Interview Paru le 06 décembre 2022
HERVÉ GROSCLAUDE, DIRECTEUR GÉNÉRAL

RELAIS 2D

Les collectivités territoriales, les chambres consulaires, les fédérations d’entreprises du bâtiment et des promoteurs, l’union des entreprises d’insertion viennent de lancer le Pôle Territorial de Coopération Économique « Ensemble Écorénovons Strasbourg et Eurométropole ». Explications avec Hervé Grosclaude, directeur général de Relais 2D, qui porte Pôle.

Hervé Grosclaude, Directeur général de Relais 2D

Vous venez de lancer « Ensemble Écorénovons Strasbourg et Eurométropole ». De quoi s’agit-il ?

Hervé Grosclaude : Suite à la loi de 2014 sur l’Économie sociale et solidaire (ESS), l’État a lancé un appel à manifestation pour des Pôles Territoriaux de Coopération Économique. Le principe de ces PTCE, c’est de repositionner l’économie sociale et solidaire au coeur d’un projet de territoire. Cela s’est ainsi fait à Romans-sur-Isère où des entreprises de l’ESS ont relancé l’économie de la chaussure. L’idée, c’est de faire la même chose sur le territoire de l’Eurométropole de Strasbourg autour de la rénovation énergétique qui fait face à de vrais enjeux. L’Eurométropole a donc saisi l’occasion pour travailler sur la question globale de la rénovation énergétique avec l’ensemble des partenaires.

« Lister les compétences, dont les entreprises ont besoin »

Juridiquement, quel est le statut du PTCE ?

H. G. : Il s’agit d’un consortium : chaque partenaire prend différents engagements, mais cela ne nécessite pas la création juridique d’une nouvelle structure. Le consortium compte à ce jour quinze membres adhérents : l’Agence du climat, AREAL, le Campus des métiers, la CAPEB, la CCI Alsace Eurométropole, la Chambre de Métiers d’Alsace, l’Eurométropole de Strasbourg, la FPI Grand Est, la FFB 67, la Maison de l’Emploi, le Pôle Fibres-Énergivie, Relais 2D, URSCOP Grand Est, l’URSIEA et la Ville de Strasbourg, ainsi que de nombreux acteurs ad hoc, comme l’AFPA, Bouygues, Eiffage… Le PTCE est porté par Relais 2D. Il s’agit du premier PTCE en France dédié à la rénovation énergétique du bâtiment.

Quels sont les enjeux dont vous parlez ?

H. G. : Il faut attirer des gens et les former à ces nouveaux métiers. Il faut créer un modèle économique dans lequel les entreprises de l’ESS trouvent leur place aux côtés des artisans et des grands groupes. Et enfin, il convient de rénover avec davantage de matériaux bas carbone et de réemploi local.

Revenons sur chacun de ces enjeux. Vous voulez attirer des personnes vers ces nouveaux métiers. Comment comptez-vous vous y prendre ?

H. G. : Dans les prochains mois nous allons commencer par aller rencontrer des personnes qui ne veulent pas s’engager dans ces métiers, d’autres qui exercent déjà ces métiers et s’y trouvent bien et d’autres enfin qui les exerçaient et qui sont parties. Sur la question de la formation, nous allons visiter toutes les entreprises du secteur afin de lister avec elles les compétences dont elles ont besoin et, si aucune formation existante ne correspond, la créer.

La coopération entre les acteurs ? Cela paraît un peu vague…

H. G. : Ça ne l’est pas. Nous voudrions que l’ESS trouve une vraie place dans cette nouvelle filière émergeante. Et pas seulement une place de sous-traitant. Par exemple que des entreprises de l’ESS puissent se regrouper pour travailler sur la rénovation d’une maison. C’est ce que nous faisons sur la maison éclusière du Wacken (lire ci-contre). Le chantier de rénovation est conduit par une entreprise d’insertion et elle s’adjoint les compétences d’une grande entreprise ou d’un électricien ? Et non l’inverse.

Le développement de l’utilisation des matériaux bas carbone ?

H. G. : Aujourd’hui, une grande partie des rénovations, c’est du polystyrène collé. Nous voulons aller vers des matériaux bio et géosourcés, c’est-à-dire qui ne proviennent pas de l’autre bout du monde. Il pourrait aussi s’agir de matériaux de récupération. Il convient pour ce faire de créer tout un écosystème : il faut récupérer le matériel, le stocker, le certifier…

« Maintenant, il faut faire »

La coopération entre grands groupes et ESS, c’est un peu contre-intuitif, non ?

H. G. : Pas tant que ça. En fait il y a du travail pour tout le monde. Par ailleurs, je rappelle que dans les structures d’insertion, les collaborateurs restent au maximum deux ans. Une fois qu’ils ont acquis les compétences, ils peuvent donc se faire embaucher dans les grands groupes ou chez les artisans. C’est la formation sur le terrain : la meilleure. Les entreprises artisanales ou les majors ont donc tout intérêt à ce que l’ESS se développe.

Pourquoi créer ce PTCE ? Les entreprises, les collectivités territoriales, dans leur fonctionnement normal, ne sont-elles pas capables de mener à bien le vaste chantier de la rénovation énergétique ?

H. G. : Chacun le fait dans son coin. Le problème, c’est qu’il n’existe aucune vision globale de la démarche. De combien de personnes les entreprises ont-elles besoins, sont-elles formées, de quels matériaux biosourcés ou de récupération dispose-t-on localement ? Personne ne le sait ? Ou alors juste individuellement, mais il n’existe pas de lieu collectif où l’on maîtrise l’ensemble de la démarche. C’est le rôle du PTCE. Maintenant, il faut faire.

 

La maison éclusière du Wacken

Le chantier de rénovation énergétique de la maison éclusière du Wacken, située aux abords du Parlement européen de Strasbourg, est la première pierre de la démarche du collectif « Ensemble Écorénovons Strasbourg & Eurométropole ». À l’abandon depuis plusieurs années, cette maison est vouée à loger l’agent en charge de l’entretien de l’écluse et sa famille une fois réhabilitée. À la suite d’un appel d’offres de l’Eurométropole, le chantier de neuf mois a été confié au groupe Altaïr, spécialiste de l’inclusion. Il s’agit de la première rénovation énergétique intégralement réalisée par une structure d’insertion en France.

« Nous voulons démontrer qu’il est possible de monter des coopérations différentes de ce qui se pratique d’habitude, explique Hervé Grosclaude. En fait l’entreprise d’insertion pilote le chantier, elle fait travailler une dizaine de personnes en insertion professionnelle et s’adjoint les compétences d’un artisan électricien, d’un formateur AFPA et de l’accompagnement global de Bouygues. Cela prouvera qu’une entreprise de l’ESS peut mener à bien ce type de chantiers et pourquoi pas aux salariés d’Altaïr, dont la durée du contrat est limitée à deux ans par la loi, de trouver par la suite un emploi durable dans un grand groupe du BTP. »

Outre ce chantier, somme toute plutôt symbolique, se profile déjà pour le PTCE « Écorénovons Strasbourg et l’Eurométropole », le chantier de rénovation des locaux de l’AFPA à la Kibitzenau. Il s’agit d’une quarantaine de bâtiments. L’animateur du PTCE anticipe : « Cela pourrait devenir un démonstrateur à taille réelle de ce que nous sommes capables de faire dans la rénovation énergétique, en faisant appel à de nouvelles ressources humaines, en favorisant la coopération entre entreprises d’insertion et acteurs du BTP et en privilégiant le recours aux matériaux bas carbone. » Le chantier devrait démarrer durant l’année 2023 pour les trois ou quatre premiers bâtiments.

Relais 2D

Historiquement, Relais 2D se présente comme le « facilitateur de la clause sociale du territoire ». Il s’agit d’accompagner les collectivités dans l’inscription de clauses d’insertion sociale dans les marchés publics, rendue obligatoire par la loi. C’est pour cela que l’association Relais Chantier a été créée il y a une vingtaine d’années. Depuis lors, la société coopérative d’intérêt collectif, Relais 2D a été créée : elle regroupe la Ville de Strasbourg, l’Eurométropole, la CEA, la Région Grand Est, les fédérations du bâtiment et des travaux publics, l’URSIA, les bailleurs, les promoteurs immobiliers, qui décident que la nouvelle structure va dorénavant les accompagner dans le volet social et, par la suite, dans le volet environnemental. Premier objectif : « Mettre en place sur le territoire une stratégie d’économie circulaire pour le bâtiment. » Cela doit permettre de créer de nouvelles filières : par exemple de recyclage des fenêtres, de matériaux de réemploi…

C’est à ce titre que l’Eurométropole de Strasbourg a demandé à Relais 2D de devenir porteur d’ « Écorénovons Strasbourg et Eurométropole ».

Jean de MISCAULT