C’est la deuxième rencontre de ce type. Elle a eu lieu au Club- House du Golf de Faulquemont, le jeudi 27 mars. « Nous avons répondu à une invitation du DUF, le District Urbain de Faulquemont » précise Virginie Thomas, la déléguée du CDAD (Centre départemental de l’accès au droit). Elle était entourée pour la circonstance des représentants des quatre Maisons de Justice et du Droit de Moselle, en l’occurrence les MJD de Faulquemont, de Woippy, du Val de Fensch et de Forbach. Manuel Delmas-Goyon, président du Tribunal judiciaire de Metz et président du CDAD, Anne Klein, présidente du Tribunal judiciaire de Sarreguemines étaient également présents. « En fait ce n’était pas vraiment pour faire un bilan de l’activité, mais plutôt pour faire des échanges d’expériences, sur le terrain, voir comment chacun travaille. Nous en avions déjà fait une de ce genre en 2022. Et ces rencontres sont pleinement validées par le président du CDAD » dit-elle. Outre les MJD deux Points-Justice, ceux de Borny et de Creutzwald, étaient représentés à cette réunion. Les Points-Justice n’ont pas de greffier et sont gérés par les mairies.
Le planning partagé
Virginie Thomas souligne à bon escient « que les Maisons de Justice sont un peu seules dans les juridictions, sur les quatre il y a un greffier, lequel travaille vraiment seul. C’est donc l’occasion de voir comment elles fonctionnent. » Une façon d’être un peu moins seule, sans doute. Ce fut aussi l’occasion de mettre en lumière un outil innovant qui devrait grandement servir ces organismes : le planning partagé. « Le CDAD de la Moselle avec Astrid Cordier de la MJD de Woippy, de Stéphanie Aubaterre, directrice de greffe au TJ de Metz, nous avons travaillé sur un outil qui permet de partager les agendas entre les structures. Ainsi à Woippy on peut fixer un rendez-vous à Borny, à Borny on peut fixer un rendez-vous à Creutzwald… Tout est possible. Pour l’usager c’est un peu comme l’utilisation de Doctolib. » Elle détaille ensuite le fonctionnement de ce dispositif. « L’usager reçoit une confirmation de son rendez-vous par SMS ou par mail et un rappel 48 heures avant. Et s’il veut annuler un rendez-vous, il fixe les trois premières lettres de son nom par SMS. Ce planning partagé nous l’avons créé et imaginé avec le concours d’une start-up d’État. L’État finance le lancement de cet outil. Plusieurs ministères et l’Agence nationale de cohésion des territoires sont impliqués. Tous les 6 mois, on passe devant un comité d’investissement pour mesurer l’évolution de cet outil. Il est du reste déployé au niveau national. »
Un outil efficace
C’est une évolution remarquable comparée à ce qui se faisait auparavant. « Du temps de l’agenda papier, on enregistrait alors beaucoup de rendez-vous non honorés. Les usagers ne venaient pas, ne s’excusaient pas. Cela devenait impossible à gérer. Le planning partagé permet de mieux suivre ces rendez-vous, l’usager ne peut plus se permettre de se dérober. À la MJD de Woippy les rendez-vous non-honorés sont tombés de 30% à 10%. » Pour le CDAD qui finance des permanences, l’incidence financière est importante. « Cela se ressent pour les avocats et les associations qui interviennent, c’est plus aisé à gérer. Aujourd’hui une trentaine de CDAD, au niveau national, a adopté ce dispositif. » Le CDAD de Moselle, au moment de lancer ce planning partagé, a initié chaque structure, chaque MJD au fonctionnement de l’outil. Et à Faulquemont tous les acteurs présents ont pu échanger sur les avancées de ce dispositif considéré par la plupart comme très efficace.
Le coût des permanences
Le CDAD qui anime le réseau de MJD et de PJ peut créer de nouvelles permanences. Mais cela nécessite un financement. Elle peut être entérinée par une décision du conseil d’administration. Virginie Thomas souligne toutefois l’importance du coût d’une permanence. « Une permanence de trois heures d’un avocat représente un peu moins de 300 euros. Un rendez-vous avec un avocat, pour une première information, dure environ une demi-heure. Un rendez-vous avec le greffier peut concerner la procédure alors qu’avec l’avocat l’usager aborde le fond du dossier qui le concerne. La Maison de Justice et du Droit de Forbach voudrait développer une nouvelle permanence d’avocats spécialisés dans le droit du travail, ainsi qu’en droit du logement car l’ADIL (Agence départementale d’information sur le logement) a quitté la MJD à Forbach. Elle a rejoint la Maison de l’Habitat et des projets où elle est mieux identifiée et qui se trouve juste à côté de la MJD. Rappelons que la MJD de Forbach, alors implantée au quartier du Wiesberg, a été fermée en raison d’un incendie. Elle a déménagé dans le quartier de la gare, place Robert Schuman.
26 000 visites en 2023
Enfin Virginie Thomas revient sur la fréquentation des Maisons de Justice et du Droit, en relevant que la plus ancienne, celle de Woippy vient de fêter ses 25 années d’existence. Elle a été créée en 2000, ensuite il y a eu celle de Forbach créée en 2003, puis Faulquemont en 2011, et enfin celle du Val de Fensch de Hayange en 2015. En attendant, la fréquentation de ces établissements n’a fait qu’augmenter : en 2023, on enregistre plus de 26 500 personnes accueillies auxquelles on ajoute 1400 personnes concernées par des interventions spécialisées. « On pourrait approcher les 30 000 en 2024 » assure la déléguée du CDAD.
Enfin on attend désormais la thématique de la journée nationale de l’accès au droit, le 23 mai prochain. Elle sera validée par le CDAD Moselle avant la fin du mois.

Interview de Manuel Delmas-Goyon :
« La Moselle est bien dotée en Maison de Justice et du Droit »
Le président du Centre départemental de l’accès au droit de la Moselle, Manuel Delmas-Goyon, également président du tribunal judiciaire de Metz, dans une interview aux Affiches d’Alsace et de Lorraine, rappelle l’importance de ces structures qui apporte un véritable service aux citoyens.
- Les Affiches d’Alsace et de Lorraine : Vous êtes attachés à l’accès au droit ?
- Manuel Delmas-Goyon : « Oui bien sûr. On est dans un ressort, en Moselle où il y a une forte densité de structures liées à l’accès au droit, par rapport à d’autres ressorts judiciaires où j’ai exercé. C’est vraiment une caractéristique importante et qu’il faut préserver. Est-ce que leur nombre est suffisant ? Est-ce qu’on pourrait en créer davantage ? C’est difficile de le dire car il faut des moyens pour entretenir une structure. Dans une MJD il faut un greffier, qui dépend du tribunal judiciaire, on peut difficilement en avoir dans chaque commune sous peine de ne plus faire fonctionner le tribunal. Il vaut mieux une structure bien dotée qui fonctionne bien, plutôt qu’une multitude dont le fonctionnement n’est pas suffisamment assuré pour attirer des gens. »
- À quoi sert une Maison de Justice et du Droit ?
- M.D-G. : « Elle sert à apporter un service aux citoyens. Elle sert à faire en sorte qu’ils puissent se renseigner sur leurs droits quelle que soit la matière. C’est pour ça que l’on fait intervenir des professionnels différents, des avocats, des huissiers, des conciliateurs, des notaires, mais également des délégués du procureur pour la petite activité pénale qu’on y tient. C’est pour offrir la palette la plus importante de services aux citoyens. »
« Les gens les identifient et les fréquentent »
- Est-ce que ces structures sont suffisamment connues des citoyens ?
- M.D-G. : « Je pense qu’elles sont de plus en plus connues. Ce qui me fait dire cela, c’est que les chiffres de fréquentation augmentent chaque année. Cela signifie clairement que les gens les identifient et les fréquentent. »
- En tant que président du tribunal judiciaire de Metz, est-ce que vous ressentez l’impact d’une MJD ou d’un Point-Justice sur votre juridiction ?
- M.D-G. : « C’est difficile à dire. Il faudrait savoir quelle serait notre activité si elle n’était pas là. En revanche, le nombre de conciliations qui y sont tenues sont autant d’affaires qui arrivent en moins aux tribunaux judiciaires, le nombre d’entretiens que des gens ont avec des professionnels sont autant de méconnaissance que les gens peuvent avoir de leurs droits, et ça leur permet de mieux orienter leur procédure, le cas échéant, voire de s’en passer. Je pense que cela a un effet important, mais il est difficile à mesurer. »
- Comment fonctionne une MJD ?
- M.D-G. : « Il y a un certain nombre d’intervenants qui prennent des rendez-vous. Un agent d’accueil ou un greffier. Et les usagers viennent rencontrer leur interlocuteur à la MJD, ou alors y tenir leur conciliation. »
- Quels sont les questions les plus fréquemment abordées en MJD ?
- M.D-G. : « Les gens viennent se renseigner sur leurs droits. Soit qu’il y a déjà un litige, et qu’ils essaient de le résoudre ainsi. Ils peuvent se trouver en difficulté financière ou de surendettement, et veulent rencontrer une association pour les aider. Ou alors ils veulent se renseigner sur une procédure de divorce, d’expulsion… Ce sont des gens qui sont en besoin de renseignement, d’information et de proximité. »
- Pourquoi une telle rencontre ?
- M.D-G. : « Ce n’est pas pour rendre compte de l’activité des MJD, car chaque structure dispose d’un conseil pour faire le bilan de son activité. Là, il s’agit plutôt de mettre en commun les bonnes pratiques et discuter de ces éléments d’harmonisation. Le but c’est de s’assurer qu’il y ait une meilleure harmonisation dans l’offre de service au sein du département. »
- Comment se construit une MJD ? Qui en prend l’initiative ?
- M.D-G. : « Il faut plusieurs intervenants. Il faut des locaux, mis à disposition par une commune, un département. Il faut un volontarisme de l’autorité judiciaire qui doit aussi y participer, la financer, le cas échéant y mettre à disposition un greffier. Il faut des investissements de tous. Ici la communauté de communes est engagée, tout comme le Département. »
Les participants à cette rencontre
Une petite vingtaine de personnes a participé à cette rencontre de Faulquemont. Les différentes structures étaient bien représentées. Voici les membres présents :
CDAD Moselle : Manuel Delmas-Goyon, président du CDAD et du tribunal judiciaire. Virginie Thomas, coordinatrice.
Cour d’appel de Metz : Lucile Bancarel (Magistrat délégué à la politique associative et à l’accès au droit MDPAAD). Johanna Hartmann attachée de justice au parquet général.
Tribunal judiciaire de Metz : Stéphanie Aubaterre directrice de greffe.
MJD Faulquemont : Cynthia Rubeillon coordinatrice.
MJD Woippy : Astrid Cordier greffière. Vanessa El Hamer agent d’accueil.
PJ Borny : Nadine Kriegel responsable cellule de gestion Ville de Metz. David Vivarelli, agent responsable du Point-Justice de Borny.
PJ Creutzwald : Mélanie Grunhertz et Bettina Heimberger de la Ville de Creutzwald.
MJD Val de Fensch à Hayange : Nadine Gougerot greffière. Nathalie Kluska agent d’accueil.
TJ Sarreguemines : Anne Klein présidente du tribunal judiciaire de Sarreguemines. Anne Staub directrice de greffe.
MJD Forbach : Vincent Claine greffier.
B.K.