Interview Paru le 07 juillet 2023
Pierre-Yves Thuet, président du Conseil interrégional des notaires d’Alsace Moselle

«Les notaires sont bien plus que de simples passages obligés»

Alors que son mandat s’est achevé, à la fin du mois de juin, Pierre-Yves Thuet fait le bilan de son action à la présidence du Conseil interrégional des notaires d’Alsace Moselle depuis deux ans. Il est question de communication et beaucoup de droit local, notamment au regard de la possible création de nouveaux offices notariaux.

© photo srebnicki

En 2022, vous avez créé la marque NAM (Notaires d’Alsace Moselle). À quoi cela sert-il ?

Pierre-Yves Thuet : Nos trois départements de la Moselle, du Bas- Rhin et du Haut-Rhin ont un statut particulier : les trois chambres départementales sont réunies sous un conseil interrégional. Le conseil interrégional gère des questions transversales pour le compte des chambres comme la communication ou la formation. Nous avons souhaité donner une identité plus forte à ce conseil, une bannière unique : c’est la raison d’être du NAM. L’objectif de la campagne était de faire connaître le métier et le rôle du notaire trop souvent réduit à un simple passage obligé, par exemple quand on achète un bien immobilier ou quand on prépare sa succession. Alors que le notaire exerce tout un rôle de conseil, y compris des conseils gratuits, soit dans nos études, soit dans les tribunaux ou les points d’accueil d’accès au droit. Il nous est même arrivé de faire des conférences dans des pâtisseries.

Pourquoi est-il nécessaire que les chambres départementales se réunissent en un conseil interrégional ?

P.-Y. T. : D’abord parce que nous avons une histoire commune à défendre et à faire valoir. Ensuite parce que la Chancellerie ne veut plus communiquer avec quatre-vingt-dix-sept chambres départementales : elle veut réduire le nombre d’interlocuteurs. À très court terme, en « vieille France », les chambres départementales devraient être supprimées et remplacées par des chambres interdépartementales. En Alsace Moselle, cela devrait aussi finir par se faire.

Créer de nouvelles études en Alsace Moselle

Vous avez fait de la question du droit local un des principaux axes de travail de votre mandat. Pourquoi ?

P.-Y. T. : Le droit local institue l’absence de patrimonialité des offices, c’est-à-dire qu’en Alsace Moselle, on ne vend pas et on n’achète pas une étude de notaire. Et par ailleurs, dans nos trois départements, la nomination des notaires se fait en fonction de la règle de l’ancienneté. Lorsqu’une étude est vacante, une commission réunie sous la présidence de magistrats détermine le choix du repreneur en fonction de l’ancienneté. Or la loi « croissance » de 2015 a créé trois-mille nouvelles études en « vieille France » et cette loi n’a jamais été introduite en Alsace Moselle, notamment en raison de la non patrimonialité des offices notariaux prévue par le droit local. Depuis le début de mon mandat, j’ai milité pour que l’on propose de nouveaux notaires, toujours dans le respect du droit local. Aujourd’hui, nous sommes prêts à faire à la Chancellerie des propositions de création d’offices. Principalement parce que nous avons besoin de nouveaux notaires.

Combien y a-t-il de notaires en Alsace Moselle ?

P.-Y. T. : Il y a, dans les trois départements, 188 études et 528 notaires, dont 218 notaires salariés.

Vous voudriez créer combien de nouvelles études ?

P.-Y. T. : Un nombre significatif que je ne peux pas vous communiquer aujourd’hui. Il faut quand même savoir qu’en « vieille France », un tiers des nouvelles études ont dû fermer. Nous allons soumettre notre proposition au Garde des Sceaux et nous attendons une décision entre 2023 et 2024 étant entendu que l’Autorité de la concurrence sera également appelée à donner son avis.

Vous avez signé, en mai dernier, la convention « Notaires et Territoires » avec la Banque des Territoires. De quoi s’agit-il ?

P.-Y. T. : La Banque des Territoires est la banque des notaires. L’idée du renouvellement de cette convention, c’est d’obtenir un soutien de la Banque des Territoires sur différents projets, tels que la communication ou la formation. Ces actions sont payées à moitié par la Banque des Territoires dans le cadre d’une enveloppe annuelle limitée.

Votre mandat s’est achevé à la fin du mois de juin. Que souhaiteriez-vous que nous en retenions ?

P.-Y. T. : J’ai essayé de simplifier nos instances afin de rendre leur fonctionnement plus efficace. Nous avons maintenant une juriste, une contrôleuse de gestion, une chargée de communication. J’ai recréé la Commission de Recensement et d’Analyse des Critères de la Commission de présentation (la CRAC2) : elle donne un avis aux magistrats lors du remplacement d’un notaire dans une étude vacante par rapport aux critères du droit local.

La modernité du droit local

« Le droit local n’est pas figé : il évolue sans cesse. » Pour Pierre-Yves Thuet, le droit local est moderne et il cite plusieurs exemples.

Le livre foncier. Il a été totalement numérisé. À l’époque du papier, il permettait déjà de se renseigner en quelques secondes sur les propriétés, les servitudes et les hypothèques de tout un chacun. « Aujourd’hui, tout est disponible sur votre ordinateur. Cela est beaucoup plus souple que la conservation des hypothèques en vieille France. »

Le partage judiciaire. « Si vous ne vous entendez pas avec votre épouse sur le partage des biens en indivision, vous pouvez régler le litige directement devant le notaire, sans devoir aller chez les juge. » Et ce modèle pourrait même être appliqué en « vieille France ».

L’exécution forcée. Une personne ne paye pas sa banque. Celle-ci peut demander une procédure d’exécution forcée qui se passe intégralement chez le notaire, avec la possibilité à tout moment d’arrêter la procédure en trouvant une solution convenant aux deux parties sans aller à l’adjudication.

Jean De MISCAULT