Les CARSAT (caisses régionales d’assurance retraite et de la santé au travail),CRAMIF (caisse régionale d’Assurance Maladie d’Ile-de-France) et CGSS (caisses générales de sécurité sociale) s’engagent auprès des entreprises relevant du régime général et ayant au moins un salarié ainsi que des travailleurs indépendants sans salarié cotisant à l’Assurance Volontaire Accident du Travail (AVAT), pour réduire l’exposition aux risques liés à des contraintes physiques.
Au sein de la Carsat Alsace Moselle, Olivier Tadenz, ingénieur conseil en charge de la gestion de ce dossier, et Pierre Yves Adam, Responsable du département Expertises et Partenariats en Prévention, nous expliquent les enjeux et le fonctionnement de cette subvention spécifique.
Qu’est-ce que le FIPU ?
Olivier Tadenz et Pierre Yves Adam : Le FIPU (Fonds d’Investissement pour la Prévention de l’Usure professionnelle), issu de la loi retraite du 14/04/23, a été créé spécifiquement pour réduire les risques dits « ergonomiques », à savoir les manutentions manuelles de charges, les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations, et les vibrations mécaniques. Ce fonds est réparti entre 3 types d’organismes : France Compétence pour la partie salariés en reconversion professionnelle, les organismes de prévention de branches et les Carsat pour les aides directes aux entreprises. Pour les Carsat, ces aides se traduisent par la mise en place le 18 mars 2024 de la Subvention Prévention Risques Ergonomiques.
Quelles mesures les CARSAT proposent-elles pour améliorer les conditions de travail ?
O. T. et P. Y. A. : Au sein de chaque CARSAT en France, il existe un système d’incitations financières positives, qui dispose de plusieurs dispositifs. Ainsi, le «contrat de prévention» est une aide aux entreprises de moins de 200 salariés, les «Subventions Prévention» thématiques s’adressent à celles de moins de 50 salariés et dorénavant la Subvention Prévention Risques Ergonomiques complète ce programme de soutien aux entreprises.
Ces aides financières ont pour vocation d’améliorer les conditions de travail, et de fait de réduire l’accidentologie et la sinistralité au sein des entreprises.
Ainsi, la CARSAT Alsace-Moselle s’adresse à potentiellement plus de 90 000 entreprises.
Quel est le budget du FIPU, et comment ce fonds est-il financé ?
O. T. et P. Y. A. : Le FIPU est géré au niveau national, et son montant est validé chaque année par la CAT/MP (Commission des Accidents du Travail et des Maladies Professionnelles de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie) une instance nationale de partenaires sociaux. Pour 2024 et 2025, la CAT/MP a validé le budget du FIPU à 200 millions d’euros pour chaque année. Ce fonds, issu principalement de la branche excédentaire des cotisations AT/MP (Accidents du Travail et Maladies Professionnelles) va permettre d’investir pour la prévention des accidents du travail, des maladies professionnelles et pour le maintien en emploi des salariés. Ce retour sur cotisations a un véritable intérêt pour les entrepreneurs, car les fonds excédentaires vont permettre d’investir pour la prévention des accidents du travail, des maladies professionnelles, et pour le maintien des salariés dans leur emploi.
La répartition des 200 millions d’euros annuels se définit ainsi : 40 millions sont attribués à France Compétences pour la reconversion professionnelle, 10 millions sont réservés aux organismes de prévention de branches. Et les 150 millions restants sont à destination de l’aide directe aux entreprises : les CARSAT, CRAMIF et CGSS sont chargées de gérer cette enveloppe budgétaire. L’attribution de ce financement aux entreprises se fait par le biais d’une subvention, nommée « Prévention des Risques Ergonomiques ». La répartition des fonds, entre les différentes CARSAT régionales, s’est faite en fonction de la sinistralité enregistrée géographiquement et du volume d’effectifs de la Carsat pouvant intervenir sur le terrain. À noter que le reliquat du budget non dépensé sur l’année, sera reporté sur l’année suivante.
Quelles sont les conditions d’attribution de la subvention Prévention des Risques Ergonomiques ?
O. T. et P. Y. A. : La subvention Prévention des Risques Ergonomiques propose une aide financière afin de prévenir les risques liés aux postures pénibles, aux manutentions manuelles de charges et aux vibrations mécaniques. C’est à dire les Troubles Musculo Squelettique (TMS).
Sont concernées toutes les entreprises et les associations relevant du régime général, ayant au moins un salarié et sans limitation du nombre d’effectifs, implantées sur l’ensemble du territoire, en France Métropolitaine et dans les DOM-TOM. Ainsi que les travailleurs indépendants sans salarié cotisant à l’Assurance Volontaire Accident du Travail. De fait, sont exclues les entreprises des régimes spéciaux, la fonction publique et les cotisants à la Mutualité Sociale Agricole (MSA) comme les agriculteurs.
Quelle valeur financière est prise en charge ?
O. T. et P. Y. A. : Le financement, par le biais de la subvention Prévention des Risques Ergonomiques, est basé sur une prise en charge de 70 % des frais réels. Chaque catégorie d’action est plafonnée à 25 000 € (pour les entreprises de moins de 200 salariés). L’entreprise peut cumuler les subventions de chaque catégorie, jusqu’au seuil de 75 000 €, pour une période de 4 ans (de 2024 à 2027). Pour les entreprises de plus de 200 salariés, le plafond global est fixé à 25 000 €. Toutefois, la subvention versée ne peut être inférieure à 1 000 € (70% d’un achat minimum de 1 429 €). Les factures fournies doivent être établies au nom de l’entreprise (le financement par crédit-bail ou location longue durée n’est pas éligible).
Cette subvention est attribuée aux entreprises pour quelles types d’actions ?
O. T. et P. Y. A. : C’est une subvention qui a du sens ! Elle se découpe en 4 volets : actions de prévention, actions de sensibilisation, aménagements de poste et salaire préventeur.
L’action de prévention se subdivise en 3 parties : équipements, diagnostics, et formations. Ce qui inclut l’achat d’équipements et la mise en place de prestations ou de formations.
À chaque catégorie est attribué un cahier des charges. Ainsi, dans l’équipement, une liste de matériel pris en charge est spécifiée. À noter que le matériel non mentionné, ou d’occasion, n’est pas subventionnable. Cette liste sera étoffée et amendée pour élargir l’offre, au fil du temps et de l’identification des besoins.
Le coût d’un diagnostic ergonomique, mené par un ergonome qualifié, peut également être pris en charge. Et les formations ergonomiques sont définies dans des programmes spécifiques, proposés par des organismes habilités par les CARSAT et l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité).
Plus spécifiquement, les actions de sensibilisation concernent l’infographie (papier et communication numérique ou digitale) : par le biais d’affiches, de textes défilants sur des écrans, et d’interventions d’un prestataire extérieur pour une sensibilisation sur les risques liés aux manutention manuelles, aux postures pénibles et aux vibrations. Ou encore dans le cadre d’un événementiel, de type forum, réunion de sensibilisation.
Le financement pour l’aménagement d’un poste de travail concerne des mesures individuelles du poste d’un salarié, sur préconisation d’un médecin du travail. Il s’inscrit dans le cadre d’une démarche de prévention de la désinsertion professionnelle. La demande de subvention, nominative, portera sur un achat minimum de 1429 €, par individu concerné par cet aménagement.
La prise en charge des frais de personnel, dédiés à la mise en œuvre d’actions financées par le fonds, concerne une participation aux frais salariaux d’un salarié de l’entreprise, en CDD ou en CDI, qui a des missions dédiées à la prévention des risques ergonomiques.
Par ailleurs, si une entreprise forme ses salariés pour devenir acteur PRAP (Prévention des Risques liés à l’Activité Physique), le coût de la formation est éligible au financement de même lorsqu’une entreprise forme des salariés personnes en prévention des TMS.
Pouvez-vous donner des exemples concrets d’actions subventionnées ?
O. T. et P. Y. A. : Tous les types de secteurs d’activité sont concernés ! La grande distribution, la logistique, le bâtiment, l’industrie, les EHPAD, les garagistes, les restaurateurs, les coiffeurs...
L’achat de matériel entre dans le financement de cette mesure, par exemple pour l’acquisition de transpalettes électriques pour remplacer les transpalettes manuels, qui sollicitent la force musculaire sur des manutentions de charge représentant parfois une tonne. Ainsi que l’achat d’auto laveuses pour remplacer le balai et la serpillière – entraînant des gestes répétitifs –, de plateformes de levage, de filmeuse housseuse. Mais aussi des bacs à shampoing et sièges de coupe à réglage électrique pour les salons de coiffure, des lève-personnes électriques, des monte-charges, des lave-verres avec osmoseur, des monte-plats pour les restaurateurs, des rails de manutention de carcasses de viande, ou encore des démonte-pneus, des lève-roues, des plateformes à maçonner, des brouettes électriques, des diables monte-escaliers électriques, des potences de levage, des palonniers, des tables élévatrices motorisées...
Par ailleurs, le médecin du travail, lorsqu’il identifie un salarié ayant déjà potentiellement des difficultés sur son poste, ou risquant d’en avoir dans les prochains temps, peut préconiser un aménagement de poste, dans le cadre du maintien dans l’emploi de ce salarié. Et dans ce cas, l’entreprise a la possibilité de demander une participation financière, liée à l’aménagement spécifique de ce poste de travail.
Comment avez-vous mis en œuvre le déploiement de cette subvention ?
O. T. et P. Y. A. : Pour être proactif, nous sommes allés à la rencontre des fournisseurs dont nous avions connaissance, dans chaque catégorie de produits, qui pouvaient nous aider à faire connaître ce dispositif. À charge pour les commerciaux de ces sociétés, de contacter les entreprises potentiellement en demande d’aide, dans le cadre de cette démarche de prévention des TMS. L’intérêt était de trouver des prestataires, et que ces prestataires trouvent les demandeurs. Nous leur avons expliqué le processus de montage du dossier. Et l’étude des cahiers des charges a permis de faire évoluer la liste du matériel éligible, tout en ciblant les références à proposer aux entreprises. Cette approche technique particulière a porté ses fruits, puisque le nombre de dossiers validés par la CARSAT Alsace-Moselle est supérieur par rapport à nos homologues des autres régions, avec un taux de rejet parmi les plus faibles. Par ailleurs, les subventions déployées représentent déjà 50 % du budget 2024. Nous sommes fiers d’annoncer que l’Alsace-Moselle est fer de lance, dans cette démarche proactive !
Les demandes de subventions auprès des organismes sont réputées chronophages. Est-ce également le cas pour la subvention Prévention des Risques Ergonomiques ?
O. T. et P. Y. A. : Non, pas du tout. La constitution du dossier est facilitée, et l’enregistrement numérique est interactif. Il suffit de se rendre sur le portail Net-Entreprise (Net-entreprises.fr) sur le module « Compte entreprise », dans le menu « faire une demande de subvention », l’entrepreneur va retrouver les intitulés des différentes catégories. Quelques éléments sont à compléter (nom de l’entreprise et coordonnées, date de mise à jour du document unique...), quelques cases à cocher, et il suffit de joindre quatre documents en PDF : la facture acquittée, le document du fournisseur attestant que le matériel est conforme au cahier des charges, l’attestation URSSAF et un RIB. La démarche se fait en quelques minutes.
Pour informer les entreprises de ce dispositif et des modalités de transmission du dossier, des matinées d’informations ont été organisées par l’équipe de la CARSAT Alsace-Moselle, en partenariat avec la CCI. Les médecins du travail et experts-comptables ont également été contactés. Naturellement, le dispositif est présenté sur les réseaux sociaux et sites internet des différents organismes.
Luc Dreuil, ingénieur conseil régional – responsable du service prévention-tarification, dévoile l’esprit de la CARSAT et met en valeur les interventions de l’organisme.
Prévention et assurance des risques professionnels sont liées depuis 1946, date de création du régime général de la Sécurité Sociale. Cette gestion de la santé et de la sécurité au travail concerne autant les chefs d’entreprise que leurs salariés. Les instances de gouvernance paritaire de l’assurance maladie assurent cet équilibre.
Ce rôle d’assureur solidaire et équitable a été confié à la branche accidents du travail et maladies professionnelles avec trois missions «PREVENIR, INDEMNISER et TARIFER» dans le but de faire baisser les coûts socio-économiques des accidents du travail et des maladies professionnelles. L’interdépendance de ces trois missions donne la capacité à la branche des risques professionnels de porter un projet global de gestion des risques liés au travail à savoir de concevoir et développer des actions de prévention pour mieux protéger les salariés, de garantir une réparation équitable aux victimes et de faire payer le juste prix aux entreprises. Cette gestion permet à la branche AT/MP de garantir son équilibre financier.
En 2022, les partenaires sociaux (représentants des chefs d’entreprises et des salariés) ont rédigé un Accord National Interprofessionnel qui entre autres choses demandait d’attribuer davantage de moyens pour la prévention des risques professionnels.
Une des mesures demandées était l’augmentation des budgets fléchés vers les aides financières aux entreprises dont le FIPU (pour la prévention des risques ergonomiques) et le FNPAT (Fond National de Prévention des AT/MP) pour des risques autres qu’ergonomiques (équipements sécurisant pour les véhicules, lutte contre les risques chimiques, actions au niveau des métiers de bouche, ...), afin d’appuyer nos préconisations envers les entreprises qui souhaitent investir pour réduire les risques AT-MP.
Entre conseils, soutiens et contrôles
Nos préventeurs, sur la base de la sinistralité (accidents du travail, maladies professionnelles, accidents du trajet) d’une entreprise, d’une activité professionnelle, se déplacent en entreprises et mettent en œuvre des actions, pour faire en sorte que certains risques soient mieux perçus (ergonomiques, chimique, chutes, routier, psychosociaux, ....) dans un but de réduction.
Nos actions démarrent au niveau de la formation initiale dans les filières professionnelles, mais aussi auprès des nouveaux salariés dans l’entreprise et des intérimaires. Et se continue par le biais de l’accompagnement de l’entreprise tout au long de son activité (conseils, préconisations, attribution d’aides financières) pour les soutenir dans leurs démarches de prévention.
Nous travaillons avec tous les partenaires intéressés par nos missions (l’inspection du travail, les services de santé au travail, les branches professionnelles, l’éducation nationale, ....).
Au sein de la CARSAT Alsace-Moselle, 22 contrôleurs de terrain qui ont un rôle de conseil-contrôle, interviennent sur les 3 départements (57, 67, 68), auprès des 94 000 entreprises du secteur. Nous essayons d’avoir des partenaires et des relais, afin de diffuser l’information sur les soutiens que nous proposons. Et nous complétons nos actions de communication, via les médias locaux et nationaux.
Les petites entreprises craignent de nous contacter
Nous constatons qu’un grand nombre d’entreprises ne connaît pas notre offre de services ou hésite à nous contacter craignant une ingérence et une pression pour la mise en place de préconisations qui seraient un frein à leur activité. Mais ce n’est pas le but de nos interventions ! Si nous sommes sollicités par un entrepreneur pour l’épauler afin d’améliorer ses conditions de travail, nous prendrons le recul nécessaire pour avoir une attitude positive et proactive. Non seulement nous pourrons le conseiller, mais nous pourrons aussi l’aider financièrement pour mener à bien ses actions.
Par contre, si nous devons intervenir dans une entreprise suite à un accident grave ou mortel et qu’il est constaté que la prévention des risques professionnels n’a pas été prise en compte, un schéma plus directif sera mis en place et le service prendra les mesures qui s’imposent pour protéger les salariés : courrier recommandé, procédure d’injonction pour faire cesser le risque dans un délai imposé qui pourra déboucher sur une augmentation de la cotisation ATMP de l’entreprise.
Nous sommes des préventeurs et dans le cadre de nos missions nous préférons accompagner les entreprises, plutôt que les sanctionner.
Voilà ce que nous pouvons faire, pour qu’il y ait moins de blessés, de malades et de morts au travail.
Olivier Tadenz – En charge de la Subvention Prévention Risques Ergonomiques
Olivier Tadenz est ingénieur conseil référent, responsable des incitations financières à la CARSAT Alsace-Moselle. Ses compétences en prévention des risques professionnels sont un atout majeur pour superviser ce service d’attribution de subventions.
Il est accompagné de 4 administratifs associés qui traitent la partie instruction des dossiers, avant vérification comptable.
Où s’adresser pour obtenir davantage d’information ?
Les entreprises peuvent s’adresser à leur caisse CARSAT en Région
- Pour les départements 67-68-57. Courriel de la Carsat Alsace-Moselle : prevention.aides.financieres@carsat-am.fr
- Pour le département 54. Courriel de la Carsat nord-est : pife@ carsat-nordest.fr
Tous les éléments liés à cette subvention sont consultables sur le site de référence concernant les aides versées par l’Assurance Maladie – Risques professionnels : ameli.fr/entreprise
France Compétences
France Compétences est l’organisme national de la certification professionnelle. Il accompagne les salariés, les demandeurs d’emploi, les apprentis et les employeurs dans leurs projets de formation et d’évolution professionnelle.
