- Les Affiches d’Alsace et de Lorraine : Dites-nous pourquoi c’est une petite révolution d’avoir créé ce métier de commissaire de justice en 2022 ? En quoi cette réforme était-elle nécessaire ? A-t-elle été menée en totale concertation avec les huissiers de justice et les commissaires-priseurs ?
- Benoit Santoire : « Les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur existent depuis plusieurs siècles. Créer une nouvelle profession de l’exécution issue du rapprochement de deux professions très anciennes d’officiers publics et ministériels était un défi ambitieux. Trois cents ans après les huissiers-priseurs, le rapprochement des professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire renoue avec l’histoire tout en répondant à une volonté de simplification et de modernisation. La réforme a été menée en concertation avec les deux professions, avec une période transitoire permettant de mettre en place une harmonisation progressive des compétences et des pratiques. L’objectif était de créer une grande profession de l’exécution mais aussi d’offrir aux justiciables un interlocuteur unique aux missions élargies et complémentaires. »
- En quoi le commissaire de justice favorise-t-il l’accès au droit des justiciables ?
-B.S. : « Le commissaire de justice est un juriste de proximité. Sa mission ne se limite pas à l’exécution des décisions de justice, mais inclut également le conseil juridique, la médiation, la rédaction d’actes ou encore le constat. Grâce à cette pluralité d’interventions, il accompagne les justiciables à chaque étape de la vie juridique, en leur apportant des solutions concrètes et adaptées. Souvent dernier lien social et dernier relais de l’État sur le terrain, il représente parfois le dernier recours d’accès au droit du justiciable en grande difficulté. »
- Sait-on si vous êtes souvent sollicités pour des médiations ?
- B.S. : « De plus en plus de justiciables font appel à nos services pour trouver des solutions amiables, notamment dans les litiges de voisinage, les conflits familiaux ou les différends commerciaux. Cette approche permet de désengorger les tribunaux et de privilégier le dialogue entre les parties. Le commissaire de justice représente une autorité juridique en charge de certaines mesures d’exécution forcée. Cette incarnation d’autorité peut être interprétée comme un atout pour peser dans les échanges et obtenir davantage d’aboutissements dans le cadre de phases préalables amiables. »
« Encore du chemin à parcourir »
- Est-ce que le grand public, mais aussi les élus, sont familiers de ce métier ? Et quels sont les services qu’il délivre ?
- B.S. : « La profession de commissaire de justice a encore du chemin à parcourir pour devenir aussi connue que nos anciennes professions dans l’esprit du grand public. Nous avons un rôle d’information à jouer auprès des citoyens et des élus pour mieux faire connaître l’étendue de nos compétences : constat, matérialisation de preuves irréfutables devant les tribunaux, recouvrement de créances, médiation, administration de biens, prisées et inventaire ou encore conseil juridique. Nous sommes aussi des partenaires de confiance pour les élus locaux. Alors que la responsabilité des décideurs publics est de plus en plus mise en cause, il est important de garantir leur sécurité juridique. Nous venons d’ailleurs de faire publier un ouvrage avec l’appui de la Banque des territoires intitulé « Les commissaires de justice au service du droit public ». Nous avons rédigé 2509 fiches pratiques à destination des élus locaux pour aider notamment les maires et les présidents d’intercommunalité dans leur quotidien. »
« Une occasion unique de changer le regard porté sur nos métiers »
- Est-ce que la perception du commissaire de justice est meilleure en termes d’images que celle de l’huissier de justice qui véhicule bon nombre de clichés surannés ?
- B.S. : « Le rapprochement des professions offre une occasion unique de changer le regard porté sur nos métiers. Nos deux anciennes professions ont réussi à évoluer pour s’adapter aux nouvelles exigences de la société. Le commissaire de justice s’inscrit dans une démarche d’accompagnement, de recherche de solutions pour les deux parties, loin des stéréotypes liés au recouvrement forcé. Les mesures d’exécution forcées sur décision de justice sont d’ailleurs plutôt perçues par notre profession comme une forme d’échec dans la mesure où elles représentent l’inaboutissement des solutions négociées ou de ce qui relève des MARD, modes amiables de règlement des différends. Le commissaire de justice est à la fois un régulateur économique et un amortisseur social. Nous sommes une profession qui avant tout prouve et protège. »
- Est-ce que la profession est suffisamment représentée sur le territoire national ? En Lorraine ? Êtes-vous assez nombreux pour les missions que vous devez mener ?
- B.S. : « La profession de commissaire de justice est présente sur l’ensemble du territoire national, avec environ 3800 officiers publics et ministériels sur le terrain. Nous sommes assez nombreux pour répondre aux besoins. La Lorraine bénéficie bien sûr de ce maillage : nous comptons près de 70 commissaires de justice à l’échelle de la cour d’appel de Nancy et plus de 30 pour la cour d’appel de Metz. »
« Un haut niveau de compétence »
- Quelles sont les modalités pour s’installer comme commissaire de justice ?
- B.S. : « L’accès à la profession se fait après une formation rigoureuse au sein de l’Institut national de formation des commissaires de justice. Pour pouvoir se présenter à l’examen de commissaire de justice, il faut être titulaire d’un master 2 en droit avant d’effectuer un stage au sein d’un office pour appréhender directement sur le terrain et de façon très pratique les multiples facettes du métier. À l’issue de cette formation théorique et pratique, les candidats doivent encore passer un examen dont la réussite leur permet de prêter serment et de s’installer. Cette formation de deux ans garantit un haut niveau de compétence et une parfaite maîtrise des missions au service des justiciables. »
- Pourquoi allez-vous sur le terrain à la rencontre des commissaires de justice ? Pour faire un état des lieux ou un diagnostic sur la mise en œuvre de cette réforme ?
- B.S. : « Les déplacements sur le terrain permettent de prendre le pouls de la profession et d’échanger directement avec nos confrères sur les réalités de leur activité. Ces rencontres sont essentielles pour identifier les besoins, recueillir des retours terrain et optimiser la mise en œuvre des réformes. Elles contribuent à renforcer le lien entre la Chambre nationale des commissaires de justice et les professionnels, tout en favorisant une dynamique de dialogue et de concertation. »
Une nouvelle profession
Le 1er juillet 2022 est une date historique. Elle a marqué la naissance d’une nouvelle profession du droit, celle de commissaire de justice. Née du rapprochement des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires, dans le prolongement de la loi Croissance et activité de 2015, elle regroupe aujourd’hui 3800 membres répartis sur tout le territoire, sous l’égide de leur ordre national, la Chambre nationale des commissaires-priseurs, pour améliorer et simplifier le service au justiciable.
Formant une nouvelle grande profession du droit, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires ont en commun leur nomination par le Garde des Sceaux et leur statut d’officier public et ministériel qui leur confèrent, dans le cadre de leur action auprès des justiciables, demandeurs, défendeurs, créanciers ou débiteurs, et des pouvoirs publics, une véritable garantie de confiance fondée sur une déontologie stricte. Initiée par cette loi Croissance et activité du 6 août 2015, la nouvelle profession de commissaire de justice a fait ses premiers pas dès 2019, avec la création de la Chambre nationale des commissaires de justice réunissant les deux chambres nationales d’huissiers de justice et de commissaires-priseurs judiciaires en deux sections professionnelles.
Le nouvel ordre a œuvré pendant trois ans et demi à la mise en œuvre de la préfiguration de la profession unique, travaillant à conjuguer les singularités des deux métiers afin de bâtir une nouvelle profession cohérente et efficace.
En 2020, un nouvel organisme de formation a été créé : l’Institut national de formation des commissaires de justice. Début 2023, les premiers étudiants, ayant suivi la formation initiale des commissaires de justice sont sortis diplômés de l’école.
La grande majorité des professionnels a d’ores et déjà suivi une formation spécifique qui leur a permis d’être qualifié commissaire de justice dès le 1er juillet 2022. La Chambre nationale des commissaires de justice est la nouvelle gouvernance ordinale commune qui marque la création de la profession de commissaire de justice. À cette date, le commissaire de justice, véritable tiers de confiance, professionnel du droit de référence dans le cadre de son action de juriste de proximité, capable d’intervenir en urgence pour répondre aux problématiques de tous les justiciables, a fait ses premiers pas dans l’histoire.
Pour trouver le commissaire de justice le plus proche : www.commissaire-justice.fr