Le Conseil de l’Ordre des avocats est présidé par un bâtonnier élu au scrutin secret pour deux ans par l’Assemblée Générale de l’Ordre. Chaque barreau est en effet constitué en Ordre et l’ensemble des membres choisit tous les deux ans, son bâtonnier, élu démocratiquement par ses pairs. Cette année c’est Maître Bruno Huck qui a été élu pour remplir cette fonction pour les années 2022-2023, ce dernier ayant candidaté en binôme avec Maître Tiffany Conein, élue vice-bâtonnier à ses côtés (fonction créée par décret en 2009 pour assister le bâtonnier pendant la durée de son mandat et pour lui déléguer une partie des pouvoirs).
Les avocats sont bien connus du grand public, même des personnes qui n’ont pas de problèmes particuliers avec la justice, toutefois la fonction de bâtonnier est souvent méconnue, ce terme qui renvoie aux bâtons, voire aux coups de bâtons, n’étant pas vraiment explicite en soi.
Retour sur l’historique de la fonction de bâtonnier
Le bâtonnier est le coordinateur des avocats inscrits dans un barreau, mais le terme de bâtonnier renvoie effectivement au bâton, toutefois sans agression ou violence. En fait, autrefois le représentant des avocats se présentait au grand public en portant un « bâton prioral » ou une bannière à l’effigie de Saint Nicolas ou de Saint Yves. Ainsi, au Moyen Âge, l’avocat qui disposait seul du pouvoir disciplinaire à l’égard de ses confrères portait la hampe (barreau) de la bannière de la Confrérie de Saint Nicolas à laquelle appartenaient les avocats. Il portait alors la bannière de cette confrérie en la tenant par le « bâton » et il saluait du « bâton ». Cette confrérie rassemblait les gens de justice et son représentant portait le bâton symbolisant la confrérie à l’occasion des cérémonies.
Missions confiées au bâtonnier
Le bâtonnier dirige et représente l’Ordre des avocats, chargé aussi de présider le Conseil de l’Ordre. Son rôle est de tenter d’éviter les différends entre les membres du Barreau et, en cas de conflit, de tout faire pour arriver à une conciliation. Il intervient aussi en cas de réclamation formée par des tiers, étant chargé de les instruire et de rendre des ordonnances lorsque des justiciables portent plainte, notamment pour des questions de taxation des honoraires de leur avocat. En l’occurrence, il exerce le rôle de conseil et d’arbitre, chargé aussi le cas échéant d’apaiser les conflits entre avocats et magistrats.
Son rôle est également d’aider les justiciables, raison pour laquelle s’ils n’ont pas d’avocat pour les accompagner lors des procédures, le bâtonnier procède à la désignation d’un avocat commis d’office. Président du Conseil de l’Ordre, il lui revient encore de s’occuper du règlement intérieur du Barreau pour voir notamment s’il faut le faire évoluer. Surtout, il collabore avec les avocats du Barreau, statuant le cas échéant sur leur inscription ou leur démission et globalement il est chargé de faire respecter le périmètre du droit. Il est chargé de représenter les avocats, d’où sa fonction de porte-parole, devant à la fois assurer la discipline et promouvoir les activités de l’Ordre.
Pour faire avancer le droit et veiller à sa parfaite mise en œuvre, le bâtonnier est en relations régulières avec différents organismes : la Conférence des bâtonniers (pour améliorer les relations avec les autres bâtonniers), la Conférence des 100 (laquelle regroupe les 20 barreaux les plus importants de France), le Conseil départemental de l’accès au droit (CDAD), l’École régionale des avocats du grand est (ERAGE), la 3e chambre civile du tribunal judiciaire et autres.
Afin de pouvoir être opérationnel dans tous ces domaines, Maître Bruno Huck a souhaité être accompagné par un vice-bâtonnier, ce qui est chose faite car Maître Tiffany Conein qui a été élue en même temps que lui. On peut vraiment s’en réjouir car, être bâtonnier à Strasbourg est une activité très prenante, si bien que, depuis le début de l’année, M. le bâtonnier et Mme le vice-bâtonnier se secondent utilement, ayant chacun des compétences complémentaires, spécialisés l’un et l’autre dans des domaines différents.
Projets en cours ou à lancer
Un des points sensibles tient à l’avenir des professions juridiques. Le bâtonnier a notamment conscience qu’il faut veiller à l’avenir professionnel de ses confrères (actuellement à Strasbourg on dénombre 1087 avocats, sans compter les avocats honoraires) et de ses jeunes collaborateurs.
Il importe aussi de soutenir les étudiants en droit pour les inciter à se lancer dans le métier d’avocat, malgré le fait que le travail soit assez chronophage et soumis à certaines difficultés financières. Il faut surtout qu’ils parviennent à réussir à trouver un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le bâtonnier est sensible au fait que de nombreux cabinets ne trouvent pas de collaborateurs, constat qui a encore été renforcé avec la crise sanitaire liée au covid-19. Il est important de plus de prendre le temps d’expliquer ce qu’on doit entendre par avocat car les missions de ce professionnel du droit diffèrent selon qu’il est spécialisé en droit pénal, public, fiscal, des affaires, de la famille, en procédure civile ou pénale, etc. Il est vrai aussi que de nombreux étudiants poursuivent leur formation pour être avocats mais, in fine, ne prêtent pas serment, étant recrutés dans diverses entreprises pour régler leurs dossiers juridiques.
Il convient encore de lancer divers travaux d’amélioration des bâtiments, de l’information juridique, des textes, de la documentation, des mesures d’aide aux avocats en difficulté. L’idée est assurément de tout faire pour que le système juridique fonctionne le plus convenablement possible, des contacts étant pris avec la chancellerie. Globalement, cela revient à réfléchir aux impacts de la réforme de la justice en mettant l’accent sur la mise en place de techniques de médiation et de conciliation. Il est important aussi de souligner le fait que de nombreuses réformes juridiques sont lancées sans que les auteurs des projets ou propositions de loi aient pris contact avec les professionnels, raison pour laquelle, des critiques sont parfois à faire. C’est important que les professionnels du droit fassent alors connaître leur point de vue. Des efforts sont aussi à faire pour améliorer les relations avec les magistrats et renouer le dialogue.
Parmi les projets en cours à signaler, il importe de relever que le Barreau de Strasbourg participe activement au projet transfrontalier lancé récemment par le Tribunal Judiciaire de Strasbourg dans le but de soutenir les personnes rencontrant des difficultés juridiques liées au fait que certains points sont à traiter par des textes juridiques français et d’autres des textes allemands. À compter du mois de janvier 2023, un nouveau système va être mis en place et des avocats permanents français se rendront à Kehl pour soutenir les transfrontaliers et leur offrir un accès gratuit au droit.
Ces permanences permettront aux justiciables allemands d’avoir un accès au droit français et inversement grâce à la présence de leurs homologues d’outre-Rhin. Des efforts sont aussi en cours en matière de numérisation des outils juridiques, car les outils internet de dématérialisation peuvent aider les avocats ainsi que les magistrats et pas seulement au cœur de la pandémie liée au Covid-19. Cela peut faciliter les choses notamment pour déposer des conclusions.
Réflexions sur l’encadrement du métier de bâtonnier et conseils à délivrer
Le bâtonnier joue un rôle central par les fonctions qu’il exerce et les pouvoirs qui lui sont accordés pour son mandat de deux ans. La durée de ce mandat est en accord avec les missions confiées aux avocats, afin que les bâtonniers puissent aisément reprendre leur activité professionnelle lorsque leur mission de représentation de leurs collègues prend fin. Le bâtonnier porte des projets pour défendre la profession d’avocat dans son ensemble et il importe peu que certains de ces projets ne puissent pas être concrétisés durant leur mandat car ils seront portés par leur successeur qui sera animé des mêmes motivations, à savoir soutenir les justiciables, les collègues et faire évoluer le droit si besoin.
L’avenir du métier d’avocat a également été au coeur de la discussion avec le bâtonnier et le vice-bâtonnier. Face aux étudiants ou aux stagiaires, il est important de bien les préparer à leur métier en leur recommandant de se spécialiser et de savoir améliorer leurs relations avec les juridictions. Ils doivent aussi comprendre qu’ils devront beaucoup travailler, le droit évoluant sans cesse et qu’il s’agit d’un métier, humainement exigeant.
Être avocat est assurément un métier de confrontation, dans lequel il faut accepter de devoir régler des conflits, mais il s’agit aussi d’apporter des conseils et des soutiens aux personnes en difficulté, point qui ne peut que donner envie de persévérer en ce domaine. Parmi les confrontations rencontrées, certaines conduisent des particuliers à lancer des procédures en responsabilité civile contre leur avocat. Néanmoins à consulter les statistiques, on se rend compte que, sur ce point, le Barreau de Strasbourg fait partie des meilleurs car peu de dossiers de mise en oeuvre de la responsabilité d’un avocat sont à signaler.
Lors de cette entrevue, nous avons rencontré un bâtonnier et un vice-bâtonnier, visiblement ravis de leur métier et des missions qui leur sont confiées, consistant à organiser la défense des intérêts collectifs. Pour Maître Huck, c’est assurément une belle fin de carrière qui s’annonce, carrière au cours de laquelle il lui a été possible de soutenir au mieux ses collègues en réglant des problèmes de frottement et d’incompréhension. Occuper de tels postes est très valorisant. Il est assurément important d’encourager les avocats et les bâtonniers à continuer à soutenir les personnes traversant des difficultés, voire des drames, et à souhaiter à Maître Bruno Huck et à Maître Tiffany Conein de remplir au mieux leur mission en laissant de beaux souvenirs à leurs confrères. Des souvenirs il y en aura assurément, car le bâtonnier qui joue globalement un rôle fondamental représente l’Ordre des avocats dans toutes les cérémonies publiques ou privées.