- Les Affiches d’Alsace et de Lorraine : Vous venez d’adresser une lettre aux parlementaires. C’est inédit à la CPME ?
- Nadège Risse : « On a souhaité procéder de la sorte, parce qu’on a voulu interpeller les parlementaires au moment où se profile une rentrée politique plutôt chaotique. On voudrait leur faire prendre conscience de la situation des entreprises de plus en plus fragilisées dans ce contexte. On a besoin que ce ne soit pas bloqué, de libérer tout ça. On a écrit aux 10 députés et 5 sénateurs mosellans pour qu’ils prennent leurs responsabilités sur l’avenir. »
- Et vous martelez le nombre de chefs d’entreprises qui ont perdu leur emploi ?
- N.R. : « 31 260 ont perdu leur emploi depuis le début de l’année : c’est très impressionnant. En plus, ces entrepreneurs ont une moyenne d’âge de 46 ans. Ce ne sont pas forcément des gens en fin de carrière. Souvent ce sont des entreprises qui ont plus d’une dizaine d’années d’existence. Le plus inquiétant est que ça se passe dans la plus grande indifférence, c’est ce qu’on ressent. On veut éviter les blocages, on veut pouvoir travailler. »
- Vous espérez des réponses de ces parlementaires ?
- N.R. : « J’espère au moins un accusé de réception… S’il n’y a pas de réponse. Il faudrait que ce courrier serve au moins à quelque chose. Il va falloir que tout le monde se retrousse les manches. À l’Assemblée nationale, on a parfois l’impression que tout le monde s’amuse : tout le monde appelle au blocage alors que chefs d’entreprise et salariés vivent des moments difficiles. Ils sont dans une situation qui n’est pas tenable. »
« Le désordre n’a jamais été une solution »
- Vous écrivez dans votre communiqué : la rentrée politique doit être exemplaire. C’est très fort ?
- N.R. : « Oui. J’ai voulu que ce soit direct. Ces chiffres ne sont pas abstraits. Ils traduisent des vies brisées, des territoires affaiblis, et une perte de savoir-faire qui impacte durablement notre économie locale et nationale. Et ça se fait dans la plus grande indifférence. Quand un chef d’entreprise perd son emploi, un nombre important de collaborateurs est concerné. On en parle quand ce sont des grosses usines, mais quand on a des TPE ou PME avec quelques salariés, avec le cumul ça fait beaucoup plus. Je le rappelle, les TPE/PME représentent 99% du tissu économique. On voudrait faire comprendre aux parlementaires, qu’à vouloir faire le désordre, ça n’a jamais été une solution. On a quand même un système de solidarité dont on peut être fier en France. On se demande si ça peut encore tenir. N’attendons pas qu’on soit dans un tsunami : un emploi industriel perdu, ce sont cinq emplois qui disparaissent. C’est l’effet domino. On parle aujourd’hui de dé-commercialisation, de désindustrialisation. Cela s’appelle le déclin. »
- Vous voulez une politique claire, stable et lisible, dites-vous dans la lettre ?
- N.R. : « On a besoin de stabilité, de visibilité, parce que si on est bloqué au 10 septembre… On nous épuise. On a besoin de travailler, de produire. »
- Vous réclamez également une simplification administrative et réelle ?
- N.R. : « On demande depuis longtemps le test CPME. Il permettrait dans le cas de nouvelles normes, de les tester dans plusieurs sociétés, afin de voir si ces nouvelles règles sont viables au sein de nos entreprises. »
« Que les entreprises soient écoutées »
- Vous êtes suivi par la CPME au niveau national ?
- N.R. : « Tout à fait. Au sein de la CPME, des commissions sont mises en place sur les différents secteurs d’activité. Nous avons une restitution pour l’industrie, qui est le coeur du réacteur. Des analyses sont en cours avec des propositions qui seront faites au niveau national, à propos de la simplification administrative, sur la formation aux nouveaux métiers. Ainsi que sur un gros morceau : la commande publique et le fabriquer en France. »
- Vous attendez des mesures de soutien et de rebond ?
- N.R. : « On aimerait que les entreprises soient écoutées, qu’on ait une véritable reconnaissance de ce qui est fait. Ce sont les entreprises et leurs salariés qui font la richesse du pays. On veut un accompagnement. Ce n’est pas le sentiment qu’on a actuellement. On ne parle plus que de blocage. À l’arrivée on va payer cash toutes ces erreurs. »
- La CPME organise ce 5 septembre une journée portes ouvertes ?
- N.R. : « On va faire notre rentrée. Je ferai une prise de parole dès 8h15, vous l’avez remarqué, on est assez remonté. Mais cette journée est dédiée à un « Mandat dating », nos mandataires vont venir à la rencontre de nos chefs d’entreprise, pour les inviter à s’investir. Nous avons à la CPME Moselle quelque 400 mandataires, présents dans de nombreux organismes Urssaf, CAF, CPAM etc. Ils sont actifs sur le territoire pour défendre les chefs d’entreprise. On voudrait montrer aux chefs d’entreprise que c’est important de s’engager dans la défense des entreprises. C’est ouvert à tous nos adhérents. »
- Beaucoup de chefs d’entreprises perdent leur emploi. Mais dans le même temps, il y a encore beaucoup de créations d’entreprises. N’est-ce pas une lueur d’espoir pour vous ?
- N.R. : « On espère. On n’est pas que négatif. C’est un fait : les chefs d’entreprise sont souvent résilients. Depuis 2020 on n’a subi que des crises successives. Heureusement il y a toujours des gens qui créent leur entreprise. On a aussi vu que ce sont des auto ou micro-entreprises. Mais c’est bien, cela signifie qu’il faut y croire. »
La lettre de la présidente de la CPME aux parlementaires mosellans
Madame, Monsieur,
« À l’aube de cette rentrée politique, je vous adresse ce courrier pour vous alerter sur une réalité trop souvent ignorée : celle des chefs d’entreprise qui dans l’ombre perdent leur emploi et leur dignité économique.
Selon l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs publié à ce jour par GSC et Altares, 31 260 dirigeants ont perdu leur emploi au premier semestre 2025, soit plus de 170 chefs d’entreprise par jour.
Ce chiffre, en hausse de 4,3% par rapport à 2024, révèle une fragilité croissante du tissu entrepreneurial français. Il touche en majorité des dirigeants expérimentés, à la tête d’entreprises de plus de dix ans, dans des secteurs clés comme le commerce, la construction et tant d’autres.
Ces défaillances ne sont pas de simples statistiques : elles traduisent des vies bouleversées, des territoires affaiblis et une perte de savoir-faire qui impacte durablement notre économie locale et nationale.
Nous n’avons plus le luxe de l’inaction.
La rentrée politique doit être exemplaire. Les élus doivent prendre leurs responsabilités et cesser de fragiliser un tissu économique qui ne demande qu’à se relever.
Nous appelons à :
- Une politique économique claire, stable et lisible ;
- Des dispositifs de soutien et de rebond pour les dirigeants en difficulté ;
- Une simplification administrative et fiscale ;
- Une valorisation du rôle des TPE-PME dans la relance territoriale.
La CPME Moselle est prête à dialoguer et construire maintenant ! Elle ne peut plus rester spectatrice d’une lente érosion de l’entrepreneuriat (…) »