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Interview Paru le 16 décembre 2022
PATRICK BERNÈDE, DIRECTEUR DE L’AFPA DE STRASBOURG

« Nous avons de plus en plus de mal à recruter des stagiaires sur les métiers en tension »

Comme les entreprises, l’AFPA rencontre de grandes difficultés pour recruter les stagiaires dans les métiers du bâtiment et des travaux publics et de l’industrie tout particulièrement. Constat et explications avec le nouveau directeur du centre de l’AFPA de Strasbourg depuis octobre 2022.

Patrick Bernède, directeur de l'AFPA de Strasbourg

Combien de personnes l’AFPA de Strasbourg a-t-elle formées en 2021 ?

Patrick Bernède : En 2021, nous avons accompagné près de 2 224 personnes, dont 753 femmes. Je dis « accompagné », parce que, certes nous proposons des formations, mais aussi parce que nous accompagnons des personnes pour un retour vers l’emploi afin de les aider à valider leur projet professionnel. Les demandeurs d’emploi représentent près de 80 % de nos publics, les autres sont des salariés. Toutes les générations sont représentées. 79 % des personnes que nous formons trouvent un emploi à l’issue.

À quels titres professionnels formez-vous ?

P. B. : Ici à Strasbourg, nous formons à une trentaine de titres professionnels : Gros oeuvre et second oeuvre du bâtiment, aménagement intérieur de la maison, industrie du soudage, informatique, assistants de vie aux familles, mais aussi des formateurs professionnels pour adultes ou des conseillers en insertion professionnelle.

Dévalorisation des métiers manuels

Existe-t-il une pédagogie propre à l’AFPA ?

P. B. : Oui, la pédagogie de l’AFPA, c’est la transmission du geste professionnel. Par ailleurs, chez nous, les stagiaires ont droit à l’erreur : ils apprennent de leurs erreurs. Les stagiaires sont évalués sur la réalisation de leurs travaux. Ils vont effectuer des périodes d’application en entreprise. Et à la fin de leur formation, ils vont passer leur titre professionnel.

Les statistiques indiquent une baisse du chômage. Du coup, est-ce que la part des demandeurs d’emploi dans vos publics diminue aussi ?

P. B. : Elle diminue légèrement. Mais depuis quelques années, les AFPA comme tous les centres de formation professionnelle ont de plus en plus de difficultés à recruter des stagiaires sur certains métiers. C’est notamment vrai dans les métiers du bâtiment et de l’industrie. Les entreprises ont du mal à recruter des salariés et nous nous avons du mal à recruter des stagiaires qui pourraient devenir leurs futurs salariés. Même si la tendance s’inverse quelque peu, nous payons des années de dévalorisation des métiers manuels.

Formez-vous beaucoup de jeunes issus du système scolaire ?

P. B. : Ils nous sont adressés par les missions locales sur différents dispositifs d’accompagnement, notamment dans le cadre de la « promo16-18 ». En 2021, nous avons formé et accompagné 753 jeunes de moins de 26 ans.

Quelles sont les formations les plus demandées par les entreprises ?

P. B. : Les métiers du bâtiment et des travaux publics, de l’industrie, de l’accompagnement de la personne.

Comment recueillez-vous les demandes des entreprises ?

P. B. : Nos commerciaux peuvent les démarcher directement pour leur présenter notamment notre catalogue d’offres courtes. Et donc les entreprises achètent des formations pour un nombre précis de salariés. Quand les entreprises ont des gros projets de recrutement, elles peuvent passer par Pôle Emploi qui leur proposera des candidats, que nous allons former en plusieurs étapes quelque fois en alternance dans l’entreprise, avant leur embauche définitive.

Le Village des Solutions

Le centre AFPA de Strasbourg appartient à l’Eurométropole de Strasbourg. Il compte quarante bâtiments répartis sur 7 hectares. Depuis 2017, comme les autres centres en France, il est devenu un « Village des Solutions ». « L’idée est de mettre en synergie les différents acteurs du territoire afin de faciliter l’insertion dans l’emploi durable, explique son directeur. Nous tenons à ce que les différents publics accèdent à notre site en dehors de l’acte de formation. » C’est ainsi qu’une structure d’insertion et qu’une banque alimentaire vont s’installer début janvier 2023 sur le site. La CyberGrange, spécialisée dans la réparation de petit matériel électrique et électronique, va également implanter un atelier dans lequel les habitants du quartier pourront venir donner une nouvelle jeunesse à leur grille-pain ou à leur cafetière… et, en passant, découvrir des formations susceptibles de les intéresser.

Par ailleurs, un grand chantier de rénovation énergétique est envisagé. « Nous envisageons de faire travailler nos stagiaires sur ce projet, indique Patrick Bernède. Nous voulons faire de notre centre un démonstrateur de la rénovation énergétique du bâtiment, notamment afin d’attirer de nouveaux publics vers ces métiers. Cela prendra du temps mais c’est un enjeu très important pour nous et nos publics. »

64 salariés et 6 M € de chiffre d’affaires

Le centre de l’AFPA de Strasbourg emploie soixante-quatre salariés, dont 80 % sont des formateurs. Pour être formateur à l’AFPA, il faut justifier d’une expérience d’au moins 3 ans dans le métier où s’exercera la formation et bien sûr pouvoir démontrer une appétence à la transmission. La plupart des formateurs sont en CDI, même si pour des opérations ponctuelles l’AFPA peut faire appel à des CDD, voire à des sous-traitants. Depuis le début de 2022, le centre de Strasbourg compte par ailleurs deux plateformes à Haguenau, une à Saverne et une à Molsheim.

Le premier financeur de l’AFPA de Strasbourg est le Conseil Régional Grand Est (50 % du chiffre d’affaires), suivi de Pôle Emploi (20 %) et des entreprises par l’intermédiaire des OPCO (Opérateurs des Compétences) ou en direct dans le cadre de son plan de formation (30 %). L’État finance l’accompagnement des publics particuliers. L’AFPA est en concurrence avec des entreprises de formation privées ou publiques, tels que les GRETA de l’Éducation Nationale. Le centre de Strasbourg génère 6 M € de chiffre d’affaires.

Jean de MISCAULT