Nous avons déjà évoqué dans les Affiches (Lire les N°65/66 des 13 et 16 août 2024) le 50e anniversaire du réseau des Greta. Mais à la veille du séminaire organisé à cette occasion au Centre des congrès de Metz, un acteur et fin connaisseur de la formation professionnelle, Frédéric Bromont (lire son parcours par ailleurs), nous expliquait le Greta d’hier et d’aujourd’hui et les défis que ce réseau doit relever à l’avenir.
Quel est votre fonction au sein du réseau des Greta ?
- Frédéric Bromont : « Je suis délégué de région académique à la formation professionnelle, initiale et continue et par apprentissage, conseiller du recteur de Nancy-Metz. Dans mon giron j’ai tout ce qui touche aux Greta. Sur l’académie de Nancy-Metz nous avons un réseau de cinq Greta, dans les quatre départements. Chaque Greta a son fonctionnement autonome, avec un président et un chef d’établissement support. Le rôle de la DRAAFPIC est de coordonner l’action et piloter la politique du recteur sur la formation continue et l’apprentissage. Depuis 2020 les Greta ont aussi en charge l’apprentissage dans l’académie. Cela fait partie des prérogatives des Greta. »
- Qu’est-ce qui fait cette durée de vie du réseau des Greta ?
- F.B. : « Les Greta assurent une mission de service public. Quand ils ont été créés il y a 50 ans, c’est pour être au plus près des territoires, en s’appuyant sur un maillage extrêmement fin. Greta veut dire groupement d’établissements. On pense aux lycées professionnels qui sont bien équipés pour assurer ce type de formation. On peut aussi s’appuyer sur d’autres établissements plus classiques, des collèges par exemple. Cela permet d’être présent sur le territoire de façon très fine, en fonction des besoins que l’on va rencontrer. Cette mission de service public est très importante pour tout ce qui concerne la formation, la reconversion des demandeurs d’emploi. On travaille depuis fort longtemps avec France Travail. On est aussi proche des entreprises sur les territoires. Elles sont fidèles au Greta. Les Greta sont le bras armé des politiques publiques des gouvernements, pour répondre aux questions d’employabilité. »
« L’apprentissage pèse plus de la moitié de l’activité »
- Quels sont vos publics ?
- F.B. : « Dans nos publics cibles, il y a les jeunes en particulier formés par l’apprentissage. Le modèle développé dans l’académie Nancy-Metz est porté par le Greta pour l’apprentissage public. Aujourd’hui on a un nombre assez conséquent de jeunes qui sont entrés dans ce dispositif. Cela représente plus de la moitié de l’activité des Greta. C’est assez nouveau. Il a fallu s’adapter en très peu temps à cette politique publique devenue prioritaire. »
- Est-ce que l’apprentissage a redynamisé les Greta ?
- F.B. : « Ce n’était pas une question de dynamique. Elle a toujours été présente sur la formation continue. C’était vraiment une stratégie. La capacité que l’on a avec l’apprentissage est de pouvoir proposer des parcours aux jeunes qui peuvent être faits sur mesure. Je cite un exemple : des jeunes vont entrer dans une formation professionnelle sous statut scolaire en tant qu’élève. Dans leur cursus, à un moment donné, ils ont envie d’être plus près de l’entreprise. La question de l’apprentissage va dès lors se poser, sans qu’il y ait de rupture dans leur parcours de formation. Nous aurons la capacité de les basculer sur une bonne alternance, tout en les maintenant au sein de leur lycée qui va continuer à assurer la formation dans laquelle ils sont engagés. Ils peuvent alors s’appuyer sur les Greta. On a aussi la capacité de constituer des groupes, quand on a suffisamment d’apprentis sur une formation donnée. »
- Avant 2020 vous n’aviez qu’un public d’adultes ?
- F.B. : « Exactement. On pouvait certes accueillir des jeunes de 18 ans dans le cadre de contrats de professionnalisation. La réforme de la formation professionnelle de 2020 a complètement modifié les flux. Le Greta s’est adapté car il a fallu passer à une échelle plus importante. L’apprentissage existait dans des établissements scolaires, mais l’organisation et notre mode de fonctionnement ont dû changer quand les Greta ont commencé à porter l’apprentissage. »
« C’est un marché concurrentiel »
- La formation professionnelle fait souvent l’objet de réformes. Est-ce une contrainte ?
- F.B. : « Dans ce domaine on parle généralement de formation tout au long de la vie. Chacun peut être amené à changer de métier, faire évoluer ses compétences, car les métiers évoluent. C’est tout le fonctionnement du système éducatif français qui évolue. Les référentiels de formation ont toujours été pilotés par l’État. Ils sont discutés avec les branches professionnelles. J’ai vu des diplômes changer de façon plus ou moins importante. »
- Vous êtes dans un secteur concurrentiel ?
- F.B. : « Il y a de la concurrence. Il y a plusieurs opérateurs qui peuvent répondre à des commandes et des appels d’offres, y compris de donneurs d’ordre publics. C’est un marché concurrentiel. Il faut être attentif à la qualité qui peut être produite par les différents organismes de formation. On peut avoir des coûts différents selon les modalités pédagogiques proposées. Les Greta ont fait évoluer leurs pratiques pédagogiques. Les donneurs d’ordre publics, les entreprises, sont très attentifs à la façon dont on construit les formations. »
- Vos équipes pédagogiques sont-elles composées d’enseignants dédiés au Greta ou enseignent-ils également dans d’autres établissements ?
- F.B. : « On a des formateurs qui sont des enseignants, des professeurs de l’Éducation nationale, qui enseignent dans la voie scolaire. Mais ils vont pouvoir consacrer une partie de leur temps à la formation continue. Ils peuvent intervenir sur des publics intégrés : des élèves de statut scolaire, des apprentis, des stagiaires de la formation continue. Les professeurs font preuve de beaucoup d’adaptation pédagogique. Le plus souvent, nous faisons appel à des formateurs dédiés qui sont sous contrat dans les Greta. »
« Le caractère apaisant des publics intégrés »
- La force du Greta est-ce encore son réseau de proximité ?
- F.B. : « C’est toujours une grande force, mais elle a évolué. Les Greta étaient, il y a 50 ans, beaucoup plus nombreux. On était sur un maillage fin. Nous étions répartis sur un bassin d’éducation et de formation, un territoire relativement restreint. Au fil du temps, les choses ont évolué. Certains Greta ont fusionné, pour être plus forts, pour élargir leur offre de formation. Les territoires se sont élargis. Le nombre de Greta a diminué. Sur l’académie de Nancy-Metz, il y a 5 Greta, à une époque il y en avait une quinzaine. C’est aussi lié à des questions de démographie. »
- Comment ça se passe avec les publics intégrés ?
- F.B. : « Les cours en soirée existent toujours. Sur des publics intégrés, cela permet de les avoir dans les classes. On entend des enseignants qui accueillent des stagiaires de la formation continue qui ont déjà un certain âge et qui sont avec des jeunes de 16-17 ans : c’est le côté apaisant, quand adolescent, on voit à côté de soi un adulte de 40-50 ans qui apprend les mêmes choses, qui prend des notes. Cela amène notre jeunesse à prendre du recul, et ça génère de l’apaisement. Cela donne de la maturité. »
« Nous devons décloisonner la formation professionnelle »
- Le Greta est-il actif sur le plan transfrontalier ?
- F.B. : « C’est une particularité de ce territoire. À ce jour, on n’a pas d’entreprises basées au Luxembourg qui travaillent avec les Greta. Il y a un appel d’air avec le travail frontalier, qui crée des tensions sur certains métiers, ce qui nous oblige à être attentif et réactif afin de proposer des formations pour ces métiers. »
- Comment adaptez-vous votre offre de formation aux transitions : numériques, écologiques, IA etc. ?
- F.B. : « Aujourd’hui on vit une petite révolution, puisque on réinterroge nos termes de formation, en voie scolaire, mais aussi sur la formation par apprentissage et la formation continue, pour analyser de façon fine et par territoires, les secteurs stratégiques sur lesquels il y a des métiers en tension. Il faut se projeter sur l’avenir. Pour former quelqu’un il faut a minima 2 ou 3 ans, pour des diplômes de type CAP ou Bac Pro, beaucoup plus de temps pour des jeunes qui vont poursuivre leurs études au-delà du bac. Nous devons pouvoir anticiper ces besoins qu’on va connaître dans les 5 ans à venir. Dès aujourd’hui nous devons ajuster notre carte des formations par rapport à ces besoins. Tout ce qui tourne autour des différentes transitions que vous évoquez, tout ce qui concerne les services à la personne, un secteur déjà en tension. On ne néglige pas le secteur automobile, très présent en Moselle, qui entre dans la phase de décarbonation des motorisations et pour lequel il y aura de gros besoins de reconversion. Notre réflexion est engagée pour savoir comment on accompagne ces personnes sur les territoires, y compris celles qui travaillent de l’autre côté de la frontière, en Allemagne. »
- Quel est votre taux de réussite dans vos formations diplômantes ?
- F.B. : « C’est la grande force du Greta. On a de très bons taux de réussite aux examens. Cela dépasse les 90%. Cela tient à la qualité des formations tout à fait cohérentes que nous proposons. »
- Vous avez des gens en reconversion ?
- F.B. : « C’est l’atout principal des Greta depuis 50 ans. Avant l’apprentissage, l’activité des Greta était pour une grosse part tournée vers les demandeurs d’emploi, et les gens en reconversion. On en a toujours, c’est notre mission de service public. »
« Être réactif, innovant »
- Quels sont les défis à relever pour les Greta à l’avenir ?
- F.B. : « Le cadre, c’est la formation tout au long de la vie. Avec l’arrivée des apprentis on est présent sur cette formation dès le plus jeune âge, dès 16 ans. L’un des défis que les Greta se doivent de relever, est de décloisonner le plus possible la formation, même si les financements, le public ne sont pas tout à fait les mêmes quand on parle d’un stage de formation professionnelle pour adulte, néanmoins les référentiels de formation sont les mêmes, les diplômes au bout sont les mêmes, les examens sont les mêmes. Ramenés à l’échelle d’une entreprise ou d’un territoire, quand on a besoin de recrutement, on reste ouvert à toute sorte de candidats, des apprentis ou des adultes, on se doit d’être au plus près des entreprises, de regarder quels sont leurs besoins pour essayer d’y répondre avec une offre très diversifiée dans ses parcours. L’autre défi, c’est d’avoir la capacité de pouvoir s’adapter de plus en plus vite à des territoires en mouvement, à être réactif. Il faut être attentif et innovant. C’est de l’ingénierie de formation. »
- Vous réalisez 64 M€ de chiffre d’affaires. Quel est votre financement ?
- F.B. : « Les Greta sont complètement autonomes dans la conduite de leur budget. Les formateurs sont rémunérés, d’où l’importance de la masse salariale. En termes de recettes, ce sont les clients c’est-à-dire les entreprises qui achètent de la formation. Pour l’apprentissage, elles sont constituées en appui sur les branches professionnelles avec les aides de l’État, via la collecte de la taxe d’apprentissage. En gros, ce sont les entreprises qui financent l’apprentissage. L’apprentissage prend le plus de place dans ces recettes, plus de 50%. Après il y a les donneurs d’ordre public, les collectivités qui vont être nos clients. Le Greta fonctionne comme une entreprise. Il n’y a pas de subvention, mais il y a la force du service public. »
Voir aussi le site https://www.greta-lorraine.fr
Le parcours de Frédéric Bromont
Depuis ses débuts en 2004 en tant que chef d’établissement, Frédéric Bromont a consacré l’essentiel de son parcours à la promotion de la vie professionnelle. Impliqué de longue date dans le réseau des Greta, il a notamment occupé les fonctions de président et CESUP du Greta Nord Allier pendant 7 ans. Parmi ses réalisations marquantes, on peut souligner sa contribution à la création en 2016 du campus des Métiers et des Qualifications « Design, Matériaux et Innovation » à Moulins. Ce projet a obtenu en 2018, le prestigieux label excellence, reflet de la qualité des formations proposées et de la synergie entre les acteurs académiques et économiques locaux.
En 2020, Frédéric Bromont à élargi son champ d’action à l’international en rejoignant le réseau d’enseignement français à l’étranger. Il prend alors la direction du Lycée français du Caire, un établissement rattaché à l’ambassade de France en Égypte qui accueille 2000 élèves.
Pour son retour en métropole à la rentrée 2024, Frédéric Bromont rejoint l’académie de Nancy-Metz en tant que conseiller du recteur, délégué de région académique adjoint à la formation professionnelle initiale et continue (DRAAFPIC). Grâce à sa connaissance du terrain et son engagement, il apportera son expertise pour renforcer les dispositifs de formation initiale.
Les Greta de Lorraine en chiffres
• Maillage territorial : Le réseau sur le plan du maillage du territoire comprend 5 Greta et un GIP FTLV (Groupement d’intérêt public de formation tout au long de la vie) labellisé EDUFORM. Il comprend 4 centres tertiaires, 14 espaces langues, 70 lycées partenaires dont 26 UFA (apprentissage) accueillant des apprentis, 19 espaces adultes hébergés dans les CIO (centre d’information et de formation) et enfin 80 sites d’accueil du public.
• Effectifs : Il comprend 712 personnels permanents dont 348 personnels enseignants, 292 personnels administratifs, 72 conseillers en formation.
• Activité formation : Elle comprend 350 formations dans 18 secteurs d’activité. 18312 stagiaires de la formation professionnelle, 4393 apprentis, plus de 2,5 millions d’heures de formation. Son chiffre d’affaires atteint 64 M€ en 2023.
Le programme du séminaire du 4 octobre
Après l’accueil des participants dès 8h30 au centre des congrès Robert Schuman de Metz, à 9h30 ouverture du séminaire par Frédéric Bromont en l’absence du recteur.
Table ronde 1 : La place de la formation professionnelle dans notre réseau depuis 50 ans.
Table ronde 2 : L’accompagnement de tous les publics par les Greta-UFA.
Table ronde 3 : Notre réponse formation sur les territoires : adaptation et mise en œuvre des partenariats.
Conclusion : Quel avenir pour la formation professionnelle ? Quels défis à relever pour notre réseau ?
Le slogan de cette manifestation pour célébrer ce 50e anniversaire : « Nous sommes présents depuis 50 ans et ce n’est qu’un début… »
Les 50 ans du Greta : https://www.greta-lorraine.fr/le-reseau-desgreta-cfa-fete-ses-50-ans/