Interview Paru le 22 novembre 2024
60 000 REBONDS GRAND EST

« Nous privilégions l’humain dans la détresse du chef d’entreprise »

Patrick Drion, vice-président Lorraine de l’Association 60 000 Rebonds Grand Est qui accompagne les chefs d’entreprises en proie à des difficultés, a participé en octobre à Metz au séminaire de l’UE 57 sur les dispositifs d’accompagnement pour les entreprises en difficultés, en présence du médiateur national du crédit aux entreprises de la Banque de France. Interview.

Les intervenants au séminaire sur la médiation et le soutien aux entreprises en difficulté. De gauche à droite Denis Camillini (GPA Grand Est), Nicolas Mohr (Médiation des entreprises de la BDF), Frédéric Visnovsky, médiateur national du crédit, Diane Gondolff de la DDFIP 57, Eric Thore, de la DDFIP 57, Cécile Castro-Carrère de l’UE57, et Patrick Drion Vice-président Lorraine de 60 000 Rebonds.

- Les Affiches d’Alsace Lorraine : Quel est votre type d’interventions dans l’accompagnement des entreprises en difficultés ?

- Patrick Drion : « Nous intervenons après, dans des situations d’en­treprises en liquidation ou en cessation d’activité. Les bénéficiaires des actions bénévoles mises en oeuvre par l’association 60 000 Rebonds, sont des personnes, en aucun cas des entreprises. On n’est pas dans l’aide aux entreprises. Nous prenons en charge la détresse de l’entrepreneur et son rebond professionnel. »

- Vous allez jusqu’au rebond, jusqu’à sa reconversion ?

- P.D. : « On l’accompagne jusqu’à ce qu’il ait définitivement re­bondi, soit vers le salariat, soit vers l’entrepreneuriat. Et cela peut durer deux ans. Ce sont deux années d’accompagnement et ça de façon complètement bénévole. Nos intervenants ne sont pas payés par l’association non plus. »

- Comment procédez-vous avec l’association auprès de ces chefs d’entreprise ?

- P.D. : « On fait appel à nous. C’est basé sur le volontariat. Un chef d’entreprise va au greffe du tribunal pour démarrer une procédure de liquidation judiciaire, et le greffier ou le mandataire judiciaire, vont lui dire clairement : ne reste pas tout seul, adresse-toi à l’association 60 000 Rebonds. »

« L’association veut changer le regard de la société »

- Cette association a une histoire ?

- P.D. : « Notre association est présente partout en France. Elle a 12 ans. Nous avons entre 35 et 40 délégations régionales ou dé­partementales en France. L’association est née d’une expérience. Le fondateur perd son entreprise et doit organiser son rebond pro­fessionnel. C’était il y a une quinzaine d’années de cela. Et après avoir rebondi, il fait le constat que ce fut compliqué, voire violent. Sa réflexion était évidente : Et si je créais une association qui vient en aide à cette population très particulière de gens qui n’avaient aucun accompagnement. Ni financier, ni humain, de personne ! Avec une autre problématique, le regard de notre société française sur l’échec entrepreneurial, qui forcément vous culpabilise et souvent à vie. »

- L’association veut changer ce regard sur l’échec de l’entrepreneur ?

- P.D. « Notre vocation depuis le début dans nos statuts, elle est double : changer le regard de la société par rapport à l’échec entre­preneurial, accompagner bénévolement des ex-chefs d’entreprise. Voilà notre terrain d’action. »

- Une fois qu’il fait appel à vous, quelle est votre démarche ?

- P.D. : « C’est simple. Première étape, nous organisons un comité d’agrément, pour présenter au chef d’entreprise notre processus d’accompagnement, pour vérifier son niveau d’engagement, de mesurer sa détermination, sa volonté d’être accompagné, car ce n’est pas toujours le cas. Et cela nous permet d’écarter les « voyous » car ce phénomène existe, ils sont près d’un tiers selon une donnée livrée par le tribunal judiciaire de Nancy, il y a quelque temps. Ils ont une pratique avec des dossiers qui sont ficelés d’avance. »

« Nous avons une sentinelle APESA »

- Quelle est votre intervention dans la majorité des cas ?

- P.D. : « La première personne appelée à intervenir est une coach ou un coach. Une personne qui a un cabinet de coaching, mais qui accepte d’intervenir bénévolement pour 7 séances de coaching. Mais ça ne concerne pas la santé mentale. Il n’y a pas de psychologue chez nous. Si les gens ont un problème de santé mentale, on les oriente vers des associations qui font ça très bien comme APESA où il n’y a que des psychologues qui sont payés pour intervenir (ndlr: C’est une association à l’écoute des chefs d’entreprise se trouvant dans une importante détresse psychologique). Nous sommes très vigilants en la matière. La personne qui réceptionne les appels chez nous, est une sentinelle APESA. Elle est capable, en discutant avec le demandeur, de discerner si les personnes qui sont en danger au niveau de leur santé mentale, si c’est le cas, elle va activer le dispositif APESA. Sinon, elle va organiser le comité d’agrément ou la prise en charge par un ou une coach. »

Un coach, un parrain et un expert

- Quel est le travail du coach ?

- P.D. : « Son rôle est de faire prendre conscience à la personne de la situation, de la liquidation d’entreprise, qu’elle y est pour quelque chose. Le coach doit la ramener à la réalité et la faire pivoter pour la faire aller de l’avant ! Sur un nouveau projet professionnel. Une fois qu’il aura une idée de ce que peut être ce projet, à ce moment-là, on va affecter un parrain ou une marraine à ce bénéficiaire, pour l’aider dans l’élaboration de son projet professionnel et le faire avancer. C’est un accompagnement classique. Cet accompagne­ment est la plupart du temps assuré par un chef d’entreprise ou un cadre dirigeant. »

- Pourquoi ce choix ?

- P.D. : « Un chef d’entreprise ou un cadre dirigeant dispose souvent d’un réseau professionnel qu’il pourra solliciter pour le bénéficiaire. Il est important que ce parrain soit encore actif, qu’il soit encore dans le circuit. Enfin, il y a un troisième profil qui intervient chez nous, c’est l’expert. Je prends l’exemple du choix du métier dans les assurances. Nous faisons appel à un expert qui sera agent d’assurances afin d’apporter à notre demandeur tous les éléments sur le métier d’agent d’assurances. C’est important de savoir dans quoi il va s’engager. Autre expert à intervenir dans nos rangs, celui qui recrute. »

« Un tiers veut redevenir chef d’entreprise »

- En général ces personnes qui font appel à votre association, vont-elles vers le salariat ou la création d’entreprise ?

- P.D. : « Il y a une partie qui va aller vers le salariat et qui ne sou­haite plus devenir entrepreneur. Cela représente environ un tiers des personnes. Le plus souvent des gens qui ont été échaudés et ne veulent plus se lancer dans cette aventure. Un tiers va passer par le salariat, ce peut être une étape, le temps de se reconstruire, de se remettre sur le plan pécuniaire, le temps aussi de réfléchir à ce que pourrait être un bon projet entrepreneurial. Enfin un autre tiers qui veut redevenir chef d’entreprise : des personnes qui ont le gène de l’entrepreneuriat et qui souhaitent être indépendant. »

- Comment mettez-vous tout ça en oeuvre sur la durée ?

- P.D. : « Cela fonctionne avec une réunion mensuelle en plus où toutes les équipes sont ensemble. L’idée c’est qu’à une heure dite, un peu comme dans les réunions d’Alcooliques Anonymes, chacun va dire où il en est de son rebond. C’est très intéressant car une personne en très grande difficulté peut s’inspirer d’une autre qui a rebondi. Cela génère une émulation. Quand on est plusieurs à réfléchir sur le même sujet, lors de ces réunions collectives, on peut profiter de l’expérience des uns et des autres, s’appuyer sur les réseaux de chacun. »

« Nous avons plus de 90% de réussite »

- Vous avez du succès dans vos rebonds ?

- P.D. : « Nous avons avec l’association plus de 90% de réussite. Pour les bénéficiaires, l’accompagnement les sécurise, les tran­quillise. Il y a peu d’échecs. Actuellement la demande est forte. Nous avons 74 entrepreneurs accompagnés dans le Grand Est. Le chiffre est en hausse en raison de l’augmentation du nombre de défaillances. »

- Comment est financée 60 000 Rebonds ? Avec des subventions ?

- P.D. : « On a une subvention européenne et quelques mécènes financiers. Dans le Grand Est on a un partenariat financier avec le CIC Grand Est, la Caisse d’Épargne entreprise. Nous avons aussi tous les partenaires comme la Banque de France, il y aussi l’UE 57, le Medef 54, la CPME 54. Dans notre équipe nous avons en Lorraine, 9 coachs, 14 parrains et 3 experts. Il y a un salarié, mais il est à Strasbourg. On reste quand même en mode frugal… »

- Lors de la réunion organisée par l’UE 57, il y avait des intervenants publics : Médiation du crédit, les Finances publiques. Leur rôle est de prévenir la faillite de l’entreprise ?

- P.D. : « Pourquoi 60 000 Rebonds a participé à cette réunion ? Le médiateur du crédit, la DGIFP voulaient s’adresser aux chefs d’entreprise. Mais ces derniers n’étaient pas très mobilisés. Alors nous avons donné un coup de main pour l’organiser et drainer des institutionnels. Vous avez pu le constater lors de cette rencontre, le médiateur, les finances publiques ont présenté de nombreux dispositifs pour anticiper et prévenir la défaillance de l’entreprise. En résumé l’association 60 000 Rebonds, pour être efficace a besoin de plus de moyens financiers rapportés à cette population très particulière que sont les anciens chefs d’entreprise. Nous sommes dans l’humain. »

Voir aussi www.60000rebonds.com

Pour garder votre entreprise sur les rails… Anticipez c’est crucial !

La réunion organisée par l’UE 57 a per­mis au médiateur national du crédit aux entreprises de la Banque de France, à la direction départementale des finances publiques de la Moselle et au GPA Grand Est (groupement de prévention agréé) de présenter des dispositifs d’accom­pagnement pour les entreprises.

Le titre de ce petit séminaire organisé à l’UE 57 à Metz est explicite : Anticipez, c’est crucial ! Cécile Castro-Carrère déléguée générale de l’UE 57 a précisé combien il était important aujourd’hui d’abor­der ce sujet alors que le nombre de défaillances d’entreprises est en forte croissance. Un séminaire qui avait l’honneur d’accueillir Frédéric Visnovsky, le médiateur national du crédit aux entreprises de la Banque de France. Ce dernier est engagé avec son équipe à faire un tour de France pour répandre sur tout le territoire, la bonne parole, les bonnes pratiques afin de prévenir la défaillance d’entreprise. Il a du reste cité les trois objectifs de cette démarche :

- Compléter le diagnostic sur la situation des entreprises en par­ticulier des TPE-PME ;

- Mieux faire connaître l’ensemble des dispositifs qui existent de détection précoce d’entreprise en difficulté compte tenu du contexte économique ;

- Écouter les entreprises pour avoir leur retour d’expérience de manière à identifier comment on peut mieux faire fonctionner ce soutien aux entreprises.

Le contexte économique

« Le contexte économique actuel n’est pas rose, mais n’est pas noir non plus » assure le médiateur du crédit de la BDF. Il s’appuie sur les enquêtes de la Banque de France. Elles confirment « la bonne résilience des entreprises dans les différentes crises qui se sont succédé. Les chiffres d’affaires ont continué de progresser en dépit du ralentissement de l’économie. » La photographie enregistrée par la BDF révèle que « le taux de marge des entreprises a bien résisté. Un taux d’endettement qui diminue sachant que la hausse des taux d’intérêt a agi de manière progressive sur la trésorerie des entreprises. Mais la baisse de ces taux est enclenchée et va produire ses effets. » De fait, la capacité de remboursement des entreprises se maintient. « Mais cette photographie positive de 2023 fait place cette année à une situation qui s’est détériorée avec un net ralentissement économique. On enregistre une baisse de l’in­vestissement et la médiation du crédit est davantage sollicitée. » À cela, il ajoute l’augmentation des défaillances d’entreprises « néan­moins on conserve une dynamique entrepreneuriale. Il y a un flot important de créations d’entreprises, dont des micro-entreprises. » Signe inquiétant, on enregistre « des défaillances d’entreprises plus importantes et plus anciennes. » Les procédures de prévention qui tournaient autour de 6000 par an sont passées à 8000 en 2023 et sont restées à ce niveau en 2024. « Il n’y a pas une explosion des procédures préventives » relève Frédéric Visnovsky.

Anticiper, prévenir et accompagner

La médiation du crédit a choisi sous l’impulsion de la ministre des PME de l’époque, Olivia Grégoire, de publier « La boîte à outils du dirigeant ». Un guide qui présente les dispositifs pour mieux préve­nir et accompagner les entreprises en difficulté. « Le but étant de faciliter la vie des chefs d’entreprise » répète le médiateur national. La boîte à outils se décline en trois blocs : Anticipation, Accompa­gnement, Prévention. « L’objectif est d’agir en amont des difficultés, avant de passer au tribunal. Faisons en sorte que les entreprises se saisissent le plus tôt possible, dès la création, de réflexes, d’outils nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise. L’anticipation est fondamentale ! L’anticipation c’est d’abord le dialogue avec les principaux partenaires de l’entreprise : l’expert-comptable, la banque, les clients et fournisseurs. »

Évoquant la création d’entreprise, il constate qu’il n’existe pas de « permis d’entreprendre. D’où l’importance de l’expert-comptable, l’interlocuteur incontournable de l’entrepreneur dans une presta­tion de conseil. » Il prêche pour un dialogue permanent avec l’ex­pert-comptable mais aussi avec son banquier « qui peut avoir une approche plus préventive avec l’entreprise. » Et Patrick Drion, de l’association 60 000 Rebonds a incité pour sa part « les entreprises à aller dès leur création vers des tiers de confiance, extérieurs à l’entreprise. » Frédéric Visnovsky invite à inverser les rôles : « que ce ne soit plus l’entreprise qui fasse appel à des gens de l’exté­rieur en cas de difficultés, mais que l’information sur la prévention parvienne à l’entreprise avant les difficultés. » L’anticipation vient dans ce cas précis de l’extérieur, elle fait acte de prévention. La boîte à outils est à portée de main de l’entrepreneur.

La logique d’accompagnement

Nicolas Mohr, directeur général de la médiation du crédit aux entre­prise, s’est attardé sur l’accompagnement. Il est essentiel. « Il faut commencer par activer les réseaux professionnels et consulaires, les CCI et les CMA (chambre de commerce et d’industrie et la chambre des métiers et de l’artisanat). » La boîte à outils doit permettre au chef d’entreprise de trouver le bon interlocuteur. À ce propos Nicolas Mohr indique l’excellent site www.conseillers-entreprise.fr sur lequel l’entrepreneur sera briefé sur « c’est quoi mon problème ? J’ai besoin de recruter, j’ai besoin de financer un investissement, j’ai besoin d’améliorer les conditions de travail… Il est orienté sur les problématiques du chef d’entreprise. Et là il y a un échange avec un conseiller expert du sujet précis qui intéresse le chef d’entre­prise. » En clair selon Frédéric Visnovsky en allant dans cet espace dirigeant de la Boîte à outil de la médiation du crédit de la Banque de France, vous pouvez aller sur « Mes questions d’entrepreneur » qui figure dans la stratégie d’éducation financière mise en place par la BDF. Il suffit d’aller sur cet espace et d’y ouvrir un compte pour accéder à l’ensemble de ces informations.

Faire équipe

Il y a aussi l’accompagnement de l’homme ou de la femme à la tête de l’entreprise. Sur cet aspect « le portail de 60 000 Rebonds permet d’avoir accès à un écosystème d’écoute et d’accompa­gnement » répète Nicolas Mohr. Car c’est très important d’avoir cet accompagnement personnalisé du chef d’entreprise. » Patrick Drion, de son côté renvoie aussi les entrepreneurs vers le réseau Entreprendre Lorraine voire les Clubs d’entreprise qui existent « où circulent beaucoup d’informations. » Un appui qu’apprécie le mé­diateur. « C’est important de faire équipe, de mieux se connaître. On a tous conscience de la complexité des dispositifs, nous avons tous un rôle collectif pédagogique vis-à-vis des chefs d’entreprise quel que soit l’interlocuteur que sollicite l’entrepreneur. »

La médiation a été créée en 2008

La médiation intervient lorsqu’une entreprise a un problème avec sa banque. « Le rôle de la médiation du crédit est de faciliter l’accès au crédit bancaire » souligne le médiateur de la BDF. Cette mission a été confiée à la Banque de France en 2008. « De fait les banques s’engagent à venir en médiation. » C’est un règlement amiable. « Il est important que tout le monde soit transparent et cela reste confidentiel. Une fois saisi sur le site, l’entrepreneur est appelé dans les 48 heures, le médiateur informe les banques puis engage le processus de médiation. Dans 95% des situations la durée est de moins de 6 mois, la durée médiane est autour de 50 jours de traitement. Il s’agit d’agir rapidement car on est sur des besoins de trésorerie » indique Frédéric Visnovsky.

Nicolas Mohr insiste sur le mode amiable. « C’est essentiel de maintenir la relation. C’est le sens de l’action de médiation des entreprises qui fonctionne comme la médiation du crédit. La dyna­mique de ce dispositif public est à la fois de résoudre le problème, mais tout autant s’assurer que la relation ne soit pas dégradée, voire améliorée pour repartir. »

40% des dossiers : les conditions de paiement

Nicolas Mohr a fortement mis l’accent sur le point critique sur lequel achoppent bien des dossiers : les conditions de paiement qui représentent 40% des dossiers. Un thème qui mobilise tota­lement les services de la médiation du crédit aux entreprises. « Le but d’aller vers une solution coconstruite par les parties en toute liberté. » Un réseau d’une centaine de médiateurs locaux, dont une majorité d’anciens chefs d’entreprise, est actif sur ce thème qu’ils pratiquent avec « beaucoup de pragmatisme. » Cette médiation est accessible à tout acteur économique, sachant qu’aujourd’hui 80% des saisines sont des entreprises de moins de 25 salariés. « Le dispositif est très réactif » assure le représentant de la médiation des entreprises. L’entreprise dépose un dossier dans la boîte à outils de la Banque de France. Celle-ci répond à chaque entreprise.

La notion du Trop tard !

« Qui dit prévention revient malheureusement souvent à intervenir TROP TARD ! Les chefs d’entreprise s’adressent en effet trop tar­divement aux dispositifs de soutien » rappelle Nicolas Mohr. Or les difficultés qui alertent le chef d’entreprise sont, dans la majorité des cas, des difficultés de trésorerie. Il y a beaucoup de signaux qui peuvent être anticipés : perte d’un gros client, les enjeux sociaux. Il y a des outils qui permettent de tester sa situation financière, d’évaluer la santé de l’entreprise. Ils sont listés dans la boîte à outils : le diagnostic financier OPALE qui est en pleine expansion. Il est gratuit et on le trouve en ouvrant l’espace dirigeant de la boîte à outils. À la clé, le dirigeant peut demander un entretien à la Banque de France. On trouve aussi le Comment va ma boîte ? de la CCI, son homologue de la Chambre de métiers. Il y a aussi le CIP, le Centre d’information et de prévention (CIP) voire les Groupements de prévention agréés (GPA) qui sont très utiles. Les GPA notam­ment sont très précieux car ils ont l’avantage d’accompagner le chef d’entreprise au long cours. Ne pas oublier le rôle central des CDED, le conseiller départemental aux entreprises en difficultés. Et pour rester à l’écoute et recueillir les avis des chefs d’entreprises qui ont sollicité ces dispositifs, une adresse leur donne la parole : prévention@banque-france.fr

La DGFIP a aussi sa panoplie de dispositifs

Cette matinée a aussi permis à un autre acteur public de présenter ses outils propres pour venir en aide aux chefs d’entreprises en difficultés : Éric Thore, administrateur de la direction des finances publiques, adjoint de la direction départementale et sa collègue Diane Gondolff, conseillère départementale aux entreprises en difficulté de la DDFIP 57 en étaient les représentants. « L’État est un acteur naturel dans l’accompagnement des entreprises » rappelle d’entrée Éric Thore. Pourtant il reste un écueil important à surmonter. De fait, selon l’intervenant de la DGFIP, pour un entrepreneur se dire « je vais aller voir l’administration fiscale, je vais aller voir l’Urssaf, pour parler de mes difficultés n’est pas si évident. Et pourtant ces services de l’État ont leur rôle à jouer. Et ce sont des prestations gratuites et confidentielles. » Et ces services sont disponibles même quand tout va bien car « les difficultés de l’entreprise s’appréhendent dès la création de l’entreprise. Il faut être accompagné dans les bons moment pour être sûr que dans les mauvais moments il y ait encore du monde autour de nous ! » En clair, il est bon d’associer au plus tôt l’État dans la réflexion en accompagnement des difficultés.

« Au chef d’entreprise de venir vers nous »

Éric Thore cite une statistique qui devrait rassurer les dirigeants d’entreprises : « On peut sortir 70% des entreprises de ces dif­ficultés ! » Deux dispositifs sont en alerte au sein de la DGFIP, le Comité départemental de financement des entreprises (CODEFI) « qui concerne toutes les entreprises dont les difficultés sont de nature à mettre en cause la structure même de l’entreprise. » Là, une mission d’accueil l’oriente vers le bon partenaire. « On peut réaliser des audits via un tiers extérieur, qui ne vient pas de l’État, on peut octroyer un prêt de restructuration du Fonds de développement économique et social, le tout assorti d’une clause de revoyure de 3 à 6 mois, pour voir si l’entreprise a respecté les clauses de l’audit. Et cet audit, c’est l’État qui le prend à sa charge. » Le CODEFI est présidé par le préfet. Mais attention, prévient Éric Thore « il faut une démarche proactive du chef d’entreprise, nous n’avons pas vocation à aller au-devant des entreprises. Il doit venir vers nous. Même si ce n’est pas naturel pour un dirigeant d’aller exposer ses difficultés à la DGFIP ou à l’Urssaf. Notre service est autonome et indépendant. » Et le prêt de développement est limité à 20% des apports nouveaux, à hauteur de 3000 € par emploi CDI sauvegardé avec un plafond de 800 000 €.

Un dispositif pour des problèmes conjoncturels

Le CCSF, la Commission des chefs de services financiers est l’autre dispositif important proposé par la DGFIP (la direction générale des finances publiques). Ce CCSF dispose de deux outils en cas de dette, c’est l’échelonnement des dettes, le plus utilisé dans 95% des dossiers. « On a une remise pour toutes les entreprises en procédure collective. Elles sont déjà accompagnées par un mandataire ou un administrateur. C’est spécifique » détaille Diane Gondolff, la conseillère de la DDFIP. À la différence du CODEFI « avec le CCSF on reste à huis clos entre créanciers publics. Les élus n’ont pas à connaître les difficultés financières, fiscales et so­ciales de l’entreprise. Notre président est le directeur départemental des finances publiques, on est accompagné de l’Urssaf, France Travail, les Douanes et on invite toujours la Banque de France car elle a un regard externe et financier de l’entreprise. » À partir de là et de la connaissance du dossier, on peut définir s’il s’agit du seul problème des créances publiques ou s’il est plus large, auquel cas une médiation du crédit serait plus intéressante. Et pour connaître le dispositif, la DGFIP en parle notamment aux experts-comptables qui sont en première ligne, pour informer les chefs d’entreprises afin qu’ils fassent la démarche vers la DGFIP.

Pour être éligible

Autre précaution prise par la DGFIP qui exclut les dettes qui relèvent du code pénal :

- « Les parts salariales, côté Urssaf ce sont les parts patronales qu’on va pouvoir étaler, les parts salariales sont dues ! »

- « Même principe côté fiscal, le prélèvement à la source, une somme qui appartient au salarié, et vous devez la payer ! »

« Nous sommes là pour vous simplifier la vie »

Diane Gondolff résume d’un mot : « Pour être éligible à la CCSF, il faut a minima que ces deux dettes-là soient réglées. On exclut aussi les condamnations pécuniaires et les créances des collec­tivités territoriales. »

Si la situation n’est pas irrémédiablement compromise, un plan d’apurement de la dette suffira à résoudre le problème. « Là on fera du sur-mesure en fonction de votre capacité de remboursement » assure la responsable DDFIP. Enfin la durée de l’intervention de la CCSF peut aller de 18 à 24 mois, mais exceptionnellement au-delà. Encore faut-il que le dirigeant d’entreprise accepte le plan proposé par la CCSF. Diane Gondolff, pour se montrer encore plus convaincante, répète à l’adresse des chefs d’entreprise : « Nous sommes là pour simplifier la vie de votre quotidien ! »

Mieux, elle confie des informations pratiques dont ses coordonnées professionnelles : tél 06 29 38 36 68

Et les sites proposés : codefi.ccsf57@dgfip.finances.gouv.fr

Le dernier à intervenir était Denis Camillini, délégué du GPA (Grou­pement de prévention agréé) Grand Est en Moselle dont nous avons publié une interview dans les colonnes des Affiches d’Alsace Lorraine. Un article sur le GPA Grand Est est du reste paru dans le N°88/89 du 5 novembre dernier.)

Bernard KRATZ