Interview Paru le 28 mars 2025
RÉMI HAGENBACH, PRÉSIDENT DE STRADIM

« Nous construisons des logements pour des gens qui vont habiter dedans »

Cette année, Stradim fête ses 35 ans. L’occasion de faire un retour en arrière et de dresser quelques perspectives futures avec Rémi Hagenbach, fondateur et dirigeant du groupe alsacien. Paroles d’un promoteur immobilier emblématique et atypique.

Comment s’est passée la création de Stradim ?

Rémi Hagenbach : J’ai créé Stradim (Strasbourgeoise de Développement Immobilier) en février 1990. Au début, nous étions quatre. À la fin de la première année, nous étions déjà huit. Nous étions installés, rue Erckmann Chatrian, une rue parallèle à l’allée de la Robertsau, et puis avenue des Vosges. Nous nous sommes installés à Entzheim en 2006 : je cherchais un lieu très visible par le plus grand monde.

Comment se porte l’entreprise, 35 ans plus tard ?

R. H. : Plutôt très bien. Nous avons dès le départ choisi de construire des logements essentiellement pour des personnes qui souhaitent en faire leur résidence principale. Donc nous n’avons quasiment jamais été dépendants des dispositifs fiscaux en faveur de l’inves­tissement dans le logement neuf. J’ai toujours préféré l’approche consistant à bonifier financièrement l’acquisition de résidence principale en direct. Aujourd’hui, cette aide directe existe par la réduction du taux de TVA à 5,5% dans un certain nombre de cas. Encore faut-il disposer de la structure commerciale qui vous permette de vendre ces logements un par un. C’est ce que nous avons patiemment construit chez Stradim.

30% des ventes de l’EMS

Vous êtes toujours optimiste.

R. H. : Je ne vois pas pourquoi je ne serais pas optimiste pour mon cas. Bien sûr la conjoncture économique européenne est dégradée et les relations internationales sont dans un sale état. Mais pour Stradim, je ne peux pas être pessimiste. En 2024, nous avons produit 30% des ventes de logements neufs réalisées sur l’Eurométropole de Strasbourg. Certes dans un marché très atone, mais globalement notre activité n’a pas baissé.

Vous avez quand même été frappés comme vos confrères par la hausse des taux d’intérêt.

R. H. : Nous avons à faire face aujourd’hui à deux crises en une seule. Nous faisons face d’une part à une crise de la demande provoquée par la hausse des taux d’intérêt et la hausse des prix, elle-même liée à la hausse des prix des matières premières et au cumul invraisemblable des normes et des règlementations. Et je ne parle pas de l’ambiance générale politique. Et simultanément – et paradoxalement – nous connaissons une crise de l’offre : il se construit de moins en moins de logements, ce qui d’ailleurs aurait dû entrainer une baisse des prix. Aujourd’hui, la crise s’autoentretient. Certes les taux ont baissé pour atteindre des niveaux à peu près normaux, mais nous ne parvenons pas à sortir du cercle vicieux. Pour en sortir, il faudrait notamment que les communes ouvrent le robinet des permis de construire : malheureusement, avec l’année électorale dans laquelle nous entrons, c’est le contraire qui devrait se passer.

Du coup, quelles sont les perspectives pour les années à venir ?

R. H. : Aujourd’hui, comme je vous le disais précédemment, je crois plutôt à un système de bonification de prêts et à l’élargissement du PTZ (Prêt à Taux Zéro), notamment en direction des classes moyennes. Un paradoxe pourrait nous aider à sortir de la crise. La rareté de l’immobilier neuf a pour conséquence de faire monter le prix des loyers. Et quand les loyers augmentent, beaucoup de personne se disent qu’il est préférable d’acheter. On pourrait donc retrouver un certain équilibre.

On construit mieux qu’il y a 35 ans

Vous vous présentez comme une entreprise engagée au service de l’habitat durable. Mais tout le monde dit cela. Qu’est-ce qui fait la différence Stradim ?

R. H. : Aujourd’hui les dispositions environnementales s’appliquent à tout le monde. Mais en ce qui nous concerne, le caractère du­rable de nos constructions est plus lié à leur conception qu’à leur exécution. Et c’est le cas depuis longtemps. Nous veillons à ce que nos produits tiennent dans le temps.

Qu’est-ce qui a le plus changé en 35 ans ?

R. H. : Ce qui a le plus changé, c’est l’accumulation des règlemen­tations et des normes qui ne cessent de s’accumuler les unes sur les autres. Ça rend le métier considérablement plus complexe : aujourd’hui c’est presque ingérable. Par ailleurs, je l’ai souvent dit, la décentralisation en matière de logement a été une erreur. Elle a donné un pouvoir exorbitant aux maires en matière de permis de construire : il est pour eux extrêmement difficile de conjuguer leur situation d’élu face à des décisions d’intérêt général à prendre. Et tout cela est exacerbé par les réseaux sociaux, qui servent de caisse de résonance aux intérêts particuliers. Pour finir sur une note positive, nous construisons mieux aujourd’hui qu’il y a 35 ans.

La chute libre du neuf

Selon la FPI Grand Est, le nombre de réservations nettes de logements neufs dans l’Eurométropole de Strasbourg est passé de 908, en 2023, à 732, en 2024. Soit une baisse de 19%. En Lorraine, sur le Sillon lorrain, entre Nancy, Metz et frontière luxembourgeoise, la chute est de 21% : 542 logements réservés en 2024. Quant aux mises en vente effectivement réalisées par les promoteurs, la dégringolade est de 69% dans l’EMS (1 224 ventes en 2023, 379 en 2024). En Lorraine la baisse n’est « que » de 8%.

Dans le même temps, l’offre de logements neufs, c’est-à-dire le nombre de logements disponibles à la vente a également baissé de 20% dans l’EMS (1360 logements disponibles en 2024) tandis qu’elle augmentait sur le Sillon lorrain : +9% (1 271 logements en 2024).

Pour l’année en cours, la FPI fait part de ses fortes réserves : « La seule baisse des taux d’intérêt et l’élargissement du PTZ ne suffiront pas à relancer massivement le marché immobilier neuf en 2025. »

Jean de MISCAULT