Interview Paru le 23 mai 2023
JOURNÉE NATIONALE DE L’ACCÈS AU DROIT

Le CDAD de la Moselle propose une journée dédiée aux animaux

Ce mercredi 24 mai est la Journée nationale de l’Accès au Droit. Le Centre départemental de l’accès au droit de la Moselle (CDAD) propose à cette occasion une journée inédite dédiée aux animaux. Virginie Thomas, la cheville ouvrière du CDAD nous détaille ce projet, dans une interview aux Affiches d’Alsace et de Lorraine et nous présente le CDAD de Moselle.

Virginie Thomas, coordinatrice du Centre départemental de l’accès au droit, le CDAD.
Virginie Thomas, coordinatrice du Centre départemental de l’accès au droit, le CDAD.

« Cette journée que nous organisons autour du thème des animaux intéresse le ministère de la Justice dont trois représentants seront présents à la manifestation » se félicite d’entrée Virginie Thomas, visiblement agréablement surprise par l’intérêt que suscite ce projet qu’elle a organisé avec le soutien du président du tribunal judiciaire de Metz, Pierre Wagner. L’évènement se déroulera dans la bibliothèque du tribunal et obligera à se contenter d’une jauge d’une cinquantaine de places. La matinée sera dédiée à la place de l’animal au sein de la société (lutte contre la maltraitance animale, et la place des personnes avec des animaux dans le cadre du droit au logement, l’aide à l’autonomie…), l’après-midi sera consacrée à la place de l’animal au sein de la justice (chiens d’assistance judiciaire, médiation équine et asine…).

Avec un policier référent de la protection animale

De nombreuses personnalités seront invitées. Ainsi la responsable juridique de la SPA traitera de la question de la maltraitance animale. On note la présence du Procureur adjoint et du nouveau policier référent de la protection animale. Pour ce qui est du droit au logement, l’ADIL (l’Agence départementale d’information sur le logement) détaillera les droits et obligations en la matière. L’UDAF (Union départementale des associations familiales) évoquera l’accompagnement des personnes qui ont des animaux dans des structures d’hébergement, en résidence. « En l’absence de chenil, il arrive que des personnes en grande difficulté préfèrent dormir dehors avec leur chien, plutôt que sous un toit sans leur chien » explique Virginie Thomas. Elle cite aussi la présence du représentant des chiens guides de l’Est pour tout ce qui concerne l’autonomie. Donc, il y aura des chiens-guides le matin, et l’après-midi verra la participation de chiens d’assistance judiciaire.

Les chiens d’assistance judiciaire

L’après-midi de cette journée de l’accès au droit sera consacrée aux animaux au sein de la justice. Il y sera question notamment de la mise en place d’un chien d’assistance judiciaire au tribunal de Metz. C’est un chien qui sera formé pour aider des victimes diverses, dans le cas d’auditions, voire d’audience. « Pour les calmer, pour qu’elles puissent penser à autre chose. Il faut savoir qu’une convention nationale a été signée en février par le ministère avec l’association nationale France Victimes, qui forme les chiens et la SPA qui propose les chiens. Il y a tout un processus, un référent, une famille d’accueil du chien. Et ça s’est déjà mis en place dans d’autres juridictions » détaille Virginie Thomas.

La directrice de l’association d’aide aux victimes, le CDIFF (Centre d’information sur le droit des femmes et des familles), sera présente tout comme une pédopsychiatre qui vient de faire une thèse sur l’intérêt de l’accompagnement des chiens d’assistance judiciaire. On y relève aussi la présence d’une représentante de l’association Anti-chien ».

La médiation animale

Virginie Thomas a également sollicité et invité trois intervenants sur l’intérêt de la médiation avec des animaux, avec des chevaux et des ânes. « La représentante de la médiation équine travaille beaucoup avec des femmes victimes de violences, la relation avec le cheval pour retrouver l’apaisement. C’est pour ressentir des sensations d’apaisement, pour mieux se retrouver » précise la représentante du CDAD. Pour ce qui est de la médiation avec des ânes, les intervenantes sont actives et présentent des ânes dans les EPAHD, et font venir des jeunes en décrochage scolaire pour s’occuper des ânes.

Enfin, les trois personnes venant du ministère, issues du SADJAV (Service d’accès au droit et à la Justice et à l’aide aux victimes), viennent pour la journée. Elles ont prévenu la Cour d’appel de leur venue car « elles trouvaient l’idée très intéressante. »

Cette journée sera un véritable coup de projecteur sur la condition animale, à plusieurs niveaux : la maltraitance, l’assistance, l’accompagnement au quotidien.

Au début de la semaine écoulée, une trentaine de personnes étaient déjà inscrites pour participer à cette manifestation. Il y aura une majorité de professionnels du tribunal, des élus dont une adjointe de la Ville de Metz, il y aura même un représentant du Conseil régional de l’Ordre Grand Est des vétérinaires. Mais Virginie Thomas compte bien attirer du grand public, des particuliers sensibles à la cause animale. « En tout cas on ne s’attendait pas à tout ça. Mais c’est une bonne chose » avoue Virginie Thomas.

Le programme complet de la journée est diffusé sur le site du CDAD de la Moselle : www.cdad-moselle.justice.fr

Infos pratiques

Mercredi 24 mai 2023 de 9h à 12h et de 14h à 17h.

Bibliothèque du tribunal judiciaire de Metz 3 rue Haute-Pierre 57000 Metz

Entrée libre, places limitées.

Inscription préalables obligatoires sur Google Forms pour la journée complète ou pour la demi-journée.

Pour plus de renseignements et d’informations, merci de contacter Mme Thomas coordinatrice du CDAD de la Moselle : cdad-moselle@justice.fr

Virginie Thomas : « L’accès au droit ne peut que se développer »

On la connaît très peu, mais elle est depuis quelques années un rouage essentiel de l’accès au droit en Moselle. Virginie Thomas, 54 ans, est la coordinatrice du Centre départemental de l’accès au droit de la Moselle. Son bureau est au tribunal judiciaire de Metz. Dans cette interview elle se présente et nous parle du CDAD de la Moselle.

- Vous êtes la coordinatrice du CDAD de la Moselle. Qui êtes-vous ?

- Virginie Thomas : « J’ai toujours aimé le droit. J’ai fait des études de notariat pour travailler dans un premier temps dans une étude de notaires pendant une quinzaine d’années, puis j’ai poursuivi trois ou quatre ans dans un cabinet d’avocats. Je suis devenue assistante de justice à mi-temps, j’ai même cumulé avec mon travail à l’étude. C’est en 2014, sous l’impulsion de la présidente du tribunal de grande instance de Metz, Mme Patricia Pomonti, que j’ai signé un contrat pour travailler à plein temps au Centre départemental de l’accès au droit de la Moselle. C’était un poste rémunéré par le CDAD afin de mettre en place une politique de l’accès au droit dans le département. »

- Le CDAD, c’est quoi au juste ? Il existe depuis quand ?

- V.T. : « Il a été créé en 2000 au tribunal de grande instance de Metz. Il employait jusqu’en 2014 des assistantes judiciaires à temps partiel. J’avais commencé au CDAD comme assistante de justice, un poste de 15h par semaine. Je suis aujourd’hui la seule salariée. Le budget du CDAD est actuellement d’environ 250 000 euros. Mais au début, le centre ne disposait pas d’un tel budget. »

- Mais l’accès au droit, est-ce une idée récente ?

- V.T. « En fait, avec la suppression des tribunaux d’instance, c’est une partie de la justice de proximité qui était amputée. Ce qui a incité le ministère à lancer cette stratégie d’accès au droit. On peut dire du reste que l’actuel Garde des Sceaux soutient et encourage très concrètement le développement de l’accès au droit. Il a ainsi créé un numéro de téléphone unique d’accès au droit, le 3039, un sigle des Points justice. Il contribue à promouvoir l’accès au droit. Et nous avons un budget qui pour l’instant suit.»

« Éviter de balloter les usagers »

- Mais alors comment se fait-il que l’accès au droit, ou le CDAD soit encore si mal connu ?

- V.T. : « C’est vrai. Cependant, dès que les gens ont connaissance des Maisons de justice, des Points justice, ils utilisent ces outils de l’accès au droit. Au moindre problème, ils savent à qui s’adresser pour solutionner leur problème. Mais je reçois beaucoup de messages, parce que je gère la page Google du tribunal, et les gens sont tellement perdus, j’essaie de leur proposer des rendez-vous avec des associations, des professionnels. Et ils tombent des nues lorsque je leur parle des Maisons de justice, des Points justice. Le numéro unique d’accès au droit, le 3039, a déjà fait bouger les choses. Mais il faut du temps. On fait tout pour que ça fonctionne. Pour ne citer que cet exemple, j’ai fait deux heures de formation à des agents de France Services, ils avaient à peine entendu parler des Maisons de justice, des Points justice. La réponse qu’ils ne doivent surtout pas formuler, c’est : allez au tribunal. En fait, il faut éviter de balloter les usagers d’un endroit à l’autre. »

- Il y a combien de Maisons de justice en Moselle ? Et de Points justice ?

- V.T. : « Il y en a quatre. Forbach, Faulquemont pour la Moselle-Est, Val de Fensch à Hayange et Woippy. La première, historique, c’est Woippy. C’est un maillage raisonnable pour les Maisons de justice. Et en Moselle on est plutôt bien doté, car il y a des départements où il n’y en a pas. En revanche les Points Justice, sont des structures où il n’y a pas de greffier, que l’on trouve justement dans les Maisons de justice. Des Points justice on en trouve à Borny dans les locaux de la Mission Locale, un deuxième à Creutzwald, un autre dans le Saulnois à Château Salins, puis un à Phalsbourg et un dernier à Thionville. En tout cela fait cinq, sans compter le Point justice qui existe dans chaque juridiction au TJ de Metz, de Thionville, de Sarreguemines et enfin, un au tribunal de proximité de Sarrebourg. Si l’on devait relever un petit creux, ce serait dans le Pays de Bitche, en Moselle-Est. »

- Un de vos soucis, ce sont les rendez-vous qui ne sont pas honorés par les usagers ?

- V.T. : « C’est exact. On a beau les rappeler, ou ils ne répondent pas ou disent qu’ils ne viennent pas. Dans certains Points justice nous avons enregistré près de 50% de rendez-vous non honorés. C’est une perte de temps pour tout le monde, une perte d’argent aussi, car le CDAD rémunère les permanences. »

« Des Points justice économie »

- Comment y remédier ?

- V.T. : « Le CDAD de la Moselle a répondu à un appel à projets, pour créer une sorte de système comme Doctolib. Il permet au moins de confirmer le rendez-vous à l’usager, par SMS ou par mail, et il peut annuler son rendez-vous sans contrainte. Woippy est la Maison de justice pilote sur ce sujet. Et le personnel sent la différence. L’idée est aussi de développer des plannings partagés. Je fixe des rendez-vous à la MJD de Woippy où je peux avoir accès au planning. On ne veut pas balloter l’usager. Pour toutes interventions, je travaille avec la greffière de la MJD de Woippy qui est sur le terrain et qui fait beaucoup de choses, et je suis soutenue par la directrice de greffe du tribunal de Metz. »

- Il existe des variantes au sein des Maisons de justice, comme ce Point justice économie à Faulquemont. Qu’en est-il ?

- V.T. : « À Faulquemont et à Woippy ils ont créé des Points justice économie destinés à des entrepreneurs, des commerçants. C’est sous forme de permanences bimensuelles. Dans ces permanences les entrepreneurs obtiennent des informations, des aides avec notamment le concours d’association comme 60 000 Rebonds. »

- Pour quels problèmes les gens vous sollicitent-ils ? Vous êtes au CDAD des acteurs de la conciliation ou de la médiation ?

- V.T. : « Nous travaillons effectivement beaucoup avec les conciliateurs de justice. Il y a beaucoup de rendez-vous de personnes qui ont des litiges du quotidien, des conflits de voisinage notamment. Mais la grande majorité des cas concernent le droit de la famille : séparation, divorce, pension alimentaire, garde des enfants. »

- Et les personnes victimes de violence ?

- V.T. : « Les personnes victimes de violence ne vont pas aller spontanément dans une Maison de justice. Mais quand elles veulent se séparer de leur conjoint, en parlant avec un avocat, une juriste, si la confiance se crée, elles peuvent révéler les violences du conjoint. Et il y a des associations spécialisées dans ce domaine, car ces personnes-là doivent être suivies. Il y a le CDIFF, l’association de droit des femmes et de la famille qui sert de relais pour ces questions-là. »

« 26 000 personnes ont eu accès au droit en 2022 »

- A-t-on une idée de l’efficacité des points d’accès au droit ?

- V.T. « Dans notre rapport d’activité pour 2022, nous avons recensé un total de 26 000 personnes qui ont eu accès à des permanences de l’accès au droit dans le département, via les Maisons de justice, les Points justice et les Maisons France services. Pour ce qui est justement des agents de France Service, ils travaillent beaucoup avec les conciliateurs. Dans chaque France Services il y a un conciliateur de justice. On est plutôt satisfait de ce résultat. Mais toutes les maisons France Services ne sont pas des Points justice. Il y a en Moselle 32 France Services. »

- Finalement votre action permet de soulager un peu les tribunaux ?

- V.T. « Pas seulement. Les maires aussi, de communes qui ne peuvent pas gérer les conflits de voisinage. Ils n’hésitent plus, et orientent les usagers vers un conciliateur. C’est gratuit, c’est plus rapide que de passer par le contentieux. Grâce aux professionnels, aux associations, on peut en effet les aider et ça leur évite de passer par la case tribunal. »

« La gratuité et la proximité »

- Est-ce qu’un de vos principaux atouts n’est pas que ce service est entièrement gratuit ?

- V.T. : « Absolument, tout est gratuit. Mais n’oublions pas la proximité, la confidentialité. »

- Ce travail vous passionne ?

- V.T. : « Vraiment. Je n’ai pas le temps de m’ennuyer. En juin, avec le président, nous allons participer au conseil dans les Maisons de justice. Le président veut y participer, il a à coeur d’aller sur le terrain, il veut aller à la rencontre avec les membres de ce conseil, c’est-à-dire les signataires de la convention constitutive. C’est pour faire un point, voir ce qui va, ce qui ne va pas, ce qu’on peut améliorer. Tous les ans, on fait un bilan. »

- En fait le CDAD ne peut que se développer ?

- V.T. « Certes, mais tout dépend aussi du budget alloué. Le service est gratuit, mais il faut payer les professionnels. Tant qu’on a ce budget là on ne peut que se développer.»

- Est-ce que le CDAD est apprécié au sein du tribunal, du barreau ?

- V.T. : « Il est apprécié. Nous avons un très bon contact avec le barreau de Metz. Les avocats peuvent de fait être gagnants dans la mesure où des consultations peuvent déboucher sur des dossiers. L’usager est libre d’aller ensuite vers l’avocat. »

Propos recueillis par Bernard KRATZ