• Accueil
  • Interview
  • « Qu’on laisse le chef d’entreprise investir, qu’on le laisse travailler ! »
Interview Paru le 13 mai 2025
NADÈGE RISSE, présidente de la CPME de Moselle

« Qu’on laisse le chef d’entreprise investir, qu’on le laisse travailler ! »

À l’occasion de l’élection du nouveau bureau de la CPME Moselle et la constitution d’une équipe renforcée pour porter la voix des TPE-PME du territoire, la présidente Nadège Risse, dans une interview aux Affiches d’Alsace et de Lorraine, détaille l’évolution de la gouvernance du syndicat patronal et porte un regard sur la vie des chefs d’entreprise de PME en Moselle.

- Les Affiches d’Alsace et de Lorraine : Vous venez d’élire le nouveau bureau de la CPME Moselle. Qu’est-ce qui évolue ?

- Nadège Risse : « C’est bien le bureau qui a été renouvelé. Pour ma part, j’ai été élue en mars 2024 sur un mandat plein, alors que j’avais été élue une première fois après une démission en octobre 2022. Aujourd’hui nous avons renouvelé une partie de l’équipe du bureau. Un mandat dure trois ans. »

- Est-ce que vous pouvez déjà tirer un petit bilan de votre action à la tête de la CPME ?

- N.R. : « Je dirai qu’un gros travail a été mené au niveau de l’in­fluence de la CPME, de sa visibilité depuis mars 2024. Avec la nouvelle gouvernance nous allons mettre en oeuvre une nouvelle feuille de route qu’on déterminera courant mai. Pour autant, je n’ai pas fait que gérer les affaires courantes, loin de là. Depuis mars 2024, nous avons énormément travaillé pour retrouver de l’influence et de la visibilité. C’était important de le faire. Nous avons ainsi beaucoup travaillé avec les fédérations, avec les associations. On a bien remonté le nombre d’adhésions. Et nous avons aussi mieux travaillé avec les instances nationales de la CPME. »

« La CPME prend sa place de 1ère organisation »

- Est-ce qu’il y avait une perte d’influence de votre organisation à votre arrivée ?

- N.R. : « Je ne peux pas dire ça. Mon but était que la CPME prenne sa place de première organisation syndicale patronale en nombre d’entreprises et de chefs d’entreprise. C’était primordial pour moi.»

- Alors qu’est-ce qui évolue dans votre gouvernance ?

- N.R. : « Aujourd’hui on veut parler de l’avenir de la CPME, des nouveaux membres qui la composent. Ils sont des experts dans leur secteur d’activité. Chacun avec ses compétences peut apporter son expertise. La CPME réunit le monde des artisans, des services, des commerces, de l’industrie, du numérique. Je voulais que l’on ait toutes ces représentations et que nos vice-présidents soient des spécialistes dans ces domaines. »

- Vous avez ouvert le bureau aux branches professionnelles ?

- N.R. : « Oui nous avons ouvert le bureau avec la création d’un collège de branches professionnelles. Auparavant cela n’existait pas, mais il y a eu un changement de statuts au niveau national. C’est la volonté de la CPME à l’échelle nationale qui l’a permis. À ce niveau-là, les adhérents sont exclusivement des branches professionnelles. Dans les unions départementales il n’y avait pas de réelle représentativité de ces branches. Aujourd’hui elles pèsent 20% dans la représentation. Elles auront un vrai rôle d’influence à jouer au sein de la CPME. »

« Je souhaiterais plus d’industrie »

- Quels sont les secteurs d’activités représentés au sein de la CPME ?

- N.R. : « On a sur les adhésions un équilibre important dans toutes les activités. Moi qui suis de l’industrie, j’en souhaiterais un peu plus. Et pour aller davantage vers l’industrie, le bâtiment, nous nous engageons dans un partenariat avec l’Université de Lorraine, afin de travailler sur l’innovation, sur les changements de métiers. Toutes les entreprises voient leurs perspectives modifiées avec la décarbonation. Dans tous les métiers, il faut opérer ces change­ments, ce qui impose une véritable formation. »

- Quel est votre nombre d’adhérents ?

- N.R. : « Nous avons, grâce aux fédérations de branches, aux associations auxquelles il faut ajouter les adhésions directes, environ 12000 entreprises qui sont fédérées sur le département. Il faut consolider la place de la CPME. Surtout en ces temps où le chef d’entreprise ne doit absolument pas rester seul. Cette année nous avons aussi nommé un tiers de confiance qui nous permet d’accompagner les chefs d’entreprises. D’avoir des entretiens avec ceux qui éprouvent des difficultés. Nous avons également fait un gros travail dans ce domaine en 2024, afin d’aider à éviter les procédures collectives. Le tiers de confiance est en lien avec le médiateur de banque. On a élargi sa fonction. Il reçoit le chef d’entreprise adhérent de la CPME qui pourrait avoir besoin d’aide, en raison de difficultés. »

- Vous avez aussi des mandataires ?

- N.R. : « Nous en avons plus de 300. Nous sommes ainsi présents dans toutes les instances, comme l’Urssaf, la CPAM, les juges consulaires, les conseillers prud’homaux. On facilite les mises en relation pour les chefs d’entreprises en proie à des difficultés. »

« Le chef d’entreprise ne doit pas rester seul ! »

- Quels sont les types d’entreprises représentés au sein de la CPME ?

- N.R. : « La CPME c’est la confédération des petites et moyennes entreprises. À l’image du national, quelque 76% des entreprises créées en 2024, sont des auto-entrepreneurs ou des micro-entre­prises. En France, il faut le savoir, 96% des entreprises ont moins de 20 salariés. Mais nous avons aussi parmi nos adhérents, de grosses entreprises. Cela reflète globalement l’image du paysage des entreprises au niveau national. »

- Que dites-vous de la perte d’emploi de plus de 4200 chefs d’entreprise dans le Grand Est l’an passé ?

- N.R. : « Les entreprises ont enregistré une accumulation de crises depuis celle du covid. Il y a eu celle des prix des matériaux, de l’énergie. En France c’est quelque chose d’inacceptable de se retrouver avec de telles factures d’énergie. On n’aurait jamais dû laisser déraper ces prix. C’est un gros poste dans les entreprises, que ce soient des industriels ou des restaurateurs. On a un certain nombre de chefs d’entreprises confrontés à ces crises. Bon nombre d’entre eux, même si leur entreprise fonctionne, sont fatigués. C’est pour ça que nous avons mis en place ce tiers de confiance, pour que le chef d’entreprise ne reste pas seul. Les idées noires peuvent rapidement surgir. Certains ont décidé carrément d’arrêter ou de vendre. »

« On doit conforter l’industrie »

- Le contexte économique ne vous est guère favorable ?

- N.R. : « On a aussi une crise politique et une crise géopolitique. On constate qu’il n’y a pas qu’en France qu’existent ces problèmes. Il y a un véritable problème européen, et son impact est important. La compétitivité de nos entreprises en dépend. Si les décisions européennes ne sont pas bonnes, nous aurons beaucoup de mal. Je sais combien l’industrie est importante et combien on doit conforter l’industrie qu’on a. Je tiens à le rappeler : un poste, un emploi dans l’industrie c’est trois à quatre emplois induits. Il faut que l’on continue de produire. On est sur un territoire où on a été bien loti sur le plan industriel. Il faut être présent auprès des chefs d’entreprise et bien les représenter et les aider à passer ces caps qui sont difficiles. »

- Avec l’exemple d’ArcelorMittal qui va restruc­turer son activité en France et en Moselle, les perspectives pour la sous-traitance ne sont pas encourageantes ?

- N.R. : « Nous les TPE-PME, en matière de sous-traitance avons besoin de grands donneurs d’ordre. Aussi voir ces entreprises restructurer, c’est un drame pour nos PME. »

« L’IA, on travaille tous les jours avec ! »

- Comment vos entreprises préparent-elles les petites révolutions de la digitalisation, de l’IA ?

- N.R. : « Cela fait quelques années que l’on a démarré les webinaires en lien avec notre CPME nationale, qui dispose de véritables experts en Intelligence artificielle. Ils sont à la disposition de nos adhérents pour s’informer, participer. En parallèle nous faisons à l’échelle dé­partementale des matinales, des événements pour accompagner nos adhérents. On est véritablement dans une sorte de tournant où beaucoup de choses s’entrechoquent. Il nous faut surtout prendre le bon virage. Il ne faut surtout pas penser qu’une petite entreprise passera à côté de l’intelligence artificielle. On travaille déjà tous les jours avec, nos logiciels sont connectés avec l’IA. »

- Vos entreprises ont-elles mesuré l’impact de l’IA sur leur fonctionnement ?

- N.R. : « Aujourd’hui il va falloir se réadapter dans sa façon de faire. On va avoir du temps qui va se libérer sur des tâches qui sont souvent chronophages. Il faut optimiser et utiliser ce temps récupéré pour créer de la valeur. C’est au quotidien que vous avez ces outils de l’IA à côté de vous. Ce phénomène de gain de temps par rapport à ces outils, ça peut chambouler votre organisation. On pourrait presque penser qu’on a moins de travail, or ce n’est pas le cas. On a simplement des tâches qui sont automatisées naturellement et qui nous permettent de gagner beaucoup de temps. Il nous faut le prendre en compte. »

« Préserver les pépites sur le territoire »

- Qu’en est-il de la problématique de la transmission de vos PME ?

- N.R. : « Nous sommes très impliqués sur cette question. On a eu beaucoup de chefs d’entreprise qui ont démarré en même temps et bon nombre de chefs d’entreprises sont arrivés à un âge proche de la retraite, où ils pourraient transmettre, parfois familialement ou alors en vendant. C’est le moment où il faut être très présent. Surtout avec cette accumulation de crises, cette fatigue du chef d’entreprise dont on ne parle pas assez. Généralement le chef d’entreprise continuait malgré l’âge de la retraite. Aujourd’hui, il en a bien moins envie. Il faut à ce moment que le chef d’entreprise ne reste pas seul dans ses décisions. On a de petites pépites sur le territoire qu’il faut préserver. Il ne faut pas perdre tous ces savoirs, ces compétences. Il faut qu’on transmette. Il faut parvenir à trouver le dynamisme et un repreneur. Nous avons à la CPME des adhé­rents qui effectuent ce travail. On peut dire qu’il y a des reprises qui se font dans de bonnes conditions, qui sont accompagnées. Cela donne des perspectives positives pour l’avenir. Mais quel que soit le moment de la vie de l’entreprise, le chef d’entreprise a besoin d’être entouré. Parfois pour se former mais plus souvent pour échanger. Dans l’échange on parvient à avancer et à retrouver de l’énergie pour voir le bout du tunnel. »

- Est-ce qu’aujourd’hui les entreprises investissent encore ?

- N.R. : « Aujourd’hui le contexte politique déstabilise les chefs d’entreprises. Il n’y a pas de visibilité… et donc on n’investit pas. C’est notre gros souci. On a une gestion un peu à court terme et ça fatigue. Et ce n’est pas dans son ADN : le chef d’entreprise veut voir haut et loin et envisager l’avenir. Et investir avec ses collabo­rateurs. Mais si on ne nous laisse pas créer de la valeur dans nos entreprises, ça va être de plus en plus compliqué. »

« On a amélioré la place des femmes dans les entreprises »

- Quelle est la place des femmes dans vos PME ?

- N.R. : « C’est tout de même de plus en plus fréquent de voir des femmes diriger une entreprise. L’avantage d’en parler, d’avoir martelé ce thème ces dernières années, cela a permis une prise de conscience du phénomène. Même si l’on n’arrivera pas à la pari­té, mais chaque femme a envie d’être chef d’entreprise ou cadre dirigeante. Ce sont les femmes qui doivent prendre leur place. Je pense qu’on a nettement amélioré la place des femmes dans les entreprises. Dans les branches professionnelles, chacun a pris ce sujet à coeur. Dans nos instances paritaires, dans nos représenta­tions pour les mandataires, on a certaines institutions comme le conseil des prud’hommes où l’on doit avoir la parité absolument. Ce n’est pas facile parce qu’il n’y en a pas autant que ça qui ont le temps de s’investir. Cela dit, avec le temps nous avons nettement amélioré la place des femmes dans les entreprises. »

- Vous en êtes l’exemple. Vous êtes chef d’entreprise, animez et dirigez une organisa­tion patronale. Est-ce si simple ?

- N.R. : « Vous savez, nous sommes de plus en plus nombreuses. Il y a trois femmes dans la région Grand Est. Il faut le savoir. Au sein de notre comité nous avons certes que des hommes à la vice-présidence, mais une femme trésorière adjointe, Priscilla Meunier-Garrel et une femme à la présidence des mandats, Marie Lebeau. Certes on n’a pas la parité au sein de ce comité, mais il est bien opérationnel. Les membres de ce bureau sont au sein de la CPME depuis longtemps. Ils étaient déjà avec moi en comité de pilotage ou dans des commissions. Ils connaissent bien le travail de la CPME. Ils ont été très présents ces dernières années. Je suis satisfaite qu’on ait officialisé ce bureau, pour qu’on puisse travailler, chacun dans ses compétences, représenter dans les cinq bassins de Moselle, l’ensemble des chefs d’entreprise. «

- Et votre entreprise ?

- N.R. : « Il s’agit de JVC à Peltre. Nous fabriquons des joints de vulcanisation caoutchouc pour toutes les industries et le bâtiment. On est une petite entreprise, donc on est toujours plus agile quand on est petit. Il est vrai qu’on fait face à des changements d’habi­tudes, mais on a également des inquiétudes quant aux décisions des gros groupes, nos donneurs d’ordre de l’industrie. Et des décisions prises à Bruxelles. C’est important qu’on puisse faire confiance aux chefs d’entreprise, qu’on les laisse investir, qu’on les laisse travailler. »

CPME Moselle Place Mazelle à Metz

contact@cpme57.fr - Tél : 03 87 74 31 36

 

 

La composition du bureau

Voici la composition du nouveau bureau de la CPME Moselle :

- Président : Nadège Risse PDG de SAS JVC Peltre

- V/P Commerce : Serge Febvre président Centre Leclerc Thionville

- V/P Services : Anthony Marthe directeur du territoire Banque Populaire Metz

- V/P Industrie : Vincent Thinus CEO Setforge Hot Formers Hagondange

- V/P Artisanat : Ludovic Augier Président Lorraine EnR Woippy

- Secrétaire : Jean Mallavergne Président MO Groupe Optique Saint-Avold

- Secrétaire adjoint : Mathieu Pierson Commissaire de justice Metz

- Trésorier : Rui Dias expert-comptable et commissaire aux comptes Cabinet Adis Saint-Avold.

- Trésorier adjoint : Priscilla Meunier-Garrel Agent général d’as­surance Generali Mondelange

- Président des mandats : Marie Lebeau Président d’Austrasie 3000 Peltre

 

Membres du Collège des branches professionnelles

- Sébastien Dorkel FFB Moselle (bâtiment)

- Vincent Nagelschmitt Fédération des boulangers

- Antoine Palumbo Fédération des buralistes

- Philippe Da Soler FNTR (transport routier)

- Christophe Thiriet UMIH Moselle (hôtellerie-restauration)

Le nouveau bureau de la CPME Moselle réuni autour de Nadège Risse, la présidente au centre.

Bernard KRATZ