Interview Paru le 21 mars 2025
RENCONTRE AVEC MAÎTRE CATHERINE MERLIN

Présidente de la Chambre des Notaires de la Moselle

Depuis mai 2024, Maître Catherine Merlin préside la Chambre des Notaires de la Moselle. Elle nous a accordé une entrevue pour partager sa vision du notariat mosellan et les perspectives d’une profession en constante évolution.

Catherine Merlin

 Pouvez-vous nous retracer votre parcours ?

Catherine Merlin : Mon parcours est assez traditionnel. Après une maîtrise en droit, j’ai intégré le Centre de Formation Profession­nelle des Notaires. Après le concours, j’ai pu réaliser mon stage à Thionville dans l’étude de Maître Michel Boul, où j’ai été ensuite notaire salariée en 2001, avant de devenir associée en 2008. Cette collaboration fructueuse a duré près de 30 ans, jusqu’au départ à la retraite de Maître Boul l’année dernière.

Depuis 2014, je me suis investie au sein de la Chambre des Notaires de la Moselle, notamment en tant que déléguée titulaire de l’Assemblée de liaison de 2016 à 2024.

Issue d’une famille du milieu médical, je dois reconnaître que le concours du droit local alsacien-mosellan a grandement facilité mon accès à la profession. Sans lui, l’acquisition d’une charge aurait été hors de portée. Ce droit local est une véritable chance, car il favorise la diversité des profils dans notre profession.

Quelle est la situation du notariat en Moselle ?

Catherine Merlin : La compagnie des notaires de la Moselle compte 150 notaires, 97 titulaires et 53 notaires salariés. Ces notaires sont présents dans 59 études. Il y a eu une augmentation des effectifs. 60% des notaires sont des femmes et la moyenne d’âge est de 50 ans. Comme pour d’autres professions, nous constatons une fémi­nisation de la profession. Il est vrai qu’au début « un notaire c’était un homme ». Le concours a permis aux femmes en Alsace-Moselle d’accéder aux études et d’accéder à cette profession plus par le mérite que par l’achat d’une charge.

Il faut noter qu’à fin 2024, il n’y a pas d’office vacant. Ces notaires sont accompagnés par 550 collaborateurs. En terme de person­nel dans les études, il y a eu une période creuse et une vague de licenciements compte-tenu de la situation tendue dans le secteur immobilier. Comme sur le plan national, il y a eu plus de licenciements économiques en 2024 que les années précédentes mais comme le secteur de l’immobilier semble reprendre un peu de couleurs fin d’année, il faut espérer que cela permette une stabilisation des effectifs dans les études.

Comment percevez-vous la conjoncture immobilière ?

Catherine Merlin : En novembre 2024, le volume des transactions a diminué de 12 %, contre 22 % fin 2023. Le marché immobilier montre des signes de reprise. Cependant, l’espoir d’une embellie, porté par la baisse des taux d’intérêt, est tempéré par la perspective d’une augmentation des droits de mutation, qui pourrait freiner le dynamisme du marché.

Quelles évolutions constatez-vous dans les actes notariés ?

Catherine Merlin : En matière de gestion de patrimoine, nous avons enregistré une hausse des donations, notamment de transmissions d’entreprises via le pacte Dutreil. Ce pacte permettant de bénéficier d’une exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit (droits de donation ou de succession) sous certaines conditions.

Les événements familiaux tels que les divorces et les changements de régimes matrimoniaux restent stables en termes de volume d’actes.

Par contre, je note une évolution des relations familiales car de plus de plus de familles ne se connaissent pas ou ne se fréquentent pas. Les conflits au sein de ces familles sont également plus récurrents. Avec l’éloignement ou l’éclatement de la sphère familiale, j’ai eu deux cas récemment où dans le cadre d’une succession, les frères et sœurs ne se connaissaient pas et où il a même fallu faire appel à un généalogiste pour retrouver les membres de la famille.

Quels sont les projets phares de la Chambre pour 2025 ?

Catherine Merlin : Notre projet majeur est la création d’une chambre interdépartementale, qui remplacera le Conseil Interrégional. Cette initiative, soutenue par les autorités nationales, vise à rationaliser nos échanges et à créer des pôles de spécialisation entre Colmar, Metz et Strasbourg (médiation, communication, etc.). Cette nou­velle organisation nous permettra de gagner en efficacité face à la complexité des différents domaines à couvrir.

Ce projet de chambre interdépartementale sera présenté aux trois chambres et selon le résultat, elle pourra être mise en œuvre courant 2026. Il nous demande un investissement important car tout est à faire en termes de statuts, d’organisation.

La formation est également une priorité. Avec la complexification de notre métier, nous devons assurer la formation continue des notaires et de leurs collaborateurs. Actuellement, la formation est gérée au niveau du Conseil Interrégional avec des sessions de formations sur les trois villes : Metz, Colmar et Strasbourg.

Il y a maintenant une obligation de suivre 60 heures de formation sur 2 ans. Cette obligation concerne à la fois les notaires et leurs collaborateurs. Elle est mise en place au fur et à mesure. Le prin­cipal frein n’est pas sur le principe de se former mais plus sur la capacité pour les notaires de dégager du temps compte-tenu de leurs emplois du temps.

L’émergence de l’intelligence artificielle (IA) sera au coeur de nos formations en 2025. Pour moi, l’intelligence artificielle doit être vraiment vue comme une aide, elle doit nous permettre de gagner du temps et de gagner en performance. Elle peut être une aide précieuse pour les formalités d’usage, pour le back office avant la rédaction de l’acte.

Des recherches par mots-clés via l’IA peuvent permettre de lister toutes les procédures à faire par rapport à ce qui est indiqué dans un compromis par exemple. Cela permet d’éviter d’oublier une formalité et dans le contexte de la complexification de notre métier, l’IA peut être d’une aide appréciable.

Par contre, la rédaction des actes et la réflexion qui en découle restent humaines et cela est primordial. N’oublions pas non plus que le notaire est là pour donner des conseils mais aussi pour expliquer son travail.

Un autre projet concerne le développement de la médiation. Où en est-on ?

Catherine Merlin : Nous avons de plus en plus de demandes dans le domaine de la médiation et du partage judiciaire. En effet, le partage judiciaire dans le cadre de successions, divorces, indivi­sion, partenaires de PACS est un bon moyen pour résoudre les conflits. Cette procédure du partage judiciaire est très efficiente pour toutes les affaires comportant des biens en indivision où les partis ne trouvent pas d’accord de manière amiable.

D’autre part, le centre de médiation des Notaires Alsace Moselle créé en 2022 et dont le siège est à Metz se développe. De nom­breuses procédures de médiation sont en cours. Il est prévu à ce titre une session de formation de médiateurs où une douzaine de personnes (notaires et collaborateurs) vont être formées pour grossir les rangs du centre de médiation. Là encore, il s’agit d’un enjeu important pour notre profession car l’institution judiciaire propose ces médiations et nous devons pouvoir développer ce service en augmentant le nombre de médiateurs disponibles.

Quelles sont pour vous les propositions marquantes du 120e Congrès des Notaires de France à Bordeaux ?

Catherine Merlin : Je retiens particulièrement la proposition de doter l’arbre d’un statut dans le code civil, portée par notre confrère Maître Catherine Berthol et les autres membres de la commission 1. (Sur ce sujet, notre article disponible à l’adresse suivante : https://www. affiches-moniteur.com/dossier/2024/11/08/retour-sur-les-diffe­rentes-propositions-votees) Il est important de pouvoir faire évoluer la législation dans ce domaine. Je souligne l’engagement d’un de nos notaires de la compagnie, Maître Benoît Hartenstein, pour faire évoluer le droit dans ce domaine.

Bien entendu, la réflexion sur la conciliation de l’urbanisme et de l’environnement est également essentielle, afin de construire des logements tout en préservant nos espaces naturels.

Rappelons qu’il s’est tenu à Strasbourg, le 17 juin 2024, un magni­fique congrès à l’occasion des cent ans du droit local, sur le thème « le droit local : un siècle de modernité au cœur de l’Europe » qui a réuni plus de 700 participants

Enfin, dernière question, quand aura lieu le Prix Marianne ?

La cérémonie de remise du prix Marianne aura lieu cette année le 4 avril prochain. Cet événement met en lumière des auteurs talentueux dans le cadre de la semaine du livre à Metz. En tant que professionnels de l’écrit, les notaires sont fiers de soutenir la création littéraire.

La Rédaction