Interview Paru le 07 novembre 2023
STÉPHANE CHARRIER

AGRIA Grand Est, des experts et des projets

L’agroalimentaire, loin des clichés de la grosse industrie, mérite d’être mieux connu

Stéphane Charrier

Au cœur de la région, les experts d’Agria Grand Est accompagnent les entreprises de la bioéconomie – quelle que soit leur taille, quelle que soit leur filière – pour les aider à relever les défis liés au développement. L’objectif de cette association est de favoriser la compétitivité et le développement technologique des entreprises agroalimentaires régionales. L’expérience reconnue des collaborateurs d’Agria Grand-Est, leur permet de gérer les multiples problématiques de leur activité, dans une démarche toujours très personnalisée. Depuis avril dernier, Stéphane Charrier est à la tête de cette équipe.

Quels sont les facteurs qui vous ont incité à rejoindre l’association Agria Grand Est ?

Stéphane Charrier, directeur de l’Agria Grand Est : ma formation et mon parcours professionnel dans le milieu agricole m’ont amené à travailler autour du conseil aux agriculteurs. [NDLR : Stéphane Charrier est diplômé de l’école supérieur d’Agriculture d’Angers et titulaire d’un Master en Management international agroalimentaire de l’ESSEC/Coop de France. Il a une expérience de 15 ans dans la direction de coopératives en Vendée et dans le Nord-Est de la France, ainsi qu’à la tête de la chambre d’agriculture de la Haute- Marne]. J’ai vu dans ce poste l’occasion de me confronter avec le milieu agricole. Surtout, j’y ai perçu la diversité des entreprises, ce qui est intellectuellement stimulant. Et je ne suis pas déçu !

Vous êtes directeur de l’Agria Grand Est depuis quelques mois. Comment se sont passés vos premiers pas dans cette institution ?

S.C. : J’ai fait le constat que l’agroalimentaire n’est pas toujours bien représenté dans l’industrie. D’où l’importance d’accompagner ces entreprises dans leur développement.

Depuis quelques temps, le slogan « de la fourche à la fourchette » est souvent évoqué. Mais ce passage du producteur au consom­mateur ne peut se faire sans passer par la transformation, et donc sans passer par l’agroalimentaire. Nous avons un vrai rôle d’accom­pagnement, car les entreprises de la filière ne sont pas forcément des gros groupes. En effet, 80 % des entreprises du Grand Est sont des PME de moins de 50 salariés, ancrées sur le territoire, qui bien souvent transforment une partie de leur production en local. Nous sommes loin de cette image d’usine, que l’on souhaite coller à l’industrie en général.

C’est très motivant de travailler dans cet environnement-là ! Et mon souhait dans un avenir proche, est de développer l’accom­pagnement des entreprises et de leurs dirigeants, mais aussi de promouvoir et de représenter l’agroalimentaire.

Quel a été votre première action au sein de l’Agria ?

S. C. : Dans les premiers temps, je me suis rapproché des adhérents. Je suis allé sur le terrain, j’ai beaucoup échangé avec eux, pour m’imprégner de leur quotidien et connaître leurs problématiques. Ce qui est intéressant, c’est la définition de leurs besoins : ils mettent dans leurs premières priorités l’emploi et l’énergie. Globalement, ce sont les deux sujets qui reviennent, avec la thématique de l’inflation en filigrane. Donc depuis septembre, au sein de l’Agria, nous avons mis en place des temps d’échanges. L’idée est de faire intervenir des experts. Dernièrement, les sujets traités ont porté sur le marché de l’emploi et sur l’énergie. Des sujets complexes, qui nécessitent les compétences d’experts. L’objectif est d’ame­ner les dirigeants à réfléchir aux options possibles, pour trouver des solutions pragmatiques. Par exemple, la relation à l’emploi a beaucoup changé, on peut le déplorer mais c’est un fait ! Donc cela implique pour les entreprises de s’adapter, afin d’attirer de nouveaux collaborateurs. Nous accompagnons les dirigeants à réfléchir sur les process de recrutement et sur les méthodes de management... Mais nous souhaitons aussi amener les dirigeants à se rencontrer, car ce métier est souvent solitaire.

Quel est l’impact de l’inflation sur les entreprises agro-alimentaires ?

S. C. : Le dossier de l’inflation est un vrai sujet ! Avec nos collègues d’Alsace et de Champagne-Ardenne, nous avons communiqué récemment sur le fait qu’il fallait se méfier des raccourcis. Car aujourd’hui, le secteur où le consommateur a encore le pouvoir d’arbitrer est celui de l’alimentaire. Les chiffres de la consommation indiquent que ceux de la téléphonie et des loisirs n’ont pas baissé, de fait nous pouvons en déduire que le consommateur n’a pas sacrifié ces postes. Par contre, l’acheteur arbitre ses dépenses lorsqu’il fait ses courses : la consommation alimentaire a baissé d’un peu plus de 4 %, ce qui est un phénomène inédit depuis plus de 10 ans. Et dans cette part de dépense, l’achat des marques « distributeurs » – donc les prix intermédiaires –, a augmenté au détriment des grandes marques. En parallèle, la vente de viande rouge a fortement baissé. De fait, l’idée de fond est : faisons bais­ser les prix de l’alimentaire ! Le premier levier porte sur une baisse des coûts de l’énergie, notamment en investissant dans des outils plus performants. Puis, la réduction des coûts peut porter, dans une moindre mesure, sur les matières premières générales, mais le poids de la négociation a forcément une limite. Et sans doute aussi sur l’emballage, qui reste toutefois nécessaire. Les leviers sont limités !

Les entreprises locales ne vont pas se délocaliser à l’autre bout du monde. Mais elles ont aussi besoin de continuer à investir, no­tamment dans la transition environnementale, et elles réfléchissent aux moyens de consommer moins d’énergie...

La baisse des coûts de transformation ne permettra pas un retour aux tarifs antérieurs

Vu de loin, l’on peut considérer que si certains prix de fonctionne­ment ont baissé, cela devrait se répercuter sur les prix de ventes, mais lorsqu’on approfondit, l’on se rend compte que ce n’est pas aussi simple que cela.

En effet, si une baisse des coûts de transformation a pu être réalisée par les entreprises agro-alimentaires sur l’énergie et l’emballage, les entreprises ont toutefois été confrontées à une certaine hausse des intrants, au-delà des matières premières agricoles qui ont aussi augmenté. Par ailleurs, le coût de l’emballage affiche aussi une in­flation : le verre a subi une hausse de 40 à 60 %, le carton entre 20 et 40 %. Et puis, d’une façon générale, les salaires ont progressé, ce qui est une bonne chose par rapport à l’inflation. Donc, il est fondamentalement impossible de revenir aux prix pratiqués il y a deux ans. Ce sont des données importantes à expliquer, pour ne pas laisser croire aux consommateurs, qu’avec les négociations que le gouvernement a souhaité voir accélérer, les prix vont radi­calement baisser. Il y aura sans doute quelques ajustements, mais il ne faut pas s’illusionner.

Quels sont les enjeux à venir pour l’AGRIA ?

S. C. : Nous travaillons sur l’accompagnement sur une dimension collective, pour permettre aux entreprises de se tenir informées sur l’ingénierie et l’innovation. Nous menons aussi des projets collectifs avec d’autres centres régionaux, sur la capacité à anticiper et à innover. Ces projets de prospectives portent par exemple sur le réemploi du verre, ou sur le recyclage des emballages plastiques : des sujets de transitions environnementales et économiques. C’est le rôle d’Agria de s’engager sur ces projets-là. Depuis deux ans nous travaillons sur l’enjeu du recyclage et de la réutilisation de l’eau.

Au niveau du champ individuel, nous accompagnons les PME, car le dirigeant doit être commercial, chef de production, financier... Donc, s’il le souhaite, le chef d’entreprise peut solliciter l’aide de nos spécialistes. Ainsi, notre ingénieur qualité peut conseiller sur les process et assurer le rôle de responsable qualité pour le compte de l’entreprise. Nous pouvons intervenir dans différents domaines, comme le diagnostic de performance industrielle, la formulation de recette pour rendre un produit plus gouteux, la communication sur les réseaux sociaux et le marketing, le management, et également sur le volet emploi-formation, avec notamment l’organisation de la semaine de l’emploi agroalimentaire qui aura lieu prochainement.

Quels sont les axes prioritaires pour l’Agria Grand-Est ?

S. C. : Nous initions trois éléments : fédérer, consolider, réaliser ! Nous avons actuellement 80 adhérents, et nous voulons continuer à les fédérer en leur proposant de se rencontrer plus fréquemment, pour casser la logique d’isolement et créer du réseau. Mais aussi monter en puissance en augmentant le nombre d’adhérents, et consolider nos projets, en continuant à investir dans ces projets collectifs et environnementaux.

Pour 2024, nous allons conduire 5 ou 6 projets, et nous envisa­geons d’engager une personne supplémentaire dans ce cadre-là. Nous souhaitons développer l’accompagnement individuel d’entreprise, en offrant une plus large offre de formations, pour répondre aux besoins de nos adhérents. Et puis, avec l’arrivée de nouvelles expertises, d’élargir le champs d’accompagnement des dirigeants.

L’agroalimentaire est une filaire qui a tendance à être trop sou­vent cataloguée « industrie », mais nous sommes très loin de cette image de « grosse production ». Car ce sont des PME locales avec des salariés locaux, qui ne sont pas déloca­lisables. Comme par exemple la fromagerie Dongé à Triconville dans la Meuse (55), un village de 150 habitants. Et cela crée de la valeur sur les territoires !

 

La Semaine Nationale de l’Emploi Agroalimentaire

Cet événement a lieu dans le Grand Est, et a démarré le 6 no­vembre. Organisée avec le soutien de la Région Grand Est, cette opération a pour objectif de favoriser l’attractivité de la filière, d’en faire connaître les métiers et les formations, et de faciliter les recrutements. Partout en France, le réseau des ARIAs, Pôle Emploi, l’APEC, l’APECITA et toutes les parties prenantes de l’emploi et de la formation se mobilisent pour la troisième an­née consécutive, avec l’objectif de répondre aux besoins en recrutements actuels et à venir des industries agroalimentaires. Au programme : des visites d’entreprises, des échanges pour connaître les opportunités professionnelles, des ateliers, des conférences, et des webinaires.

Programme et inscription sur le site internet : https://les-arias-grandest.fr/index.php/event/semaine-nationale-de-lemploi-en-agroalimentaire/

Au sujet d’Agria Grand Est

Agria Grand Est est une association fondée en 1986, par des entreprises agroalimentaires et des organismes de recherche et d’enseignement supérieur de Lorraine. Cette institution est le référent, au service des entreprises agroalimentaires et agro-ressources du territoire. Leurs missions :

- Promouvoir l’innovation, en partenariat avec les acteurs éco­nomiques, scientifiques et agricoles.

- Favoriser l’émergence et la réussite de projets individuels et collectifs concourant au développement économique et tech­nologique de la filière.

- Sensibiliser, inciter, informer et accompagner les entreprises agro-alimentaires dans leurs projets de R&D.

- Participer à la valorisation et à l’optimisation du transfert des résultats de la recherche et développer les relations entre industriels et universitaires.

Pour être au plus près des attentes des partenaires et entreprises agroalimentaires, une enquête est en ligne sur le site d’Agria Grand est. Les internautes pourront indiquer leurs attentes, leurs projets et leurs problématiques.

L'équipe d'Agria Grand Est

CH. BE