région soutient par exemple, depuis 2024, une animation particulière, le Marché Off de Strasbourg, organisé dans le cadre du marché traditionnel. Une manifestation centrée sur l’Économie Sociale et Solidaire qui permet à ses acteurs d’être visibles auprès du grand public, des locaux mais aussi des touristes nationaux et internationaux. « Le Marché OFF fête cette année ses dix ans, preuve de la pertinence de son modèle, insiste Cédric Gouth. Sensibiliser le grand public à d’autres manières de produire, consommer et entreprendre, tout en favorisant les coopérations entre acteurs locaux. »
Pour leur côté exemplaire
De la même façon, la Région participe au financement des « Navettes de Noël ». Pour les visiteurs, qui arrivent en nombre croissant en Alsace sans voiture, l’accès aux manifestations situées hors des centres urbains est parfois bien compliqué. Des petites villes comme Ribeauvillé ou Kaysersberg ne sont pas desservies en transport en commun, avec des horaires adaptés à la demande touristique, notamment en soirée. L’offre commence au départ de la gare TGV de Colmar et permet désormais aux usagers de naviguer entre différents marchés de Noël. En 2024, ce sont près de 17 000 personnes qui ont été transportées. Cette offre s’est peu à peu développée, avec une augmentation du nombre de sites desservis, du cadencement et de l’amplitude horaire.
Côté soutien financier, la Région n’a toutefois pas mis en place une ligne budgétaire spécifique, dédiée à ces initiatives ou manifestations éco-responsables. « Mais lorsqu’elles sont labellisées ou fortement engagées, nous apportons une aide financière, détaille le vice-président. Sont ainsi considérées comme éligibles les gobelets réutilisables, l’impression sur papier recyclé, des toilettes sèches… Nous soutenons par exemple les navettes de Noël à hauteur de 10 000 € chaque année. Ces démarches sont surtout mises en avant lors de nos communications pour leur côté exemplaire, ce qui leur offre une grande visibilité. Comme « Les fenêtres de l’Avent » à Uffholtz, dans le Haut-Rhin, labellisé Éco-Manifestation, niveau 2. »
En matière d’image d’ailleurs, le Conseil Régional souhaite montrer qu’il n’est plus seulement une collectivité qui soutient des événements, mais les transforme. « En intégrant des critères écologiques, en accompagnant les prestataires (voir encadré 2), en valorisant les expériences durables, nous affichons notre positionnement : celui d’un territoire exemplaire, pionnier dans la transition touristique, insiste Cédric Gouth. Cette stratégie répond aussi à l’attente croissante des visiteurs, qui veulent des événements responsables. Elle rassure les habitants, qui voient que nous protégeons leur cadre de vie. C’est aussi une manière de valoriser les organisateurs engagés, de montrer que nos manifestations emblématiques, y compris celles de Noël, savent conjuguer attractivité, tradition et sobriété. »
(1) LED, de l’anglais « light-emitting diode » est une diode électroluminescente. Contrairement aux ampoules classiques, une LED ne contient pas de filament qui chauffe, ce qui la rend plus économe et durable. Les LED consomment beaucoup moins d’énergie que les technologies d’éclairage traditionnelles pour une même quantité de lumière.
Hombourg-Haut, des festivités labellisées par la Région
Depuis 2024, Hombourg-Haut, dans le nord mosellan, est labellisé Éco-Emerge, pour « Éco-Manifestation Réseau Grand Est », niveau 1. La petite cité s’est vue mise en avant car elle est désormais engagée dans des pratiques alternatives, comme le tri sélectif renforcé, la valorisation des biodéchets, la suppression des nappes jetables. Des parkings de covoiturage sont mis en place et la municipalité incite à utiliser le bus et le train. Les producteurs locaux, les circuits courts sont privilégiés, grâce au label qualité Moselle. Le public est sensibilisé à ces efforts, via des ateliers et des animations éco-citoyennes. « Au-delà de l’écologie, les ‘Féeries de Hombourg’ se veulent inclusives, accessibles et fédératrices, grâce à des partenariats avec les écoles, des associations, souligne Laurent Muller, le maire de la commune. Notre investissement collectif fait de ces moments particuliers un projet partagé et non une simple manifestation festive. »
Des outils de mesure et de mise en valeur
En matière de pratiques économes et durables, l’Agence Régionale du Tourisme Grand Est a développé l’ÉcoBoussole (1), l’équivalent d’un baromètre pour les prestataires. Ils peuvent ainsi mesurer où ils en sont dans ce domaine et identifier leurs marges de progression. Ce diagnostic, combiné à un parcours de formation et d’accompagnement, témoigne de la volonté de la Région, non seulement d’encourager le « verdissement », mais surtout de structurer une transformation durable. Autre exemple d’outil pour les acteurs de terrain, Explore Grand Est (2), la plateforme régionale de mise en avant et de commercialisation des offres touristiques, valorise le tourisme durable. Elle propose par exemple des séjours bas-carbone, des activités nature, des expériences qui misent avant tout sur le local. Elle accompagne elle aussi les professionnels pour faire évoluer leurs pratiques.
(1) www.art-grandest.fr/services/progresser/engager-sa-transition-durable/ecoboussole/
(2) www.explore-grandest.com/tourisme-durable-ecotourisme/