Interview Paru le 27 juin 2023
GABRIEL WEYL, président de la chambre des notaires du Bas-Rhin

« Améliorer le droit local pour le sauver »

Maître Gabriel Weyl a été élu président de la chambre des notaires du Bas-Rhin, le 5 mai dernier. L’occasion de l’interroger sur quelques points d’actualité de la profession notariale : le droit local, la loi « croissance », la fusion des chambres départementales, le marché immobilier dans l’ancien…

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Pourquoi vous êtes-vous porté candidat à la présidence de la chambre des notaires du Bas-Rhin ?

Gabriel Weyl : Il convient d’abord de préciser qu’il y a très peu de candidats. Par ailleurs ma candidature a été sollicitée par quelques-uns de mes confrères. Cela fait une douzaine d’années que je suis dans les instances, cela me passionne. Et je pense avoir une bonne connaissance des différents dossiers concernant la chambre départementale.

Quel est votre parcours professionnel ?

G. W. : Un parcours classique et linéaire. Après une maîtrise de droit, je suis entré au centre de formation professionnel des notaires. J’ai effectué mon stage à Strasbourg chez celui qui est devenu quelques années plus tard mon associé. En 2006, je suis devenu notaire salarié et en 2008, notaire associé.

Quelles ont été vos fonctions à la chambre des notaires ?

G. W. : J’ai d’abord été membre du conseil interrégional des notaires. Et puis au sein de la chambre départementale, j’ai été premier syndic, chargé des questions disciplinaires, après quoi j’ai été rapporteur. J’ai fait aussi beaucoup d’enseignement.

Vous avez fait de la question du droit local une des priorités de votre mandat. Pourquoi ?

G. W. : Parce qu’il est très important de protéger ce droit local. Il est probable que la loi « croissance » soit introduite en Alsace Moselle avec une augmentation du nombre de notaires : ce n’est pas forcément une mauvaise chose, mais nous veillerons à ce qu’ils soient nommés après avoir passé le concours de droit local auquel je suis très attaché. Par ailleurs le droit local comporte beaucoup d’aspects positifs comme la publicité foncière qui fonctionne particulièrement bien, grâce au livre foncier. Je pense aussi à la procédure d’exécution de partage judiciaire très efficace et protectrice des droits des justiciables.

Le droit local est-il menacé ?

G. W. : Il y a une tendance à vouloir supprimer les particularismes, lisser le droit. En même temps, j’ai du mal à imaginer comment le livre foncier, qui fonctionne très bien, pourrait être supprimé. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas des points à améliorer. Je dirais même plus : si nous voulons sauver le droit local, il faut sans doute l’améliorer.

Vous parliez des exécutions forcées, qui sont des actes de médiation. Or le Garde des Sceaux est lui-même très attaché au principe de médiation pour désengorger les tribunaux. Cela va donc dans le sens du droit local ?

G. W. : Effectivement dans la procédure d’exécution forcée de droit local, nous parvenons parfois à concilier créanciers et débiteurs afin de trouver des solutions. Et c’est encore plus vrai dans le partage judicaire où la médiation du notaire est très importante. Cela va effectivement dans la ligne de ce que veut faire le ministère de la justice. Mais la réalité est que l’administration méconnaît nos procédures locales. Il nous revient donc de mieux communiquer.

Un des objectifs de la loi « croissance » est de créer plus d’études notariales. Y a-t-il assez de candidats ? Assez de candidats notaires mais aussi assez de candidats salariés ?

G. W. : Il y a des candidats, mais tous les notaires salariés n’ont pas envie de s’engager pour diriger une charge qui est aussi une entreprise. Par ailleurs, comme dans beaucoup de métiers actuellement, il est de plus en plus difficile de recruter des salariés, notamment des formalistes, parce que beaucoup de jeunes veulent directement devenir notaires.

« Au contact de beaucoup de problématiques humaines »

Comment voyez-vous l’évolution de votre métier ?

G. W. : Être notaire, c’est d’abord être à l’écoute de ses clients. Nous sommes au contact de beaucoup de problématiques humaines. C’est finalement la partie la plus agréable du métier. C’est l’image très réelle du notaire de famille : cela existe toujours. C’est sur cette relation que nous construisons nos actes. C’est pourquoi nous tenons à rappeler et à démontrer que nous ne sommes pas juste un passage obligé dans telle ou telle situation. Avant les actes eux-mêmes, nos conseils peuvent engager toute une partie de la vie de nos clients.

On parle beaucoup de la crise du logement. Vu de votre position, quel est votre ressenti ? Est-ce si grave ?

G. W. : De manière générale je n’aime pas beaucoup le catastrophisme. Oui, cela va moins bien. Les raisons sont connues : les candidats à l’achat dans l’ancien, particulièrement les primo accédants, ont de plus en plus de mal à accéder au crédit, les taux d’intérêt ont été multipliés par trois en moins d’un an, les prix n’ont pas baissé. Et du coup beaucoup de personnes ne souhaitent même plus interroger leur banque. On enregistre donc un ralentissement du nombre de ventes. Mais nous ne sommes pas encore dans l’arrêt total d’activité que nous avons pu connaitre en 2008. Il ne faut pas oublier non plus qu’après 2008, nous avons connu de très belles années. Je veux rester optimiste.

La fusion des deux chambres bas-rhinoise et haut-rhinoise est-elle toujours à l’ordre du jour ? Allez-vous y pousser ?

G. W. : Ce n’est pas seulement le Bas-Rhin et le Haut-Rhin : il y a aussi la Moselle. Aujourd’hui, la volonté nationale est de créer des chambres interdépartementales regroupant le conseil interrégional et les différentes chambres qui le constituent. Nos trois chambres d’Alsace Moselle sont indissociables : nous avons une histoire unique et un droit commun.

Pourriez-vous être le dernier président de la chambre des notaires du Bas-Rhin ?

G. W. : Je ne peux pas vous le dire mais ce n’est pas exclu. Nous allons continuer à oeuvrer dans le sens de l’interdépartementalité. Je ne sais pas à quelle vitesse cela va avancer. Si nous le faisons, nous devrons veiller à ce qu’il y ait toujours des représentants locaux sans pour autant que cela devienne une armée mexicaine.

Jean de MISCAULT