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Interview Paru le 22 novembre 2022
MARIE-CLAIRE MAILLOTTE, PRÉSIDENTE DE 60 000 REBONDS GRAND EST

« Nous aidons les entrepreneurs en échec à passer de la culpabilité à la responsabilité »

Dans le Grand Est, les quatre-vingts bénévoles de 60 000 Rebonds aident actuellement trente entrepreneurs en échec à rebondir. Comment aider ces derniers à surmonter le sentiment de culpabilité qui les gagne souvent et les accompagner dans la conduite d’un nouveau projet ? Comment faire face à la hausse en cours des fermetures d’entreprises ? Réponses avec la présidente régionale de l’association.

Marie-Claire Maillotte présidente de 60 000 Rebonds Grand Est

Combien de personnes 60 000 Rebonds Grand Est accompagne-t-elle actuellement ?

Marie-Claire Maillotte : Nous accompagnons actuellement trente entrepreneurs ayant perdu leur entreprise. Une quinzaine d’entre eux ont plutôt un projet de nature salariale, les autres ont envie de se lancer dans une nouvelle aventure entrepreneuriale.

Le nombre de chefs d’entreprise que vous accompagnez est-il en hausse ?

M.-C. M. : En 2021, nous avions accompagné une vingtaine de personnes. Nous sommes donc en légère progression. Pour autant nous sommes bien conscients de n’accompagner qu’un infime pourcentage d’entrepreneurs ayant vécu une liquidation judiciaire. Je sais que nous avons encore un certain retard sur le faire-savoir de notre action. Bon nombre de chefs d’entreprises, quand ils sont confrontés à la perte de leur entreprise, sombrent dans le repli sur eux-mêmes. C’est une vraie douleur. Ils se retrouvent face à un inconnu juridique et judiciaire et sont soudainement plongés dans les méandres d’une procédure dont ils ignorent tout. Le sentiment de culpabilité les submerge souvent. Et ils font trop peu appel à nous. Pourtant nous ne restons pas les bras croisés pour nous faire connaître. Ainsi sommes-nous allés, avec APESA, le GPA Grand Est et Crésus, rencontrer les tribunaux de Mulhouse, Épinal, Metz, Nancy, Sarreguemines : nous leur avons exposé et expliqué nos champs d’actions respectifs. Il nous faut aussi mobiliser de nombreux bénévoles pour accompagner ces entrepreneurs. Tout cela prend du temps. Sortir de l’isolement Qui sont ces chefs d’entreprise que vous accompagnez ? M.-C. M. : Le plus jeune a 30 ans, le plus âgé 58 ans. Nous aidons de plus en plus de femmes. Ce sont souvent de très petites entreprises : des commerçants, des artisans propriétaires de leur entreprise qui y ont engagé toute leur vie. Ce qui explique le traumatisme qu’ils ressentent quand ils la perdent.

Que deviennent ces personnes à l’issue de votre intervention ?

M.-C. M. : Un de nos premiers objectifs, c’est de les sortir de leur isolement : qu’ils découvrent qu’ils ne sont pas seuls à vivre cette expérience de l’échec. Nous les aidons à découvrir et franchir les étapes du parcours au bout duquel il y a cette lumière soit pour entreprendre à nouveau, soit pour rejoindre une activité salariée. Le premier travail que réalisent nos coachs avec eux, c’est de leur apprendre à gérer leurs émotions. Beaucoup sont en colère contre eux-mêmes, la banque, le client, le fournisseur, l’associé… Les coachs les ramènent avec beaucoup de bienveillance à la réalité de la situation. Ils les aident à sortir de leur culpabilité et à retrouver le terrain des responsabilités. Ils les aident à faire le deuil de l’expérience passée et à se donner l’autorisation de réentreprendre ou de choisir le salariat. Même si, dans ce cas, la plupart d’entre eux nous avouent qu’il ne pourrait s’agir que d’une solution transitoire avant de se relancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat.

Suivez-vous encore les personnes que vous avez accompagnées il y a trois ou cinq ans ?

M.-C. M. : Quand ils ont terminé leur parcours, je tiens beaucoup à ce qu’ils ne se sentent pas redevables vis-à-vis de l’association. Donc nous ne les suivons pas à la trace. Cela n’empêche pas certains d’entre eux de devenir à leur tour parrains d’entrepreneurs que nous accompagnons ou experts. Ceci étant dit, au niveau national, 60 000 Rebonds a créé l’Observatoire du Rebond, qui permettra de mieux suivre les personnes accompagnées, ce qu’elles deviennent et comment leur regard sur l’échec a évolué.

80 bénévoles prêts à relever les manches

Qui sont les personnes qui accompagnent ?

M.-C. M. : Il y a les coachs, les parrains et les experts. La première personne avec qui l’entrepreneur en échec va travailler, c’est le coach. Il va guider le dirigeant de la culpabilité à la responsabilité. Il est recruté par nous, certifié et expérimenté. Les personnes que nous accompagnons sont fragilisées : elles méritent d’être accompagnées par des coachs aguerris. La plupart d’entre eux sont encore en activité dans leur domaine. Le parrain est souvent un jeune retraité qui fait l’interface entre l’entrepreneur, son projet de rebond et l’association. Il l’aide dans la concrétisation de son projet. Le parrain est formé par l’association. Les experts sont également tous en activité ; ils sont là pour répondre à des questions très précises que se pose tout créateur d’entreprise : la mobilisation de fonds, la commercialisation, la RGPD, les RH… Dans le Grand Est, 60 000 Rebonds compte quatre-vingts accompagnants.

En France, les procédures collectives ont augmenté de 69 % en un an. Ne risquez-vous pas d’être débordés ?

M.-C. M. : Nous réfléchissons à une politique de recrutement d’un plus grand nombre de bénévoles. Mais nos bénévoles sont tous prêts à relever les manches.

60 000 Rebonds, mode d’emploi

Un chef d’entreprise vient de perdre son entreprise : comment peut-il solliciter 60 000 Rebonds et comment cela va-t-il se passer ?

À l’aide d’un dossier qu’il va remplir, l’association va d’abord essayer de comprendre dans quel cadre évolue le chef d’entreprise : sa situation financière, son endettement, son environnement personnel et familial, éventuellement la nécessité pour lui de trouver immédiatement un « job alimentaire ». Il sera ensuite et très vite mis en relation avec un coach : pendant 7 séances gratuites, l’entrepreneur pourra parler de sa situation, de ses émotions et tenter de reconstruire son socle de confiance en lui et d’estime de soi jusqu’à l’émergence de son projet.

Il rencontrera ensuite son parrain. Lors de réunions deux à trois fois par mois, également gratuites, ce dernier l’accompagnera dans la construction concrète de son projet. Le parrain est dans l’opérationnel. Enfin des experts pourront intervenir sur des questions très précises : les RH, la propriété intellectuelle, la construction du business plan, la levée de fonds… Sur les dizaines de chefs d’entreprises qui ont eu recours à 60 000 Rebonds Grand Est depuis la création de l’association en 2016, la quasi-totalité ont soit retrouvé un emploi salarié, soit créé une nouvelle entreprise.

60 000 Rebonds Grand Est compte des antennes à Strasbourg, qui est aussi le siège régional de l’association, Mulhouse, Nancy et un relai à Épinal. Une quatrième antenne doit être ouverte à Reims en 2023.

Contacter 60 000 Rebonds :

07 71 89 15 92, grandest@60000rebonds.com

Jean de MISCAULT