Interview Paru le 23 août 2024
LA BRIGADE VERTE D’ALSACE

Une police environnementale locale, unique en France

Avec plusieurs milliers d’interventions chaque année, les domaines d’activité de la Brigade Verte sont aussi variés que le permettent les compétences des Gardes Champêtres. Les agents de la Brigade Verte, omniprésents sur le terrain, sont les garants de la préservation du patrimoine naturel, rural et urbain. Au service des Maires, la Brigade Verte se veut également une police de proximité, pouvant répondre 7/7 jours à de nombreuses sollicitations. Arnaud Hurstel, responsable environnement au syndicat mixte Brigade Verte d’Alsace, nous présente le fonctionnement de cette institution.

Les missions des gardes champêtres de la Brigade Verte sont multiples © Brigade Verte

La Brigade Verte, qu’est-ce que c’est au juste ?

Arnaud Hurstel, responsable environnement : La Brigade Verte est une spécificité en France, qui n’existe qu’au sein de la Collec­tivité Européenne d’Alsace (CeA). Elle a été créée en 1989 par le Dr Henry Goetschy, vétérinaire de profession, et président du conseil départemental du Haut-Rhin. Il en a eu l’idée, afin de mutualiser les compétences des gardes champêtres intercommunaux, pour surveiller le patrimoine alsacien. Les agents de cette police rurale, de par leur présence et connaissance du terrain, sont au service de l’environnement et du bien vivre ensemble. Ils interviennent avec les acteurs locaux (population, communes, services de l’État).

Quel est le rôle de cette brigade locale ?

A. H. : Les missions de nos gardes champêtres sont diverses : faire respecter les arrêtés municipaux et les règlements d’urbanismes, lutter contre les incivilités et les nuisances sonores, protéger les animaux domestiques contre la maltraitance, et prendre en charge ceux qui se sont échappés sur la voie publique. Une partie de leurs missions consiste aussi à la protection de l’environnement : surveil­lance et protection des espaces naturels protégés, prise en charge de la faune sauvage, animaux blessés ou malades, et patrouiller dans les zones rurales et forestières pour éviter les dépôts sau­vages de déchets et de diverses pollutions, et surveiller les départs de feu. Mais aussi prévention et intervention auprès des citoyens lorsqu’ils font des feux dans des zones interdites ou à risque, et contrôle des activités de chasse et de pêche, et intervention pour éviter les constructions sans permis et les infractions au Plan Local d’Urbanisme (PLU). Le garde champêtre est la police du maire !

Plus précisément, quels types d’interventions sont réalisées auprès des animaux ?

A. H. : Rappelons que la divagation des animaux domestiques, qu’ils soient de compagnie (chien et chat) ou de ferme (vache, mouton, chevaux), est une infraction. Nous sommes appelés par les habitants ou les agents de la mairie, lorsque des animaux sont vus sur la voie publique. Nous tentons de les attraper, pour les sécuriser et éviter des accidents, puis nous les remettons à leur propriétaire, puisque ces animaux sont généralement identifiés par des puces ou par des boucles aux oreilles. Comme les forces de l’ordre, nous possédons un lecteur de puce et avons un accès direct aux bases de données. Il est clair que nous ne verbalisons pas systématiquement, car nous tenons compte des circonstances et apprécions les spécificités de chaque situation. Mais cela peut être le cas, si le propriétaire est récidiviste, ou agressif.

Pour les animaux sauvages, notre action est liée à la conservation de la biodiversité. C’est une mission qui nous est confiée par la Collectivité Européenne d’Alsace. Nous récupérons les animaux protégés par la loi, qui sont blessés, sur les 379 communes adhérentes au syndicat mixte, et même au-delà de cette zone géographique, car les animaux ne choisissent pas le lieu de leur accident. Dans ce cadre, nous travaillons en partenariat avec la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO), centre de soins qui soigne la faune sauvage vertébrée (mammifères et oiseaux) en Alsace. Tous les jours, notre navette fait le relais vers la LPO, pour y déposer les animaux blessés que nous avons pris en charge. Leur nombre varie selon les jours, et quelques fois des animaux chassables sont également transférés.

Nous sommes aussi parfois sollicités pour achever des cerfs, chevreuils, sangliers, renards ou blaireaux, qui sont agonisants au bord des routes, suite à une collision avec des véhicules. Nous agissons avec nos propres moyens, bien qu’actuellement nous ne disposons pas d’armes de chasse pour intervenir sur les animaux de grande corpulence. Dans ce cas, nous faisons appel à notre réseau de gardes-chasses, qui viennent sur appel. Nous sommes actuellement en discussion avec le préfet, pour obtenir l’autorisa­tion d’avoir une arme par véhicule, afin de pouvoir intervenir plus rapidement dans ce domaine.

Nous participons également à des comptages, avec l’ONF (Office National des Forêts) et l’OFB (Office Français de la Biodiversité), pour connaître le niveau de population de certaines espèces, comme le chamois, le loup et le lynx dans les Vosges. Ces suivis officiels sont coordonnés par l’OFB.

Et les chats errants ? Participez-vous aux campagnes de stérilisation ?

A. H. : La prolifération des chats errants est la cause de la négli­gence humaine ! Nous pouvons intervenir sur demande du maire, qui établit un arrêté de capture, et mettons à disposition des cages pièges. Mais dans ce type de mission, nous travaillons en parte­nariat avec la SPA qui est particulièrement adaptée pour ce genre d’intervention. Car dans la plupart des communes, cette action étant devenue trop chronophage pour nous, les maires ont préféré opter pour un partenariat avec la SPA ou une fourrière animale.

La faune n’est qu’une partie de notre travail. En une journée, nos gardes champêtres peuvent intervenir dans des domaines très variés. Nous avons coutume de dire qu’ils ont 150 domaines de compétences.

Prévention ou sanction ? Quelle est la meilleure stratégie ?

A. H. : À l’origine, en 1989, la doctrine portait surtout sur la pré­vention sans sanction. Aujourd’hui, la priorité est toujours donnée à l’information et à la sensibilisation, notamment dans le cadre des feux de forêt. Mais il faut garder à l’esprit que le garde champêtre est un agent de police judiciaire, il a tout pouvoir, et la liberté de juger s’il doit faire de la prévention ou de la répression. Les types de sanctions liées aux infractions sont définies préalablement, en accord avec le parquet. Des réunions sont organisées régulièrement avec le procureur de la république, pour définir les stratégies de politiques pénales, car il est notre supérieur hiérarchique au niveau judiciaire. Au niveau administratif, c’est le maire.

La Brigade Verte en chiffres

- La flotte de la Brigade est composée de 16 chevaux et une vingtaine de véhicules (voitures, motos, VTT)

- En 2023, les agents de la Brigade Verte ont procédé à 13 508 interventions :

• animaux domestiques : 24 %

• faunes sauvages : 14 %

• préservation de l’environnement : 11 %

• environnement et déchets : 21 %

• divers : 30 %

- et 3 641 procédures :

• 3 178 PV et rapports

• 463 comptes-rendus

Carte géographique des secteurs d’intervention de la Brigade Verte © Brigade Verte

Sur quels secteurs géographiques intervenez-vous ?

A. H. : À ses débuts, la Brigade Verte était composée de 15 gardes, et intervenait sur 48 communes. Aujourd’hui, 80 gardes champêtres patrouillent sur 340 communes dans le Haut-Rhin et une trentaine de communes dans le Bas-Rhin. Il a 12 implantations physiques sur le terrain, c’est-à-dire 12 bâtiments avec un certain nombre d’agents, et de la logistique (véhicules, matériels). Ces 12 postes ont chacun un territoire d’intervention, constitué d’un certain nombre de communes. Le nombre d’agents par poste est défini en fonction des finances collectées sur ce secteur, et selon la taille du territoire.

Le Haut-Rhin est découpé en 3 secteurs : la partie nord, la partie centre et la partie sud, avec plusieurs postes physiques implan­tés dans ces secteurs. Par exemple, le poste de Colmar couvre 70 communes. Le découpage par secteurs permet d’assurer des astreintes le soir et le week-end. Ce mode de fonctionnement permet d’avoir un binôme actif qui intervient sur les 3 secteurs pendant ces périodes, et une présence 7 jours sur 7, avec des amplitudes horaires très variées : de 8h à 23h en été, et un peu plus réduite en hiver. Ce système offre aussi des possibilités d’adaptation, en fonction des problématiques rencontrées sur le terrain.

Dans le Bas-Rhin, depuis 3 ans, il y a un poste à Villé, couvrant le secteur du Val de Villé et des communes de la Vallée de la Bruche. Un deuxième poste est prévu pour l’an prochain, sur le secteur du Ried et des communes du sud du Bas-Rhin. Actuellement, quelques communes au nord du Ried, jusqu’à Sand et Rhinau, sont couvertes par le poste de Colmar. Le déploiement sur le Bas-Rhin se fait progressivement, en fonction des demandes d’adhésion au syndicat mixte.

Comment la Brigade Verte se finance-t-elle ?

A. H. : Le budget global de fonctionnement, dont 80 % est affecté aux charges de personnel, s’élève à 4,5 millions d’euros. Il est constitué pour 60 % des cotisations des communes, et pour 40 % d’une dotation de la Collectivité Européenne d’Alsace.

Les communes qui adhèrent au syndicat bénéficient automatique­ment de cette participation financière de 40 % par la CeA. C’est ce soutien financier qui a véritablement incité de nombreuses communes à formuler leur demande d’adhésion à notre structure. La cotisation communale est calculée en fonction du nombre d’habitants, de la taille du ban communal et du potentiel fiscal de la commune adhérente. Grâce à la mutualisation, le service rendu par la Brigade Verte sera identique, quelle que soit la participation financière de la commune.

La CeA participe également aux frais d’investissement, comme les achats de véhicule notamment.

Pour devenir Garde Champêtre, faut-il avoir l’âme d’un aventurier ?

A. H. : Pour les 80 agents que compte la Brigade Verte, les motiva­tions sont multiples. Nos gardes champêtres ont choisi ce métier car ils aiment travailler en extérieur, dans un milieu naturel. Ou qu’ils souhaitent mener des actions de police, porter l’uniforme, monter à cheval (la Brigade compte une quinzaine de cavaliers). Le contact humain est central. Ils sont en relation constante avec la population, les élus, les gendarmes, et sont parfois amenés à faire un travail d’enquête. Le travail se fait en patrouille ou dans le cadre d’une intervention. C’est un métier qui est très diversifié : aucune journée n’est semblable à la précédente. Il faut savoir s’adapter aux différentes situations !

Le garde champêtre

Fonctionnaire territorial communal ou intercommunal ayant pour principale mission la surveillance et la protection du milieu rural, le garde champêtre appartient à la filière sécurité et au cadre d’emploi dit de « police municipale » qui comprend les agents de police municipale et les gardes champêtres.

Nommé par le Maire, agréé par le Procureur de la République et assermenté en audience publique devant le tribunal judiciaire, le garde champêtre dispose d’un statut particulier prévu par le décret n°94-731 du 24/08/1994 et exerce ses missions aux côtés des gendarmes, assisté (et/ou prêtant assistance) de certains gardes spécialisés (pêche, chasse, réserves naturelles, parcs nationaux, etc.). L’ensemble des missions exercées par le garde champêtre constitue la police des campagnes ou rurale au sens de l’article L.521-1 du Code de la Sécurité Intérieure. Grâce à sa proximité et sa connaissance de la population et de la zone géographique dont il a la charge, le garde champêtre démontre quotidiennement son utilité dans de très nombreux domaines, maintient le lien social dans les territoires les plus reculés, et constitue un formidable atout pour la sécurité publique au service des maires et des populations rurales. Officier de police judiciaire jusqu’en 1958, le garde champêtre dispose aujourd’hui d’une double qualité judiciaire : agent chargé de certaines fonctions de police judiciaire au sens de l’article 15/3° du Code de Procédure Pénale et agent de police judiciaire adjoint au regard de l’article 21/3° du Code de Procédure Pénale et du dernier alinéa de l’article L.521-1 du Code de la Sécurité Intérieure. Cette « double casquette » lui confère de nombreuses prérogatives dans de très nombreux domaines.

La Brigade Verte compte une quinzaine de cavaliers © Brigade Verte

Toutefois, dans la fonction publique territoriale, le statut de garde champêtre est classé en catégorie C, c’est à dire agent d’exécution, alors que c’est un métier à responsabilité (rôle de police judiciaire). C’est un frein au recrutement, car il n’y a pas de perspective d’évo­lution de carrière. Le challenge pour les années à venir est de faire évoluer ce statut, a minima pour le personnel d’encadrement qui fait du management : obtenir le niveau de catégorie B pour les gardes champêtres, comme cela a été fait pour les gardes forestiers de l’ONF et les personnels de l’OFB.

Depuis 3 ans, il existe un concours, avec une épreuve théorique, une épreuve physique et un oral. Aucun diplôme n’est requis. Après la réussite du concours, les agents recrutés réalisent une formation continue de 6 mois : 3 mois en activité dans un poste, et 3 mois en centre de formation où les bases juridiques leur sont enseignées.

Quel conseil donneriez-vous à un garde champêtre débutant ?

A. H. : Je lui conseillerai de bien faire le tour de ce qu’il n’a pas le droit de faire, avant de se renseigner sur tous les pouvoirs de cette fonction. Lorsqu’on a envie de devenir garde champêtre, il faut avoir le goût du contact et une capacité d’adaptation en constant renouvellement. Le savoir-être est très important, le savoir-faire s’acquiert avec le temps !

Si vous voulez devenir garde champêtre, il faut avoir une attirance et une sensibilité pour l’environnement en milieu rural. C’est un métier axé sur la nature, et il ne faut pas oublier que celle-ci est une assurance-vie pour l’être humain ! Le garde champêtre est l’ambassadeur du monde rural, en lien avec son environnement particulier. Sur le terrain, nous pouvons faire passer beaucoup de messages, et ainsi contribuer à de nombreuses actions concrètes par le biais du bien-vivre ensemble. Les petites actions locales permettent de répercuter la prévention à un niveau plus important.

La Brigade Verte Syndicat Mixte des Gardes Champêtres Intercommunaux

Poste Central de la Brigade Verte - 92, rue du Maréchal De Lattre de Tassigny - 68360 Soultz

Il est possible de faire appel à la Brigade Verte 7j/7, de 8h à 18h, par téléphone au 03 89 74 84 04

Service de démoustication de la Brigade Verte : operationmoustiques@wanadoo.fr www.brigade-verte.fr – courriel : contact@brigade-verte.fr

La Brigade Verte d’Alsace est aussi l’organisme public chargé de la lutte contre les moustiques dans le département du Haut-Rhin.

Les 12 postes : Altenach, Colmar, Eschentzwiller, Hagenthalle- Bas, Guewenheim, Hirtzfelden, Munster, Sigolsheim, Soultz, Vieux-Thann, Villé, Walheim

CH. BE