Interview Paru le 20 octobre 2023
CLAUDE FEURER-ANGER ET MIREILLE DARTUS, PRÉSIDENT ET DIRECTRICE DU STRASBOURG CONVENTION BUREAU

« Nous voulons redevenir exotiques pour les Allemands ou les Suisses »

Le Strasbourg Convention Bureau fête ses 15 ans. Spécialisé dans l’accueil de congrès, séminaires et grands évènements, il doit être fusionné avec l’Office de Tourisme de Strasbourg et de sa Région à la fin du mois de janvier 2024. L’occasion de dresser le bilan et les perspectives de son action.

 Qu’est-ce que le Strasbourg Convention Bureau ?

Claude Feurer-Anger : Nous sommes le point d’entrée pour les or­ganisateurs d’évènements, de congrès, de séminaires. Il peut s’agir d’aider les organisateurs à trouver des lieux, de leur faciliter l’accès à la destination. Nous sommes aussi chargés de la promotion de la destination pour ces évènements. C’est l’équivalent de l’Office de Tourisme pour le tourisme d’affaires. Nous comptons près de deux-cents adhérents, qui sont des entreprises spécialisées dans le tourisme d’affaires.

Qui sont ces adhérents ? Sont-ils exclusi­vement strasbourgeois ou proviennent-ils d’ailleurs en Alsace ?

C. F.-A. : Ce sont des hôtels, des restaurants, des traiteurs, des sites, des organisateurs d’évènements… Certains viennent d’ailleurs que de Strasbourg. Le Royal Palace, de Kirrwiller, est par exemple un de nos partenaires.

Quelle est votre zone de chalandise ?

C. F.-A. : À la demande de l’Eurométropole, et conformément à sa stratégie de tourisme durable, nous faisons porter l’essentiel de nos efforts sur les régions limitrophes de Strasbourg : Allemagne, Belgique, Suisse, Italie et moins sur le marché international lointain.

Quand on fait du tourisme d’affaires, n’est-il pas dommage de se limiter à une zone de chalandise de proximité, alors que le marché est mondial et que d’autres destinations ne se gênent pas pour attirer des congrès depuis l’autre bout du monde ?

C. F.-A. : Cela veut dire que nous ne prospectons pas sur des marchés lointains, mais cela ne nous empêche pas de recevoir une manifestation américaine ou asiatique. Et Strasbourg, eu égard à sa dimension européenne, intéresse bon nombre de manifestations internationales.

Mireille Dartus : Il faut aussi bien admettre que les entreprises, elles-mêmes, recherchent plus de proximité géographique. C’est très net depuis la COVID : beaucoup d’entreprises demandent à leurs collaborateurs de ne plus prendre l’avion. L’enjeu pour Strasbourg, c’est aussi de redevenir attractif, exotique pour les Allemands ou les Suisses.

Comment Strasbourg est-elle classée en matière de tourisme d’affaires?

C. F.-A. : Selon ICCA (International Congress and Convention Association), Strasbourg est la cinquième ville française d’accueil de congrès internationaux, hors Paris.

M. D. : L’ICCA ne prend en compte que les congrès internationaux, mais nous accueillons également des séminaires ou des grosses conventions d’entreprise. Ainsi, avons-nous reçu Danone au début de 2023. C’est une part importante de notre travail.

Plus 52 % d’activité par rapport à 2019

Quel est le bilan du Strasbourg Convention Bureau après 15 ans d’existence ?

C. F.-A. : À l’époque, le Bureau a été créé à la demande des professionnels du secteur et sous l’égide de Robert Grossmann, alors président de la Communauté Urbaine de Strasbourg. Nous avons commencé avec près de quatre-vingts adhérents ; nous sommes aujourd’hui deux cents. Nous avons mené 5 120 projets, nous comptons 6 700 contacts professionnels dans notre banque de données.

Et plus précisément, quel est le bilan de 2022 ?

C. F.-A. : Après la COVID, certains experts prédisaient la fin de l’activité évènementielle. Dieu merci, cela ne s’est pas produit. En 2022, la progression est de plus 52 % par rapport à 2019. Et sur les huit premiers mois de 2023, la progression est de plus 15 % par rapport à la même période de 2022.

Donc Strasbourg reste attractive ?

M. D. : Oui bien sûr et notamment grâce aux nouveaux équipements que sont le PMC rénové et le tout nouveau Parc des Expositions.

C. F.-A. : Attractive oui, mais surtout au bénéfice de la qualité. Nous voulons aller sur un business plus choisi, plus proche et plus durable. Aujourd’hui, nous privilégions la qualité à la quantité.

En chiffres

En 15 ans, le Convention Bureau de Strasbourg a accompagné 5 581 projets.

Il a généré 170 M € de retombées économiques.

Il a participé à 177 actions de promotion de la destination Strasbourg à travers le monde.

Comment le tourisme d’affaires peut-il être durable ?

C. F.-A. : C’est à nous de traduire cet objectif politique dans la réalité. C’est pourquoi nous recherchons des entreprises, des as­sociations… qui sont elles aussi dans cette démarche de durabilité. Ainsi nous tenons à davantage choisir nos marchés qu’à les subir.

M. D. : Nous avons développé le nombre d’adhérents positionnés sur les mêmes objectifs de développement durable : recyclage des déchets, lutte contre le gaspillage alimentaire... Et nous les mettons en avant sur notre site web. Cela les motive à aller plus loin et cela en incite d’autres à en faire autant. Nous avons également édité un guide afin d’organiser des évènements plus durables à Strasbourg et d’encourager les bonnes pratiques.

Vous parliez de Danone. Une convention Total Energie, ce ne serait pas possible à Strasbourg ?

M. D. : Disons que cela les inciterait, s’ils n’y pensent pas déjà, à user de nos bonnes pratiques. Pour un certain nombre d’organi­sateurs, si la destination ne se positionne pas dans une démarche de développement durable, elle n’est même plus consultée.

La fusion Office de Tourisme et Convention Bureau aura-t-elle bien lieu en janvier 2024 ?

C. F.-A. : Cela a été un accouchement long. Mais les deux conseils d’administration et assemblées générales extraordinaires des deux structures sont bien prévus en janvier prochain pour constater la fusion et la création de la nouvelle Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC).

Et du coup, quid du Convention Bureau ?

C. F.-A. : Au sein de la SCIC, l’activité congrès et séminaires sera toujours conduite par le Convention Bureau, avec la même équipe de professionnels et – nous l’espérons – plus de moyens. Aux côtés du conseil coopératif sera constituée la Fabrique de destination rassemblant les professionnels, avec un double rôle de surveillance et de réflexion sur le développement du tourisme.

65 % soutenable

Selon les résultats du Global Destination Sustainability Index (GDS-Index), publiés le 4 octobre dernier, Strasbourg obtient la note de 65 %. La note est calculée à partir de soixante-dix critères intégrant les aspects environnementaux, sociaux, stratégiques de la destination, accompagnés de preuves concrètes permettant d’évaluer la stratégie durable de la destination.

Selon le Strasbourg Convention Bureau, à l’origine de la démarche, Strasbourg se place, pour son premier classement, 48ème sur 100 destinations : « À titre comparatif, lors de leur première participation, les destinations et villes impliquées dans le GDS-Index obtiennent en moyenne un score de 44.5%, et les villes françaises en moyenne 51.4%. À ce jour, la moyenne des scores au niveau international est de 61.5%. »

L’audit souligne les bonnes performances de la destination strasbourgeoise sur les volets environnemental et social et relève des marges de progression sur les performances des professionnels (hôtels, restaurants, aéroports, agences évènementielles) ainsi que sur la stratégie touristique globale de la destination, les certifications, l’accompagnement des professionnels, ou la communication.

Jean De MISCAULT