Interview Paru hier
Récolte des mirabelles en Lorraine

Vers une très belle année !

La récolte des mirabelles a bien commencé en Lorraine. Et le cru 2025 s’annonce excellent, tant en qualité qu’en quantité. La météo a été très favorable avec une alternance de soleil, de chaleur et de temps humide et pluvieux. Mirabelles de Lorraine et VegaFruits prévoient une récolte de 5500 à 6000 tonnes.

Une bonne récolte a commencé cette année

 Pour bien apprécier la récolte des mirabelles en Lorraine nous sommes allés vers trois références en la matière : Arnaud Colin, le directeur de la Coopérative de Saint-Nicolas-de-Port (54) VegaFruits, Quentin Hoffmann, le responsable de l’association Mirabelles de Lorraine et de l’AREFE (association régionale d’expérimentation fruitière de l’Est à Vigneulles-Lès-Hattonchâtel dans la Meuse), et de Vincent Neveux, arboriculteur et maraîcher, à Norroy-le-Veneur près de Metz.

Chacun a détaillé son approche de cette saison estivale, celle du fruit lorrain par excellence, la mirabelle dont la récolte a commencé fin juillet, début août.

Elle devrait durer six semaines, jusqu’à début septembre. Tous les trois nous racontent leur cueillette du fruit d’or.

Arnaud Colin : « Beaucoup de sucre, beaucoup d’arômes, de belles couleurs ! »

- Vous dirigez Vegafruits. Vous avez remplacé Bruno Colin. Cela fait combien de temps ? Et comment s’est passé ce relais ?

- A.C. : « Là je fais ma troisième saison. La transition s’est fort bien déroulée. Je connais la coopérative depuis 2003. Les producteurs et Bruno Colin ont tout fait justement afin que le passage de relais se fasse de la façon la plus saine possible : c’était très bien. Bien sûr que j’ai des nouvelles de Bruno Colin. On s’appelle régulièrement. Il s’in­forme, et n’oublions pas qu’il a une exploitation agricole, il fait partie du groupe. C’est un producteur de mirabelles, il est installé près de Bayon dans la Meurthe-et-Moselle.»

- La récolte de mirabelles a bien commencé ?

- A.C. : « Elle a commencé tout doucement, au bout de la dernière semaine de juillet. Le gros démarrage c’est depuis ce lundi 4 août, on est en plein dans le grand lancement de la campagne de cueillette et ramassage de mirabelles. »

- Par rapport aux dates habituelles de début de cueillette, on est plus ou moins en avance ?

- A.C. : « Par rapport à il y a quinze ans, on a dix jours d’avance. Par rapport aux dernières années, on est à peu près normal parce qu’en 15 ans, la récolte a avancé de façon significative, maintenant ce n’est pas rare que fin juillet, début août, on démarre. Si on prend la référence des quatre ou cinq dernières années, on est plutôt dans la norme. »

« Le printemps a été clément »

- Est-ce que vous avez été bien servis par la météo cette année ?

- A.C. : « Globalement oui. Au printemps on a eu un temps absolument parfait : pas de gelée, des pluies pour nourrir notre fruit, de l’ensoleil­lement. Le printemps a été très clément avec nous. On a eu un peu peur en début de saison, cet été, les dix derniers jours on a été un peu pluvieux. On n’aime pas la pluie en dernière minute. Le fruit étant très sucré, il a tendance à absorber l’eau et l’humidité. Il peut en absorber tellement, que la peau n’a pas le temps d’être assez élastique, et ça peut fendiller le fruit. Notre chance est qu’il a plu, mais le beau temps est revenu, ça n’aura pas eu le temps de faire trop de dégâts. Le fait d’avoir les sols un peu humides nous a tout de même bien aidés. »

- Qu’en est-il de la qualité du fruit ?

- A.C. : « Au global, on a une très belle qualité cette année. Beaucoup de sucre, beaucoup d’arômes, de belles couleurs. Le calibre varie : vous avez des vergers avec des arbres très chargés, et donc des fruits au calibre plus petit. Vous avez des vergers peu chargés, avec des fruits au calibre plus gros. Comme tous les ans. L’an passé il y a eu beaucoup d’eau, nous avons eu des fruits avec un calibre un peu exceptionnel. Cette année c’est un format normal. »

« Entre 5500 et 6000 tonnes »

- Et pour la quantité ?

- A.C. : « On est quasiment comme l’année dernière où nous avons réalisé 5900 tonnes. On tournera autour de 5500 à 6000 tonnes, ce sera une année tout à fait normale : pas d’excédent, pas de pénurie. Je parle de la mirabelle de Lorraine, celle qui possède l’IGP. Mais la production globale de mirabelles en Lorraine dépassera les 9000 tonnes. Pour ce qui est de la production, la Meuse est en peu en avance, c’est pour ça qu’on en trouve déjà sur les étals. Les mirabelliers fleurissent un peu plus tôt et parviennent à maturité plus tôt. Dans notre coopérative nous avons nos producteurs meusiens. »

- Comment va VegaFruits ?

- A.C. : « Notre coopérative va bien. Les producteurs sont très satisfaits des investissements que nous avons engagés en 2021 et 2022 : ils leur ont permis d’être très agiles, d’être capables de travailler leurs fruits frais et leurs fruits transformés. Aujourd’hui on a des marchés qui répondent présents. On a notre équilibre : le frais pour nos fruits de bouche qui représente entre 30 et 40%, avec nos produits transfor­més, la purée, le jus, le surgelé, ce qui nous permet de vendre toute l’année notre mirabelle de Lorraine. »

- Qu’en est-il du prix ?

- A.C. : « C’est difficile de répondre. Je connais mes prix de vente qu’on ne donne pas trop, mais les prix que vous voyez à l’étal, on ne les maîtrise pas. À Paris ou en Normandie les prix n’ont rien à voir. Globalement nous restons bien sous les 5 euros le kilo. À l’étal, on n’est pas loin des 4 €. N’oublions pas que la mirabelle est un petit fruit qui se cueille à la main et ça prend du temps. Vous récoltez trois pommes, vous avez un kilo, vous cueillez 60 mirabelles pour en faire un kilo. »

« Les étudiants ont répondu présent »

- Vous n’avez pas eu de difficulté pour recruter du personnel dans les vergers ?

- A.C. : « Non. C’est une très bonne année pour le recrutement. Très tôt, on a fait des portes ouvertes, on a beaucoup communiqué. Les étudiants ont répondu présent. On a eu beaucoup de demandes de travail saisonnier. On s’inquiète parfois, si notre campagne dure, on craint un peu la transition fin août début septembre qui est un peu compliquée. De fait, beaucoup d’étudiants vont reprendre les cours, il va falloir embaucher à ce moment-là. La campagne cette année va sans doute durer 6 semaines. Si des gens sont intéressés pour travailler, ils peuvent venir et se porter candidat. Ils peuvent nous appeler ou aller sur notre site internet, sur nos pages recrutement. »

- La technique de récolte est mécanique, vous secouez les arbres ?

- A.C. : « Pour l’industrie on vibre les arbres, c’est mécanique. Pour tout ce qui est fruit de bouche, à 90% c’est une cueillette manuelle, directement sur l’arbre. Ce sont souvent de petits arbres, on appelle ça des arbres piétons, qui ont été justement rabattus pour ne pas avoir à grimper haut dans l’arbre. »

- Côté transformation, il y a des nouveautés ?

- A.C. : « En surgelé il n’y a pas de nouveautés. On est en train d’investir le marché de la boisson et des jus. On développe beaucoup les jus à base de mirabelles, c’est en pleine croissance. Sans alcool ou avec alcool. Il y a un véritable débouché dans ce domaine. »

Voir aussi www.vegafruit.fr

Quentin Hoffmann : « S’adapter et se battre face au réchauffement climatique »

Il est le successeur de l’emblématique Philippe Daniel à la présidence de Mirabelles de Lorraine, l’association de référence. Comme son homologue de VegaFruits, Arnaud Colin, il a pris le relais, et la transi­tion s’est fort bien passée : « Cela s’est fait très naturellement, dans le consensus. Du reste on travaille toujours avec Philippe » reconnaît Quentin Hoffmann. C’est un peu la mémoire de la mirabelle dans notre région. Ainsi la Lorraine compte à peu près 700 hectares de vergers, il faut compter en moyenne 250 arbres l’hectare. On dépasse allègrement les 170 000 arbres. Le nombre d’exploitants reste stable : « Il est même en légère hausse, c’est au sein des exploitations qu’on enregistre un renouvellement des générations. Il y a environ 200 producteurs. » À l’instar d’Arnaud Colin, il porte un regard serein sur cette campagne de récolte qui vient seulement de commencer : « La floraison s’est passée dans de très bonnes conditions. C’était ensoleillé avec de bonnes températures : il y a des fruits partout en Lorraine. Jusqu’à présent on a eu un climat idéal avec une alternance de soleil et de pluie. Résultat nos mirabelles sont très sucrées, très parfumées. En taille, elles sont juste bien. Et si ça continue, on devrait faire une très belle récolte. Comme l’an passé, mais beaucoup mieux répartie sur le territoire. L’an dernier on n’avait quasiment pas de fruits sur les côtes de Meuse, il y en avait un peu plus en Meurthe-et- Moselle et dans les Vosges. Là c’est plus équilibré. » Et les couleurs sont bien présentes. Elles ont les joues roses. « C’est le fait des nuits fraîches, l’alternance du chaud et du froid. »

« Gérer les gelées tardives, les sécheresses… »

Pour ce qui est de l’AREFE, qui est un peu le centre expérimental de recherche autour des fruits, en particulier de la mirabelle, sur le site de Vigneulles-Lès-Hattonchâtel dans la Meuse, et dont Quentin Hoffmann est le responsable, l’activité est très liée aux problèmes que peuvent rencontrer les producteurs sur le terrain. « On essaie de trouver des solutions à ces problèmes, pour améliorer nos pratiques, tout en gardant la qualité de nos fruits. » De fait l’AREFE adapte son activité « à l’impact du changement climatique sur nos vergers. Com­ment on gère les gelées tardives, comment on gère les sécheresses, les canicules ? On a ainsi travaillé avec des argiles qu’on pique sur les bourgeons en les pulvérisant avec un atomiseur sur les arbres, pour les protéger des gelées tardives. Cela confère une petite protection, cela nous fait gagner quelques pourcentages. On le fait aussi pour les protéger des coups de soleil, des canicules. »

« On a des armes pour se battre contre le réchauffement climatique »

De fait pour les sécheresses et les canicules Quentin Hoffmann évoque les solutions « sur la manière de couvrir le sol pour éviter d’avoir des sols nus, pour savoir à quelle fréquence il faut faucher l’herbe, quel type d’herbe on laisse au sol pour qu’il y ait moins de concurrence à l’eau. Et pour les coups de soleil on revient avec des argiles : on utilise des simulateurs de défense des plantes, qui viennent aider les plantes à continuer à s’alimenter en période coups de chaud. » Le responsable de l’AREFE estime que les critères de l’IGP pour labelliser les Mirabelles de Lorraine : taux de sucre, calibre de 22 mm, nombre d’arbres à l’hectare « nous aident à encaisser les problèmes du réchauffement climatique. On a peu d’arbres à l’hectare, on est très extensif, du coup on a des arbres avec d’énormes systèmes racinaires qui peuvent aller puiser l’eau assez profond dans le sol. Des sols très argileux avec une forte rétention en eau. On a quelques armes pour se battre. On doit se préparer à des situations plus tendues. On s’adapte. »

Voir aussi www.prunes-et-mirabelles-de-lorraine.com

Ou le site de Irfel (Innovation et recherche en fruits et légumes), une association française des stations d’expérimentation en fruits et légumes) www.irfel.fr

Vincent Neveux à Norroy-le-Veneur : « Une excellente récolte, comme l’an passé »

Il est arboriculteur et maraîcher à Norroy-le-Veneur, où il possède du reste un magasin au nom de Maison Neveux tenu avec son fils Theau. Vincent Neveux a bien lancé sa campagne de récolte de mirabelles, le 28 juillet dernier dans ses vergers de 1 hectare, soit près de 300 mi­rabelliers. Sa production annuelle tourne autour de 12 à 14 tonnes. « C’est une très bonne année en qualité, en quantité. Du même niveau que celle de l’an dernier. Même si la maturité s’est faite de façon un peu différente. » Et notre arboriculteur, en constatant la charge de ses arbres, a préféré réguler sa production. « On avait énormément de fruits sur les arbres, on avait le risque d’avoir des fruits trop petits. Un mois avant la récolte, on a éclairci, en supprimant un pourcentage de fruits, pour optimiser un maximum le calibre et aussi éviter que les branches ne cassent en raison de la surcharge. » Certes on n’est qu’au début de cette récolte, mais Vincent Neveux parvient sans pro­blème à écouler sa production. « Depuis 30 ans j’ai toujours réussi à écouler ma production : sur les marchés de Metz, sur l’exploitation avec notre magasin Maison Neveux qui ouvre les soirs. On travaille avec les grossistes comme Metro, lequel fournit les restaurateurs. » À propos du prix, il hésite car « ça change beaucoup en ce moment. Mais globalement on reste bien en dessous de 5 euros. On est plus près des 3 euros que de 5 €. » En attendant, il ne sait pas quel sera le niveau des ventes. « C’est une année où tout le monde a des mirabelles dans son jardin, cela ne se vend pas de la même manière… Nous ven­dons exclusivement du fruit de bouche, pas à une coopérative pour la transformation. Je rappelle qu’on secoue les arbres, mais chaque fruit est ramassé à la main. On écarte les mauvais fruits. »

Une bonne année pour les cultures

Enfin Vincent Neveux est parvenu à recruter in-extremis le personnel dont il avait besoin pour sa campagne de cueillette soit une dizaine de personnes. Et pas seulement des étudiants, mais aussi des saisonniers spécialisés. « Ils récoltent entre 500 kg et 1 tonne par jour. Nous avons différents contrats : des contrats de 2 mois, d’autres de 4 à 5 mois. » Vincent Neveux est multi-fruits : il cultive et récolte de la cerise, de la prune, de la mirabelle, de la pomme et de la poire. Pour le maraîchage, il fait de tout : salade, radis, courgette, petits pois, aubergine, poivron, pommes de terre. « On est sur 5 hectares pour le maraîchage, et sur 5 ha pour l’arboriculture. Et l’activité du maraîchage a été très bonne avec une météo qui alternait chaleur et humidité. » Aujourd’hui Vincent Neveux poursuit l’aventure en s’associant à son fils qui va prolonger cette entreprise familiale. Il tient à conclure en répétant que « cette année a été bonne pour l’arboriculture et les cultures. Mais que la situation des maraîchers reste compliquée… »

Voir le site https://www.maisonneveux.weebly.com

Arnaud Colin, le directeur de la Coopérative de Saint-Nicolas-de-Port (54) VegaFruits, Quentin Hoffmann, le responsable de l’association Mirabelles de Lorraine et de l’AREFE (association régionale d’expérimentation fruitière de l’Est à Vigneulles-Lès-Hattonchâtel dans la Meuse), et Vincent Neveux, arboriculteur et maraîcher, à Norroy-le-Veneur près de Metz.

Bernard KRATZ