D’où vient votre sensibilité à la préservation de la nature ?
Léa Roethinger : J’ai grandi aux pieds des Vosges du Nord dans une petite ville alsacienne. Mes parents étaient très pris par leurs métiers respectifs, et ce sont surtout mes grands-parents maternels qui se sont occupés de ma soeur et moi. La plupart du temps, mon grand-père nous emmenait dans la nature. Nous nous promenions dans la forêt et il a été un véritable précepteur de la nature pour moi. J’ai grandi avec le sentiment de faire partie de cette planète que nous habitons, et qu’il n’y avait rien de plus normal que d’en prendre soin.
L’écologie est quelque chose d’ancré en moi. Agir pour la préservation de l’environnement m’apparaît comme logique. Quand je vois le débit du cours d’eau, proche de ma maison d’enfance, qui diminue... Quand je constate qu’il y a moins d’oiseaux que dans mon enfance, qu’il y a aussi moins de neige qu’auparavant, j’éprouve l’envie d’agir pour protéger la nature. Car nous avons besoin de cette nature qui nous ressource. Et que rien n’arrive par hasard !
Pouvez-vous nous parler de vous, de votre cheminement qui vous a conduit à devenir ambassadrice du Pacte Européen pour le Climat ?
L. R. : J’ai 23 ans, et cela fait plusieurs années que je milite. Je continue à agir sur le terrain, mais j’aime aussi imprimer des choses dans le temps, et m’inscrire dans la politique publique, pour faire évoluer les textes de loi. Je trouve que les médias télévisés proposent des débats vociférants, qui ne sont pas forcément constructifs. Et moi, j’ai envie que l’on retienne la nuance : l’écologie ne se résume pas seulement à des personnes qui font des actions agressives, ce sont des gens qui réfléchissent et qui ne sont pas égoïstes. J’ai aussi envie de faire comprendre la complexité de l’écologie, car cela ne consiste pas seulement à vouloir sauver les ours polaires, c’est aussi une transition écologique et sociale, qui ne doit laisser personne sur le côté. C’est pour cette raison qu’en parallèle de ma vie militante, j’ai souhaité faire quelque chose qui soit un peu plus posé, plus constructif et qui va vers les gens. Devenir ambassadrice du Pacte Européen pour le Climat m’apporte cette possibilité.
Quel est votre rôle, qu’attend-on de vous ?
L. R. : Le Pacte Européen a été créé par la Commission européenne il y a 5 ans. Le but premier est de créer un réseau qui regroupe de jeunes start-up d’économie sociale et solidaire, des associations, mais aussi des ambassadeurs. Je suis ambassadrice depuis janvier 2024. Cette fonction implique que je m’engage pour l’environnement. Mais aussi d’être une impulsion d’aide et d’action, avec d’autres ambassadeurs, pour créer de nouveaux projets. Par exemple, en octobre dernier, nous nous sommes regroupés afin de rédiger une lettre ouverte au président de la COP 27, au nom des jeunes générations. Par ailleurs, sur instagram je donne des conseils de lectures, j’exprime ce que je ressens, quand un événement est organisé je le mets en avant sur mes réseaux sociaux, je diffuse mes podcasts et je suis active dans des ONG. Ce statut d’ambassadrice est un atout pour la communication.
Pourquoi avoir choisi de diffuser des podcasts pour sensibiliser à l’environnement ?
L. R. : J’ai beaucoup de messages à faire passer. Les podcasts m’ont paru être un support idéal, car l’on peut en moduler la durée, le style, le ton. Ils offrent un moment de détente pour les auditeurs qui les écoutent. Chaque épisode est dédié à un invité différent, qui s’engage pour l’environnement d’une manière ou d’une autre – par son métier, sa passion, un mode de vie différent –. Mes invités ont une représentation du monde ou des pensées alternatives, par rapport au système dans lequel nous vivons (le capitalisme, le consumérisme...). J’aime bien lier leur histoire de vie et leur engagement pour l’environnement. Il existe un fil conducteur dans tous mes podcasts, à travers la question rituelle posée à mes interlocuteurs : « quel a été le plus beau souvenir dans votre enfance ? ».
Quels sont vos canaux d’informations ?
L. R. : Il y en a beaucoup. Le journal Le Monde, mais aussi le média indépendant « BonPote » (site internet) qui vulgarise les termes politiques et explique les enjeux géopolitiques dans le cadre de l’écologie. Je m’intéresse aussi aux communications des activistes écologiques, comme Camille Etienne [NDRL : activiste écologiste prônant la radicalité] qui a réalisé des courts métrages très étayés et a publié des livres. Je regarde des documentaires et des films engagés, notamment ceux de Cyril Dion [NDRL : écrivain, réalisateur, poète et militant écologiste français].
Léa Roethinger
Léa Roethinger, 23 ans, est diplômée d’un Master en « Politiques européennes et Affaires publiques » à Sciences Po Strasbourg. Elle est depuis un an Ambassadrice du Pacte européen pour le Climat, créé par la Commission européenne dans le cadre du Pacte vert. Également engagée au sein de plusieurs associations comme GreenPeace et Oxfam, elle a créé Éco-Éclipse pour sensibiliser à l’environnement et apprendre à vivre autrement.
Son compte Instagram : @lea_rthg
Les podcast d’Éco-Éclipse :
Éco-Éclipse est un podcast qui propose des récits permettant de renouveler nos représentations et nos imaginaires collectifs. Ces récits se veulent vecteurs d’imaginaires inspirants et d’espoirs lucides. Ils questionnent la place de l’humain dans le monde, et nos rapports avec la Nature et le Vivant. Basé sur un témoignage, une expérience de vie unique, chaque épisode aborde l’importance de la conscience de chacun sur toute chose, pour changer les choses…
- Sur Spotify : https://open.spotify.com/show
- Sur Deezer : https://deezer.page.link
- Sur Apple Podcasts : https://podcasts.apple.com/fr/podcast
Ces démarches alternatives sont-elles liées à l’éveil de votre génération ?
L. R. : Notre génération y est peut-être plus sensible, mais il y a des militants de tous âges.
Claire Nouviant, Directrice Générale de l’association Bloom [NDRL : ONG agissant contre la destruction de l’océan, du climat et des pêcheurs artisans], est âgée de 50 ans et fait beaucoup de plaidoyer au niveau du Parlement Européen, pour la sauvegarde des océans. Parmi les amis que je me suis faits, par le biais de ces échanges, il y a Gilles, 75 ans, coordinateur de Greenpeace et militant depuis 40 ans : il m’a appris à persévérer et à ne pas baisser les bras. Toutes les générations sont représentées. C’est une lutte intergénérationnelle, nous avons besoin de tout le monde !
Devenir végétarienne, pour vous, c’est une façon de militer ou de s’engager ?
L. R. : Je n’ai pas voulu devenir végétarienne par symbolisme, c’est avant tout pour la cause animale. J’avais ce souhait depuis l’âge de 12 ans. Je fais partie de la génération du millenium, j’ai grandi avec les réseaux sociaux, et très vite j’ai été confrontée à des vidéos que je ne souhaitais pas vraiment voir, celles de l’association L214, qui dénonce la violence dans les abattoirs, et la souffrance des animaux. Et en même temps, cela m’a ouvert l’esprit, car j’ai découvert cette réalité, qui se passe dans la plupart des abattoirs de France.
Que pensez-vous des actions radicales réalisées par certains écologistes ? Se généraliseront-elles à l’avenir ?
L.R. : Aujourd’hui il y a un gros problème en Europe : les médias décident de mettre en avant ces actions très radicales des militants écologiques, et moins les activités et projets à long terme qui sont réalisés. Les militants radicaux qui jettent de la soupe sur des tableaux, sont aussi des militants qui participent aux réflexions pour faire évoluer les politiques. Mais malheureusement, c’est le seul moyen qu’ils ont trouvé pour se faire entendre. C’est ressenti comme contre-productif pour beaucoup de gens, car ils estiment que c’est réducteur. Mais d’un autre côté, cela fait aussi réfléchir d’autres citoyens. Donc c’est assez ambivalent. Je pense que l’on a encore besoin de ces interventions « coup de poings », sans oublier qu’à côté de cela il existe d’autres répertoires d’actions.
Aujourd’hui les solutions techniques, scientifiques, sociales et solidaires existent. Mais nous avons des élus politiques et économiques qui n’ont pas envie de donner la priorité à l’écologie, et c’est là, le véritable problème. J’aime mettre le curseur au bon endroit. Et j’ai l’impression d’être dans la violence perpétuelle : un gouvernement comme celui d’Emmanuel Macron, qui est au courant de l’état de dégradation de la planète et de l’appauvrissement de la biodiversité (il est régulièrement alerté par des scientifiques), décidant de ne pas agir, et prenant des décisions qui vont à l’encontre de ce qui devrait être fait pour protéger la vie des citoyens français, je trouve que c’est d’une violence inouïe ! Quelle est la violence relative, à côté de cela, quand un militant jette de la soupe sur une œuvre qui est protégée par une vitre ? Bien sûr c’est choquant, mais ce patrimoine n’est pas dégradé. Je ne suis pas en train de hiérarchiser, mais chaque année, des millions d’euros sont alloués pour préserver le patrimoine, et en parallèle très peu de moyens sont donnés pour protéger la vie sur Terre !
Je prépare actuellement un épisode podcast avec un journaliste de vulgarisation. Nous allons parler de ce qui touche à l’orientation et l’indépendance médiatique. Peut-être trouverons-nous un moyen différent de communiquer.
Quelles sont vos prochaines actions ?
L. R. : Inciter à réfléchir sur la manière dont on consomme, se déplace et vit tous les jours. Et repenser la consommation locale... Est-ce que partir en vacances implique forcément de partir loin ? Est-on obligé d’aller à Europa-Park 2 fois par an, ou d’offrir un scooter à un jeune de 12 ans alors qu’il y a d’autres manières de se déplacer ? Réfléchir aussi sur la manière dont on élève nos enfants, en prenant en compte l’égalité des genres, et s’interroger sur les types de jouets que l’on va leur offrir. Repenser également l’éducation nationale, en proposant des cours sur la biologie, la biodiversité et des stages immersifs. Enfin, travailler autrement, avec la semaine de 4 jours, car un WE de 3 jours permet de disposer de plus de temps pour soi, et cela impacte positivement le moral. Réapprendre à s’émerveiller et refaire travailler nos imaginaires collectifs, notre façon de vivre ensemble. Se demander s’il n’existe pas une autre façon d’être heureux.
Et vos projets à plus long terme ?
L. R. : Je viens de terminer mes études, et j’envisage de faire un stage dans le milieu de l’océan. Plus tard, je voudrais continuer à travailler pour des associations ou des ONG environnementales, intégrer peut-être un jour les institutions européennes pour pouvoir ainsi agir dans le domaine de la protection de l’environnement, directement depuis la sphère politique
Quel message souhaitez-vous transmettre ?
L. R. : Souvent l’on me demande si je pense que ma génération est plus engagée que les autres, et si j’en veux aux générations précédentes. Je n’en veux à personne !
Il faut impérativement que l’on mette notre haine de côté, que l’on arrive à être dans la compréhension réciproque, dans l’empathie. Cet engagement doit être intergénérationnel. Ce n’est pas seulement aux jeunes de porter cela. Nous avons besoin de l’expérience et des connaissances des aînées, de la fougue et de la vigueur de la jeune génération. Avant de vouloir changer les choses pour le bien commun, il faut faire les choses parce que l’on en a envie, oser se remettre en question, réaliser ses rêves. Il faut trouver son chemin et être heureux avant de vouloir agir pour le bien général, et pour pouvoir réaliser cette transition.
Pacte Européen pour le Climat
Créé à l’initiative de la Commission européenne dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe, le Pacte Européen pour le Climat vise à devenir pour tous les citoyens européens un espace ouvert, dynamique, inclusif pour partager des informations, proposer des solutions, débattre et agir face à la crise climatique. Il soutient la croissance et la consolidation d’un mouvement européen en faveur du climat. Ses objectifs ? Stimuler l’action en faveur du climat, diffuser les connaissances, soutenir les actions entreprises, renforcer les politiques, impliquer les parties prenantes, favoriser des collaborations inclusives… Et créer un réseau européen de citoyens engagés.
Pour les citoyens, le Pacte européen pour le Climat a trois objectifs majeurs :
- Faire émerger la prise de conscience au sujet du changement climatique, ses implications et impacts croissants dans la vie quotidienne des gens ;
- Informer les citoyens de l’Union européenne des initiatives et ressources existantes pour répondre aux problématiques du changement climatique ;
- Encourager les initiatives et l’action de tous dans les divers aspects de leur vie privée et professionnelle, en inspirer de nouvelles, adhérer à celles ayant fait la preuve de leur efficacité dans d’autres pays européens.
https://climate-pact.europa.eu/about/about-pact_fr
Le rôle des ambassadeurs du Pacte Européen pour le Climat
Les Ambassadeurs du Pacte européen pour le Climat sont des personnes venant de tous les horizons, agissant à titre personnel ou collectif, et sélectionnés pour leur engagement environnemental, leur respect des objectifs et des valeurs du Pacte.
Leur rôle est multiple :
- Donner l’exemple de leur engagement et leur implication en faveur de la lutte contre le changement climatique ;
- Inspirer les autres et encourager les citoyens et les organisations à s’impliquer dans l’action pour le climat et exhorter les décideurs à déployer des mesures et des mécanismes ambitieux pour accélérer les changements systémiques ;
- Partager les informations, en se connectant et faisant équipe avec d’autres personnes portant les mêmes idées, ou les informer des politiques et actions de l’UE pour le climat.
Lors d’événements ou de manifestations diverses, les Ambassadeurs du Pacte rencontrent le grand public, suscitent les échanges, témoignent de leurs expériences.